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«On demande l’ouverture des négociations» : à Paris, le personnel de l’Education nationale se mobilise

Dans la rue ce mardi 19 mars, le personnel de l’Education nationale participait à la manifestation de la fonction publique pour revendiquer une hausse salariale et dénoncer le «choc des savoirs».

par Yassine Karchi

publié le 19 mars 2024 à 20h44

Lancée par huit syndicats (CGT, FO, CFE-CGC, FA, FSU, Solidaires et Unsa), la journée de mobilisation de la fonction publique était aussi attendue par les travailleurs de l’Education nationale. Ils s’étaient déjà fortement mobilisés le 1er février, avec 47 % des professeurs qui avaient suivi l’appel à la grève, selon le Snes-FSU, et 20 % selon le ministère de l’Education. Les revoilà dans la rue. En tête de cortège. Panneaux et slogans rythment la mobilisation. Un professeur arbore un panneau sur lequel est écrit «Il n’y a pas de moyens Djadja» avec une photo de son ex-ministre Amélie-Oudéa Castéra. Une autre affiche «Belloubet aboule le blé». De quoi donner le ton de cette journée pour réclamer «l’urgence salariale».

Plus de moyens

A Paris, les fonctionnaires se sont donné rendez-vous à 14 heures pour un départ depuis le jardin du Luxembourg. Enseignants et élèves sont de la partie. Tous venus réclamer plus de moyens pour l’école. Présente dans le cortège, Caroline Brisedoux, secrétaire nationale de la Sgen-CFDT, marque le ton : «On demande l’ouverture des négociations.» Parmi ses demandes, une revalorisation salariale à travers le point d’indice demeure la plus importante. Sur le terrain, cette professeure des écoles, qui observe quotidiennement «la lassitude et l’épuisement» de ses collègues, appelle ainsi à «améliorer l’attractivité» des postes d’enseignants. Quelques mètres plus loin, un groupe de trois enseignants, dont Laurence, professeure au lycée, qui dénonce également le peu d’intérêt que suscite l’éducation nationale. «Nous sommes mal payés», affirme l’enseignante qui elle aussi demande avant tout «[d’]augmenter le point d’indice pour obtenir de meilleurs salaires».

Le cortège de l’éducation nationale est dominé par le personnel venu en nombre de la Seine-Saint-Denis. «Qu’est-ce qu’on veut ? Un plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis», clame la foule en mouvement. Christel, professeur des écoles dans ce département, s’est déplacé e avec deux amies profs. «On est là pour demander plus de moyens pour le 93 mais aussi de manière générale pour la fonction publique», explique celle qui a vu la situation se dégrader dans son département. Manque d’effectifs parmi les profs et accompagnants des élèves en situation de handicap, recrutement de contractuels non formés, Christel «tient le coup malgré les petits morceaux de réforme et l’absence de vue globale» sur le dossier de l’enseignement.

Dénoncer «l’école du tri social»

Tout au long de l’après-midi, un sujet revient dans les slogans, les pancartes et les discussions : l’opposition au «choc des savoirs», une initiative qui prévoit notamment des groupes de niveaux pour les élèves et qui doit être mise en œuvre dès la rentrée de septembre. Des professeurs à l’écart de la foule collent des affiches dénonçant la réforme. Parmi eux, Julia, enseignante au lycée, qui affirme protester «contre la vision du gouvernement d’une école du tri social qui accentue les inégalités». Si elle est aujourd’hui descendue dans la rue, c’est parce qu’elle ressent un «mépris total». Pour elle, il est avant tout question de «préserver un peu de [sa] dignité» en protestant.

A ses côtés, Inès, une amie professeure, renchérit : «Le projet de société que promeut le “choc des savoirs” ne me convient pas. On nous parle de séparatisme, mais c’est celui [créé] par les plus riches qui se produit avec cette mesure.» Alors que le groupe poursuit son chemin en direction du quartier des ministères dans le VIIe arrondissement, Inès insiste : «Les services publics doivent promouvoir l’harmonie mais l’on promeut la division ici.»

Grève dans la fonction publique : une intersyndicale unie face à son ministère

Sans réussir à «faire le plein de grévistes», les syndicats qui appelaient les agents publics à se mobiliser pour obtenir des revalorisations ont affiché leur unité ce mardi 19 mars, alors que les discussions avec le ministère de la Fonction publique se sont tendues et que la rémunération «au mérite» évoquée par Stanislas Guerini suscite une forte opposition.

par Frantz Durupt

publié le 18 mars 2024 à 19h13

Un grand soleil sur Paris, Marylise Léon, Sophie Binet et Frédéric Souillot côte à côte… Par réflexe, on a failli demander aux numéros 1 de la CGT, la CFDT et de FO si elles et il croyaient encore possible d’obtenir le retrait de la réforme des retraites, tant l’image rappelait les cortèges vus l’année dernière. Sauf que les rangs étaient nettement moins garnis. Les retrouvailles se justifiaient cette fois-ci par une journée de mobilisation dans la fonction publique, à l’appel de l’ensemble de ses organisations syndicales (CFDT, CGT et FO donc, mais aussi CFE-CGC, FA, FO, FSU, Solidaires et Unsa). Avec un motif central : «l’urgence salariale» qui pèse sur les 5,7 millions d’agents.

Près de 130 rassemblements ont eu lieu en France, selon FO, avec 3 000 personnes dénombrées à Nantes comme à Lyon selon la CFDT, ou encore 8 000 à Marseille selon la CGT. D’après les premières estimations du syndicat, plus de 100 000 agents et fonctionnaires sont descendus dans les rues sur tout le territoire. Etaient bien représentés dans le cortège les enseignants de Seine-Saint-Denis, qui réclament un «plan d’urgence» pour leurs établissements scolaires. Avec des scores allant de 2,2 % de grévistes dans l’hospitalière à 6,4 % dans l’Etat, les taux de grévistes recensés par le ministère, eux, étaient loin d’atteindre les 15 à 30 % atteints durant la réforme des retraites. «Aujourd’hui on ne fait pas le plein de grévistes», a concédé le secrétaire général de la FSU, Benoît Teste, mais «on ne sera pas les spectateurs du saccage de la fonction publique».

«L’urgence salariale» ? Etrange revendication, ont peut-être pensé les fans les plus assidus du ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini. Ceux-là n’ont sûrement pas raté son intervention, le 12 mars, au salon «Choisir le service public» organisé à Paris, un événement conçu pour faire connaître la disponibilité de 70 000 emplois dans la police, l’armée, les hôpitaux, l’inspection du travail… Stanislas Guerini y «assumait parfaitement» d’avoir «ces dernières années […] augmenté le niveau de rémunération» en dégelant, pour la première fois depuis plus de dix ans, le point d’indice. De fait, +3,5 % en 2022, +1,5 % en 2023, ce n’est pas rien. «On n’a jamais dit que 2022 et 2023 étaient des années nulles», prévient Mylène Jacquot, de la CFDT fonctions publiques. «Mais l’inflation était telle ces années-là [5,2 % en 2022 puis 4,9 % en 2023, ndlr] que ces sommes inédites étaient encore bien en dessous.»

«Désmicardiser les fonctionnaires»

Quand bien même, le gouvernement estime avoir globalement fait son boulot. A en croire l’exécutif, la rémunération des fonctionnaires a en effet crû dans des proportions allant de +21 % à +34 % entre 2014 et 2024, alors que l’inflation était de 20 %. Présentés au cours d’une «réunion de diagnostic» organisée le 14 mars, ces éléments, basés sur un indicateur – la RMPP, «rémunération moyenne des personnes en place» – dont les organisations syndicales contestent la pertinence, ont été considérés par ces dernières comme résultant d’un choix «hautement partial». Ce qui les a conduites à quitter la séance. Car en se concentrant sur la seule évolution salariale des agents en poste d’une année sur l’autre, cette statistique «noie les entrants, qui ont des rémunérations plus faibles», fait valoir Julien Fonté, représentant de la FSU territoriale. Les syndicats soulignent quant à eux qu’entre 2011 et 2021, le pouvoir d’achat du salaire net moyen en équivalent temps plein dans la fonction publique n’a progressé que de 2,1 %, contre 4,9 % dans le privé, selon une étude de l’Insee.

Par-delà la querelle, au moins Stanislas Guerini admettait-il encore, la semaine dernière, qu’il fallait «continuer les politiques d’attractivité salariale». Le Premier ministre, Gabriel Attal, veut «désmicardiser» la France ? «Qu’il commence par désmicardiser les fonctionnaires !» lance le secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires de FO, Christian Grolier, en rappelant que la rémunération des agents de catégorie B et C démarre tout juste au-dessus du smic. «Il y a 10 % – 500 000 fonctionnaires – qui gagnent moins de 1 508 euros nets par mois», avançait aussi la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, lundi matin sur RTL, en appelant à de «vraies négociations». Lesquelles ne figurent pas, pour l’heure, à l’agenda des prochains mois transmis par le ministère aux organisations syndicales, déplorent ces dernières. Et s’il est question d’un début de discussion, au mois de mai, sur les rémunérations pour 2025, certaines refusent de se projeter à une telle échéance : «On ne discutera pas de 2025 sans avoir d’abord épuisé le sujet 2024», prévient Céline Verzeletti, de la CGT.

«L’hôpital public n’est pas une entreprise»

Pour ne rien arranger, les syndicats déplorent de découvrir certaines intentions gouvernementales par voie de presse ou lors d’interventions publiques. Notamment s’agissant de la rémunération «au mérite» que Stanislas Guerini compte instaurer dans un futur projet de loi qui doit être présenté durant l’automne. «Les agents attendent d’être payés pour leur travail», tranche Mylène Jacquot de la CFDT, en déplorant que l’idée «laisse croire qu’aujourd’hui tout le monde serait payé pareil quoi qu’il fasse. On sait tous que c’est faux, le ministre aussi». Et puis comment mesurer le mérite ? «A la qualité des services publics», répondait Stanislas Guerini, citant «la question des délais qui peuvent être réduits pour avoir accès à la justice, à la santé». Mais «l’hôpital public n’est pas une entreprise qui vend des marchandises», réplique Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé-Action sociale . Pour elle, une telle idée conduit «à demander aux fonctionnaires d’être des gestionnaires comptables ou de trier les usagers». «On a de plus en plus de contractuels, d’agents sur des temps partiels subis, qui doivent parfois cumuler plusieurs employeurs, rappelle aussi Julien Fonté. On leur parle de mérite, alors qu’on n’est pas capable de leur donner des conditions d’emploi décentes.»

Au-delà des questions de rémunération, le gouvernement mise aussi beaucoup, dans sa communication, sur la fameuse semaine «en quatre jours» (donc sans baisse du temps de travail) que certaines administrations et collectivités ont commencé d’expérimenter, avec des résultats contrastés. Comme les réactions syndicales d’ailleurs. «On ne veut pas la semaine en quatre jours, on veut la semaine de quatre jours», résume Gaëlle Martinez, déléguée générale fonction publique chez Solidaires, qui s’interroge : «Faire trente-huit ou trente-neuf heures sur quatre jours, ça veut dire quoi en termes de conditions de travail ?» Gabriel Attal et Stanislas Guerini ont également évoqué une idée qui concerne plus spécifiquement les parents divorcés : «travailler plus sur une semaine, travailler moins la suivante» afin de mieux gérer la garde des enfants, dixit Gabriel Attal lors d’une «convention managériale» avec les cadres de la fonction publique organisée le 12 mars. Des idées qui ne rencontrent pas d’opposition farouche dans le principe, mais que les syndicats aimeraient voir, là aussi, discutées avant de circuler dans les discours publics. «Le sujet, ce n’est pas juste les quatre jours, c’est l’organisation des services», recadre Mylène Jacquot. Et donc, inévitablement, une question de moyens humains, au moment où Bercy impose 10 milliards d’euros d’économies dans les services de l’Etat dès cette année, et en promet 25 milliards de plus l’année prochaine. Des circonstances qui ont poussé FO à solliciter «une audience» auprès du Premier ministre, selon Frédéric Souillot, qui prévient : «Tant qu’on ne l’aura pas, on ne reprendra pas un dialogue social tronqué.»

Grève du 19 mars

Mardi 19 mars, une large intersyndicale Fonction publique appelait à se mobiliser pour les salaires et contre la réforme portée par Stanislas Guerini. Si beaucoup d’enseignants et enseignantes étaient dans les cortèges marseillais et parisiens pour les salaires, nombreux aussi étaient ceux qui se mobilisaient contre le choc des savoirs. Le café pédagogique a recueilli leur témoignage.

Dans le cortège marseillais

Dans le cortège marseillais, beaucoup de militants, à l’image de Franck Nef, Professeur des écoles en brigade dans les quartiers nord de Marseille et secrétaire départemental du syndicat Snudi-FO. « Nous sommes en grève aujourd’hui avec toute la fonction publique, car nous sommes confrontés à un gouvernement qui va au bout de ses réformes telles que la loi Guerini qui veut transformer la fonction publique », explique-t-il. « La question salariale est essentielle. Le salaire au mérite, cela ne peut pas fonctionner dans une administration où les personnels sont très impliqués dans leur travail ; à l’école cette loi se concrétise par la mise en place du «Pacte ». Depuis 2000 les fonctionnaires ont perdu 28 % de leur pouvoir d’achat. Vivre décemment devient très compliqué. Nous demandons le rattrapage du terrain perdu, nous réclamons 28,5 % d’augmentation du point d’indice sans contrepartie. »

Pour Gilles Grabert, professeur d’espagnol au collège Anatole France dans le centre-ville de Marseille et secrétaire général du syndicat Sgen-CFDT Provence-Alpes, si la question des salaires est centrale, il manifeste aussi contre le choc des savoirs et le pacte. « Deux raisons me poussent à faire grève et à manifester : dire non à une nouvelle année blanche en termes de salaire. La fonction publique n’est pas une charge, c’est une richesse, un investissement de la nation pour le futur. Et pour l’école nous sommes inquiets pour la rentrée de septembre et résolument opposés au choc des savoirs, aux groupes de niveau qui vont se mettre en place et qui mobilisent la profession. Pour le Pacte, nous continuons à être contre. Cela devrait intensifier notre travail et conduire plus de collègues à l’épuisement qui sont déjà très impliqués. Travailler plus pour gagner plus ce sont les vieilles recettes de Nicolas Sarkozy qui ne fonctionnent pas. Nous demandons un salaire décent qui nous permette de bien faire notre travail ».

Dans le cortège parisien 

Martial* est directeur d’école à Gennevilliers (92). Cet enseignant, « plus proche de la retraite que du début de carrière », s’inquiète. « C’est affligeant. Quand j’ai commencé à enseigner, je pouvais me faire plaisir. Ma femme – professeure d’italien – et moi pouvions emmener nos trois enfants au ski en hiver et en vacances l’été. Aujourd’hui, ma fille qui est professeure d’anglais arrive à peine à aller en vacances en été ». « Que s’est-il passé pour que nos salaires décrochent tant ? » interroge-t-il. Contrairement à beaucoup de manifestantes et manifestants que le Café pédagogique a croisés dans le cortège parisien, Martial est là « pour les salaires, c’est tout ». L’enseignant dit avoir perdu confiance dans la capacité de la société à défendre l’école publique, « nous avons perdu, je ne vois pas comment la tendance libérale actuelle pourrait être inversée… ».

Soraya*, professeure de SES, n’est pas d’accord. « Si on ne se mobilise pas aujourd’hui, ce sera trop tard. On peut encore inverser la tendance. Nos élèves ont besoin que l’on croie en eux, qu’on ait de l’ambitieux pour eux ». Jeune professeure, Soraya enseigne dans un lycée Séquano-Dionysien. Selon elle, déjà dans son établissement qui mériterait un classement en éducation prioritaire, « on voit bien qu’il y a eu de l’écrémage ». « La fin de seconde est hyper révélatrice. Les élèves des milieux les plus populaires suivent rarement mes cours », affirme-t-elle. L’enseignante fait aussi grève pour les salaires. Titulaire d’un doctorat, elle gagne 2 200 euros par mois, « pas de quoi faire des folies, une fois qu’on a payé le loyer et les charges ». « Avec un tel salaire, je n’arrive pas à m’imaginer avoir un enfant, je n’aurais jamais les moyens… ».

La CGT Éduc’Action appelle d’ores et déjà à inscrire la mobilisation dans la durée pour une obtenir “les inévitables transformations au service des personnels et des élèves avec l’abandon de la réforme des retraites et de toutes les réformes de tri social, de la réforme du lycée à Parcoursup ; des créations massives de postes dans tous les corps, la nationalisation de l’enseignement privé sous contrat, l’indexation de la valeur du point d’indice sur l’inflation et l’ouverture de négociations sur les grilles salariales“.

Grève du 19 mars : « Non au choc des savoirs, oui au choc des salaires »

C’est à une grande journée de mobilisation qu’appellent les grandes organisations syndicales de l’Éducation nationale – FSU, UNSA Éducation, SGEN-CFDT, CGT Educ’action et SUD éducation. « Non au choc des savoirs, oui au choc des salaires ! » tel est le mot d’ordre de cette deuxième journée de grève. Si l’ abandon du choc des savoirs fait aussi partie des revendications des syndicats, c’est avant tout un mouvement pour les salaires qui s’inscrit dans une mobilisation de toute la fonction publique.

Les organisations syndicales « constatent et condamnent l’absence de toute perspective de mesures générales d’augmentation des rémunérations dans l’Éducation nationale dans un contexte d’inflation encore soutenue ». « Il est urgent d’ouvrir sans délai des négociations pour améliorer les carrières et prendre des mesures générales pour les salaires, notamment en revalorisant le point d’indice, dans un contexte d’effondrement du niveau des rémunérations des agent·es publics », écrivent-elles dans un communiqué. « Les mesures “Socle” sont très insuffisantes et n’ont pas permis de rehausser véritablement les salaires ni d’améliorer l’attractivité de nos métiers ». Elles exigent l’abandon du Pacte et le « transfert des sommes prévues sur des mesures salariales sans contreparties ».

Quant à la rémunération au mérite, dans les cartons de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, les syndicats affirment que « les agent·es ne sont pas dans l’attente de la reconnaissance de leur « mérite », mais d’une rémunération qui leur permette de vivre dignement et soit prise en compte pour le calcul de leurs pensions ».

« Cette journée, nous l’avons construite dès le lendemain du 1er février », nous confie Frédéric Marchand, secrétaire général de l’UNSA éducation. « Le manque d’attractivité des métiers de l’éducation est lié à deux problématiques. Une problématique salariale, avec un pacte qui est loin de représenter la revalorisation attendue par la profession et des mesures socle qui ne vont pas assez loin. Je pense aussi aux autres catégories de professionnels tels que les AED, AESH, ou les assistants sociaux scolaires pour qui on revendique une augmentation de 200 euros. L’autre problématique est liée au manque de débouchés ».

À la FSU, on revendique une grève pour les salaires. « On a choisi de centrer sur la revendication salariale, non pas que ce soit la seule revendication, mais la faiblesse des salaires est à l’image de la considération pour les services publics en général », nous explique Benoît Teste. « Demain c’est donc un cri d’alarme. À force de mal payer les personnels, à force de restrictions, de moyens et d’absence d’ambition, les services publics sont au bord de l’effondrement. L’école publique est dans une situation de crise grave, la crise de recrutement s’enkyste et les réformes tournent le dos à l’objectif de démocratisation auquel les personnels restent attachés. Il n’y a qu’à voir le choc des savoirs. Revaloriser les salaires est donc une exigence minimale ». Le secrétaire général estime que « beaucoup de collègues de l’éducation seront mobilisés ». « On peut dire que le milieu de l’éducation bouillonne et refuse ces logiques d’affaiblissement du service public d’éducation », affirme-t-il.

« Il nous faut construire un rapport de force pour ne pas avoir une année blanche, en matière de salaire, dans la fonction publique », nous dit Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-Cfdt. « Notre volonté de mobiliser les collègues s’est vue renforcée par les coupes budgétaires annoncées en janvier dernier. Des coupes qui laissent présager de mauvaises conditions salariales et de conditions de travail ».

À la CGT éduc’Action, on estime que « si l’Éducation nationale a une problématique propre, elle a à voir avec l’état de déshérence globale de la Fonction publique ». « Nous sommes dans la continuation du 1er février », commente Mickaël Marcilloux. « On espère que les personnels pourront se réunir pour construire la suite du mouvement, a l’image de ce qui se passe dans le 93 ». « On vit un moment de bascule », ajoute le secrétaire général. « Il faut mettre un coup d’arrêt au tri social et à l’usine à gaz antipédagogique qui casse les conditions de travail ».

« Si le mot d’ordre principal de cette journée de mobilisation de la Fonction publique est les salaires, elle a une autre tonalité pour les fonctionnaires de l’Éducation nationale avec le choc des savoirs », déclare Maud Valegas, co-secrétaire fédérale de SUD éducation. « La publication des textes a dynamisé la mobilisation des départements où les premières prévisions remontées n’étaient pas très bonnes. Depuis ce matin, il y a des assemblées générales, on sent que les collègues se mobilisent ».

Les organisations syndicales arriveront-elles à mobiliser les équipes éducatives ? Le nombre de grévistes et de manifestants sera un signal envoyé à la rue de Grenelle.

Vent de révolte au ministère de l’Éducation nationale

Si les équipes éducatives expriment leur mécontentement sur les différentes mesures du choc des savoirs, au ministère de l’Éducation nationale aussi la grogne monte. L’objet de leur mécontentement ? L’administration centrale de l’éducation nationale et de jeunesse et sports a prévu de déménager 1700 agents sur les 3600 que compte ses services. Open space et flex office seront les nouvelles modalités de travail. La rue de Grenelle veut regrouper quatre de ses sites en un seul, « dit unique », « qui serait situé en banlieue et qui devrait être l’occasion d’un véritable plan sardines » écrivent les organisations syndicales qui ont organisé un rassemblement hier, lundi 18 mars, dans « la cour d’honneur de la ministre ».

19 mars : Non au choc des savoirs, oui au choc des salaires

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Description générée automatiquement Sud éducation, l’Unsa éducation, la FSU, le Sgen-CFDT et la CGT éduc’Action appellent à une large mobilisation mardi 19 mars pour les salaires et pour l’école publique.

« Les organisations syndicales de l’Éducation nationale FSU, UNSA Éducation, SGEN-CFDT, CGT Educ’action, SUD éducation constatent et condamnent l’absence de toute perspective de mesures générales d’augmentation des rémunérations dans l’Éducation nationale dans un contexte d’inflation encore soutenu » écrivent les organisations dans un communiqué de presse. « Il est urgent d’ouvrir sans délai des négociations pour améliorer les carrières et prendre des mesures générales pour les salaires, notamment en revalorisant le point d’indice, dans un contexte d’effondrement du niveau des rémunérations des agent·es publics. Les mesures “Socle” sont très insuffisantes et n’ont pas permis de rehausser véritablement les salaires des agent·es ni d’améliorer l’attractivité de nos métiers. Nos organisations réaffirment leur exigence d’abandon du Pacte et le transfert des sommes prévues sur des mesures salariales sans contreparties. Pour les personnels AESH et AED, les salaires restent très bas et ne permettent pas à ces personnels ni d’exercer leurs missions ni de vivre dignement ».

« Nos organisations revendiquent les moyens nécessaires en postes pour baisser le nombre d’élèves par classe, assurer les remplacements et assurer l’enseignement spécialisé quand cela s’avère nécessaire », ajoutent les syndicats. « L’annulation de 700 millions d’euros pour le budget de l’Éducation nationale est particulièrement alarmante au regard des besoins . Nous dénonçons l’annulation de 700 millions d’euros de crédits dans le budget de l’Éducation nationale : elle va avoir des effets concrets dans les écoles et établissements, pour les élèves et les personnels alors même que l’École manque de tout ! »

19 mars : Non au choc des savoirs, oui au choc des salaires

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« Les organisations syndicales de l’Éducation nationale FSU, UNSA Éducation, SGEN-CFDT, CGT Educ’action, SUD éducation constatent et condamnent l’absence de toute perspective de mesures générales d’augmentation des rémunérations dans l’Éducation nationale dans un contexte d’inflation encore soutenu » écrivent les organisations dans un communiqué de presse. « Il est urgent d’ouvrir sans délai des négociations pour améliorer les carrières et prendre des mesures générales pour les salaires, notamment en revalorisant le point d’indice, dans un contexte d’effondrement du niveau des rémunérations des agent·es publics. Les mesures “Socle” sont très insuffisantes et n’ont pas permis de rehausser véritablement les salaires des agent·es ni d’améliorer l’attractivité de nos métiers. Nos organisations réaffirment leur exigence d’abandon du Pacte et le transfert des sommes prévues sur des mesures salariales sans contreparties. Pour les personnels AESH et AED, les salaires restent très bas et ne permettent pas à ces personnels ni d’exercer leurs missions ni de vivre dignement ».

« Nos organisations revendiquent les moyens nécessaires en postes pour baisser le nombre d’élèves par classe, assurer les remplacements et assurer l’enseignement spécialisé quand cela s’avère nécessaire », ajoutent les syndicats. « L’annulation de 700 millions d’euros pour le budget de l’Éducation nationale est particulièrement alarmante au regard des besoins . Nous dénonçons l’annulation de 700 millions d’euros de crédits dans le budget de l’Éducation nationale : elle va avoir des effets concrets dans les écoles et établissements, pour les élèves et les personnels alors même que l’École manque de tout ! »

“L’argent public pour l’école publique “: associations et syndicats s’organisent

« École de toute la jeunesse, l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire doit être LA priorité du pays », écrivent plusieurs acteurs* du monde éducatif et associatif dans une tribune parue dans Le Monde. « Elle doit assurer l’égal accès de toutes et tous aux mêmes enseignements, dans les meilleures conditions sur l’ensemble du territoire. Cela passe par des politiques qui assurent la mixité sociale et cassent les phénomènes de ghettoïsation et de séparatisme social ». Mardi 12 mars, une majorité des organisations et associations signataires organisaient une conférence de presse pour présenter leur campagne, « une campagne avec des rassemblements, des rencontres », explique Grégory Frackowiak, secrétaire national de la FSU. « C’est le départ d’un marathon pour répandre l’idée qu’il faut défendre l’école publique ».

« Il est urgent que la République soutienne pleinement son école, la seule école de toute la jeunesse vivant dans ce pays », écrivent les 26 signataires de la tribune. « Ensemble nous nous tenons debout, afin de construire le rapport de force nécessaire pour réaliser partout les ambitions de l’école publique laïque ».

Cette campagne, malgré le timing, n’est pas en réaction aux multiples polémiques Oudéa-Castéra. « On a commencé à s’organiser dès le printemps dernier, lors de l’échec du Plan mixité porté par Pap N’diyae », explique Marie-Laure Tirelle du Cnal. Jules Siran, co-secrétaire fédéral de SUD éducation, reconnaît que le contexte Amélie Oudéa-Castéra, « et tous ces ministres qui ont fréquenté les bancs du privé ou dont les enfants les fréquentent », « joue » aussi. « Il y avait un contexte et une sorte d’urgence politique qui nous a amenés à nous rendre compte qu’on était à un moment charnière de l’École », enchérit-il. « À force de dire que l’École publique dysfonctionne, on a nourri l’enseignement privé. On sent chez certains une volonté de légitimer le séparatisme scolaire. Avec le choc des savoirs, on a une élite qui nous dit : vos enfants trainent les nôtres. Ils le disaient déjà avant, en allant dans le privé, là c’est au sein même de nos écoles qu’ils veulent appliquer ce séparatisme. C’est une remise en cause de ce que doit être l’école pour tous les enfants, notamment dans le public ». « Amélie Oudéa-Castéra n’était même pas cynique, elle ne voyait même pas le problème. Ça montre le degré de déconnexion ». C’est dans la Tribune du Monde que s’est formalisée cette alliance hors norme.

L’école publique doit recevoir les moyens dont elle a besoin

Ce que demandent les 26 organisations est simple : que l’argent public aille à l’école publique. « L’école publique, laïque, gratuite et obligatoire doit être LA priorité du pays », clament-elles. Pour autant, elles se défendent de vouloir relancer la guerre scolaire. « On n’appelle pas à un arrêt immédiat du financement de l’enseignement privé sous contrat », expliquent les signataires. «Ce qui fait accord, c’est que l’école publique doit recevoir les moyens dont elle a besoin. Il faut mettre en place un plan de sortie, la proposition de loi du député Ouzoulias est par exemple une bonne idée. Comme en Bretagne, il n’y a tout simplement d’offre scolaire publique ».

« À un moment, on a eu l’impression qu’on n’avait même plus le droit de dire que l’argent public doit aller à l’école publique », s’émeut Grégory Frackowiak. « Le privé sous contrat ne fait pas partie du service public quoiqu’en dise le secrétariat général de l’enseignement catholique. Il est difficile de prétendre au service public quant au nom du caractère propre, on se prévaut de ne pas appliquer certaines règles, on s’autorise à toutes les entorses ». La mixité, par exemple, est obligatoire depuis 2013… », ironise Marie-Laure Tirelle.

« L’école est le point d’ancrage d’un avenir meilleur pour les familles populaires. Certaines, au prix de concessions financières, font le choix du privé. Réinvestir l’école publique, c’est éviter cette fuite de ces familles », estime l’assemblée des signataires qui appelle à une mobilisation citoyenne sur la question. « Il faut ouvrir un grand débat national pour remettre ces questions au cœur des discussions dans les facs, dans les établissements, dans les mairies… Il faut que cela devienne un cadre revendicatif tout le temps… » plaide-t-elle.

Pour lire la tribune, c’est ici

Liste des signataires de la tribune : FSU, CGT Educ’action, SUD Education, UNSA Education, Association des libres-penseurs de France, Céméa, Comité nationale d’action laïque, Coopérative des idées 93, FCPE, Fédération nationale des DDEN, Fédération nationale de la libre-pensée, Jeunesse en Plein Air, Ligue des droits de l’homme, Réseau français des villes éducatives, Solidarité laïque, Ligue de l’Enseignement, Mouvement national lycéen, l’Union étudiante, Union nationale des étudiants de France, Union syndicale lycéenne.

ID FO appelle au boycott de la visioconférence des chefs d’établissements

« Dès à présent, Indépendance et Direction appelle les collègues à exprimer leur mécontentement en boycottant la visio-conférence de jeudi 14 mars de 15h00 à 17h00 », écrit le syndicat dans un communiqué. « Depuis décembre 2023, Indépendance et Direction n’a cessé d’alerter le ministère de l’échec assuré des dispositions contenues dans le « choc des savoirs ». Les personnels de direction sont excédés de travailler dans ces conditions, sans texte de référence ni moyens suffisants avec annonces médiatiques contradictoires ».

« Le constat est unanime : toutes les mesures imposées concernant la mise en place de groupes sont hors sol, complètement déconnectées de la réalité du terrain » ajoute le syndicat qui dénonce « une énième visio-conférence » organisée « dans des délais aussi contraints ».

Une pétition pour exiger l’abandon des évaluations obligatoires

L’intersyndicale FSU-SNUipp, SE-Unsa, Snudi-FO, SGEN-CFDT, CGT Educ’Action, Sud éducation, SNALC demande la fin du caractère obligatoire des évaluations nationales standardisées et généralisées. Elle dénonce « fermement les attaques contre la liberté pédagogique et le métier enseignant notamment par plusieurs annonces du « choc des savoirs » ».

« Les enseignant·es ne doivent pas être réduit·es à des fonctions d’exécutant·es » écrit l’intersyndicale. « Au contraire, la liberté pédagogique, qui consiste à concevoir et adapter les enseignements, est une condition nécessaire à la réussite scolaire de nos élèves. Ils et elles exigent une reconnaissance de leur expertise et professionnalité. La labellisation des manuels scolaires ne doit en aucun cas conduire à des manuels imposés avec des pédagogies « officielles » imposées. Les enseignant·es doivent rester libres du choix de leurs supports de travail, sous peine d’une déqualification complète de leur métier. Enfin, la généralisation annoncée des évaluations nationales à tous les niveaux de classe est la clé de voûte d’un contrôle généralisé sur l’agir enseignant. L’école ne doit pas devenir une institution aux pratiques uniformisées décidées d’en haut ».

Pour signer la pétition, c’est ici

Groupes de niveau : rétropédalage du gouvernement

Article mis à jour avec ajout de réactions syndicales le 8 mars à 6h30

Les élèves de sixième et cinquième seront-ils répartis dans des groupes de niveau à la rentrée prochaine ? « À titre dérogatoire, et sous la responsabilité des chefs d’établissement, il sera possible de préserver des temps d’enseignement en classe entière en français et en mathématiques », indique-t-on au ministère de l’Éducation nationale. Une façon de reculer sans perdre la face pour le gouvernement sur la mesure phare du Premier ministre Gabriel Attal. Autre reculade, et non des moindres, l’appellation de ces groupes. La rue de Grenelle n’évoque plus de groupes de niveau, mais parle de groupes de besoin. Un changement lexical loin d’être anodin.

 

Cela fait trente jours aujourd’hui, Nicole Belloubet succédait à la ministre aux multiples polémiques Amélie Oudéa-Castéra à la tête du ministère de l’Éducation nationale. C’est aussi aujourd’hui que Nicole Belloubet rencontrait toutes les organisations syndicales siégeant au conseil social d’administration pour faire le point sur le plan du « Choc des savoirs ».

« Quand la ministre est arrivée, certains travaux étaient déjà bien engagés tels que la refonte de certains programmes, la labélisation des manuels… » explique-t-on au ministère. « D’autres chantiers des mesures du choc des savoirs étaient programmés et sur le point d’être mis en œuvre. C’est le cas des groupes de besoin ». Et si la ministre a mis du temps à se positionner, c’est parce qu’elle souhaitait « recueillir et confronter les différents points de vue – syndicats enseignants, direction, parents, recteurs… » assure-t-on. « Elle s’est aussi saisie de toutes les occasions pour échanger avec les acteurs de terrain, pour recueillir leur questionnement, pour identifier les éléments qui rendent la mise en œuvre délicate ». Et si la mesure emblématique des groupes de niveau était au centre des principales « interrogations et craintes », « tout le monde partage la même préoccupation face aux résultats et à la difficulté de gestion de l’hétérogénéité en classe ».

Des dérogations possibles pour enseigner en groupe classe

Si on assure au ministère que l’ensemble des mesures du  « Choc des savoirs » sera appliqué, la ministre laisse finalement les chefs d’établissements se dépatouiller. Elle souhaite que les équipes pédagogiques, supervisées par les chefs d’établissement réfléchissent à la manière d’organiser au mieux ces groupes dans leur établissement. « Ce qui est essentiel, c’est que les élèves puissent travailler en groupe toute l’année », affirme-t-on tout en indiquant qu’à titre dérogatoire et sous contrôle de l’inspection générale, des temps en classe entière seront possibles. « Les textes à paraître n’indiqueront pas de limitation de ces temps de travail en classe entière », assure-t-on dans l’entourage de la ministre. « Le principe est celui de l’organisation en groupe de besoins. Par dérogation et pour des périodes limitées, on peut avoir des regroupements en classe entière ».

Concrètement, sur le terrain, les chefs d’établissement auront la charge d’appliquer ou non cette réforme. Ils pourront décider de mettre en place des groupes de besoin sur certaines compétences, à certains moments de l’année – ce qui existe dans bon nombre d’établissements. Quant à la taille des groupes, aucune indication sur le nombre d’élèves qui les constitueront.

« Les groupes de besoins seront constitués en fonction des compétences à atteindre. Il n’y aura donc pas d’assignation à un groupe faible ou fort. Un élève qui rencontre des difficultés en géométrie sera donc un groupe adapté à ses besoins en géométrie. Et s’il est bon en numération, il sera dans un groupe adapté là aussi. Ces groupes, qui brasseront plusieurs classes, permettent de personnaliser pédagogiquement les approches ». C’est l’usine à gaz qui s’annonce pour les équipes, et surtout pour les chefs d’établissement. On imagine mal la mise en œuvre avec une telle personnalisation hors de la classe. Si un élève est bon en lecture, mauvais en grammaire et en production d’écrits, cela suppose combien de groupes différents ?

Quant à l’enseignement privé sous contrat qui avait indiqué qu’il ne pourrait pas mettre en place ces groupes de niveau, au ministère, on tempère. « Le secrétariat général de l’enseignement catholique ne s’est pas exprimé sur un refus de leur mise en œuvre, il a simplement attiré notre attention sur la difficulté à les mettre en œuvre ». « La ministre a exprimé très nettement sa volonté de voir appliquer cette nouvelle organisation dans l’enseignement privé sous contrat au même titre que l’enseignement public », assure-t-on.

Réactions syndicales

« Les groupes de niveaux disparaissent des textes, ils ne se mettront donc pas en œuvre à la prochaine rentrée, c’est un recul de la ministre à mettre au crédit de la mobilisation des personnels », se réjouit Sophie Vénétitay du Snes-FSU. « Il reste encore beaucoup de flou dans l’organisation, ce qui est annoncé – groupes sur tout l’horaire et à certains moments, il faudra vite des éclaircissements pour que les groupes se fassent bien dans l’intérêt des élèves et des personnels ». « Mais le gouvernement n’entend pas toucher au cadre général du choc des savoirs, alors même qu’il est massivement rejeté par les personnels, car il est le symbole de cette école passéiste et conservatrice », dénonce la secrétaire générale.

Au SE-Unsa, on ne crie pas victoire trop vite, même si le syndicat se dit très “satisfait de la suppression de la notion de niveau et donc du tri social des élèves”. “C’était très important pour nous. La profession, largement mobilisée contre ce dispositif – y compris à travers notre pétition NON au choc des savoirs – a fait infléchir le ministère », nous dit Élisabeth Allan-Moreno. “Pour autant, nous sommes en attente de précisions supplémentaires. Nous avons besoin que les textes à paraître nous donnent une souplesse réelle et de la confiance aux équipes pour organiser les groupes et les temps de retour en classes de référence. Nous avons aussi besoin de consignes rapides et claires, mais non contraignantes et que des temps soient dégagés pour préparer la rentrée ». La secrétaire générale fait aussi le lien entre l’abandon de ces groupes et l’austérité budgétaire annoncée par Bercy.”Il ne faut pas négliger le poids de l’insuffisance des moyens alloués dans ce rétropédalage“, souligne-t-elle. « Tout comme il ne faut pas imaginer une seconde une réorientation de la politique éducative macronienne ».

La ministre a annoncé la disparition de la notion de niveau de l’arrêté présenté au CSE du 8 février et rejeté à l’unanimité. C’est une première victoire pour les personnels fortement mobilisés contre le tri social de leurs élèves” écrit la CGT Éduc’Action dans un communiqué. “La nouvelle version du texte n’a pas été communiquée aux organisations syndicales, mais elle semblerait, de façon alambiquée, ouvrir la voie à une remise en cause de l’obligation d’organiser l’intégralité des heures en groupes dans les deux disciplines”. “Le nouvel arrêté et les consignes ministérielles de mise en œuvre ne doivent pas instituer une usine à gaz qui serait inepte sur le plan pédagogique et dégraderait les conditions de travail des personnels. De même, cet arrêté ne doit pas conduire les établissements, pour son application, à devoir abandonner dédoublements en langues ou sciences, projets pédagogiques ou options” ajoute le syndicat qui demande l’abandon pur et simple du Choc des Savoirs.

La contestation forte contre les groupes de niveau, par les personnels enseignants et de direction, les parents d’élèves a permis de faire bouger la ministre de l’Éducation Nationale”, se réjouit le Sgen-CFDT. “Les mobilisations des équipes dans toute la France, la signature massive de la pétition contre le choc des savoirs, les différentes interventions du Sgen-CFDT auprès des ministres successifs ont permis d’obtenir une évolution de la philosophie d’une réforme du collège qui ne dit pas son nom”. Le syndicat acte la “confiance à l’expertise du terrain et aux sachants que sont les chefs d’établissement” mais renouvelle sa demande de temps de concertation pour définir et réguler cette nouvelle organisation. “La ministre a annoncé qu’il y aura deux demi-journées banalisées d’ici la fin de l’année scolaire pour permettre aux équipes d’avoir le temps de penser leur fonctionnement pour la rentrée. Lors du CSE, nous avions demandé une heure de pondération pour les enseignants concernés, sans succès. Ce temps manque aux personnels qui accumulent les heures supplémentaires, le pacte, les enseignants absents sur de longues durée et non remplacés“. Le syndicat continue “de s’opposer fortement aux mesures du choc des savoir dans leur ensemble“. “Le choc des savoirs n’est pas une orientation de politique éducative qui nous convient” rappelle-t-il.

Le Snalc pour qui la réforme du collège ressemblait au collège modulaire porté par le syndicat depuis 10 ans, “accuse le ministère d’avoir saboté sa propre mesure, en n’ayant ni expertisé, ni mis les moyens horaires et humains suffisants, ni écouté les lanceurs d’alerte que nous sommes“. “La question des élèves en difficulté est désormais bien loin” écrit le syndicat qui “prédit que d’ici deux ans, le volontarisme politique aura été digéré par l’ « autonomie de l’établissement »“.

Chez SUD éducation, on comprend que derrière les circonvolutions, “le ministère s’est rendu compte de son incapacité à imposer son projet contre la volonté des personnels. La ministre Nicole Belloubet laisse aux équipes l’autonomie nécessaire pour déroger à la règle de casser les groupes classes, alors dérogeons !”. Le syndicat appelle à “maintenir le cadre de la classe comme cadre principal des enseignements et à répartir les moyens parmi les différentes disciplines enseignées au collège selon les besoins des élèves pour permettre par exemple des dédoublements“. 

La dérogation à la règle, on le sait, devient facilement la règle. Le cas de la semaine à 4 jours et demi dans le premier degré est assez révélateur de ce que signifie la dérogation dans un contexte d’opposition de la communauté éducative à une réforme. Très rapidement, l’exception est devenue la règle dans le cadre de la réforme des rythmes. La très grande majorité des communes a fait une demande de dérogation et fonctionne aujourd’hui sur quatre jours.

La nouvelle ministre de l’Éducation nationale a finalement désavoué le projet de Gabriel Attal. Une victoire à mettre sur le compte de la mobilisation des communautés éducatives – enseignant·es, chef·fes d’établissement, vie scolaire, parents, élus… Et de la réalité du budget de l’Éducation nationale…

Budget 2024 : l’intersyndicale demande des comptes

Une image contenant texte, Police, Graphique, logo Description générée automatiquement L’intersyndicale éducation – FSU, UNSA Éducation, FNEC FP FO, SGEN-CFDT, CGT Éduc’action, SNALC et Sud Éducation – demande au ministère des éclaircissements sur les coupes annoncées sur le budget 2024, 692 millions d’euros de crédits annulés. Information apprise par voie de presse. « Nous dénonçons ces coupes budgétaires à un moment où l’École publique manque de tout » écrit-elle dans un communiqué. « Ces annonces sont en contradiction avec les discours tenus ces derniers mois sur la priorité donnée à l’Éducation nationale. Ces revirements incessants sont insupportables. De plus, nous n’avons à ce jour aucune information sur la traduction concrète de ces coupes budgétaires. Nous ne pouvons nous contenter de vagues engagements ministériels sur l’absence de suppressions de postes dans les mois à venir ».

« En tant que représentants des personnels élus, une information fiable, sincère et transparente doit nous être transmise. Nous demandons donc qu’un point pour information sur ce sujet soit ajouté à l’ordre du jour du prochain CSAMEN le mercredi 13 mars ».

Amiante : l’école malade

« Entre 20 et 60 personnes par an font reconnaître une maladie professionnelle de l’amiante dans l’Éducation nationale » indique le syndicat SUD éducation dans le cadre de sa campagne contre l’amiante dans les écoles. Faisant référence à un documentaire diffusé sur la question hier, lundi 4 m ars, «Amiante : l’école malade », le syndicat dénonce une absence de « culture du risque amiante dans l’Éducation nationale » (dossiers techniques amiante (DTA) non réalisés ou incomplets, préconisations non respectées, repérages avant travaux non effectués…). « Pourtant, le ministère de l’Éducation est particulièrement concerné par cette problématique », rappelle SUD éducation. « En effet plus de 85 % des écoles et établissements scolaires ont été bâtis avant le 1er juillet 1997, date de l’interdiction de l’amiante en France et sont donc fortement susceptibles de contenir de l’amiante. Or, sur le plan national on estime à 30% le nombre d’écoles qui n’ont pas de dossier technique amiante (DTA) et à 40% celles dont le DTA n’est pas à jour. Pour les établissements dont le DTA a été réalisé, on constate que 80% des lycées professionnels, 77% des lycées généraux, 73% des collèges et 38% des écoles contiennent des matériaux amiantés.

Ce bilan n’est pas sans conséquence sur la santé des personnels et l’amiante, produit hautement cancérogène, provoque des dégâts. En effet, l’inhalation d’une seule fibre d’amiante peut suffire. Une enquête de l’agence Santé Publique France réalisée en 2019 indique qu’entre 20 et 60 personnes par an font reconnaître une maladie professionnelle de l’amiante dans l’Éducation nationale. Mais l’enquête souligne elle-même les limites de ses chiffres puisque l’Éducation nationale ne met en place pour ainsi dire aucune politique de suivi du risque amiante ».

Pour plus d’informations, c’est par ici

Pacte, le bilan du SE-Unsa

Après six mois d’existence, qu’en est-il du Pacte ? Au ministère, silence radio. À part l’annonce de Gabriel Attal en décembre dernier qui assurait qu’un enseignant sur trois avait signé, aucune information ne fuite rue de Grenelle – malgré nos sollicitations. Au SE-Unsa, on a décidé de demander aux équipes pédagogiques d’en faire le bilan. Et ce bilan, il est plus que mitigé selon le syndicat. « La Montagne n’a pas accouché d’une souris, mais d’un ragondin coûtant 1 milliard d’euros », estime Gilles Langlois, secrétaire national chargé de l’enquête. « C’était prévisible, dans tous les cas de réformes prévues contre les personnels, il n’y a toujours qu’une issue : l’échec ».

Entre le 8 décembre et 3 janvier, les professeurs, CPE et psychologues de l’Éducation nationale ont été invités – via leur boite mail professionnelle – à répondre à une enquête sur le pacte, à l’initiative du SE-UNSA. « Nous sommes dans un contexte assez inédit, avec trois ministres en quelques mois » a déclaré Élisabeth Allan-Moreno, secrétaire générale. « Le dialogue social en est durement affecté. Pour autant, nous avons besoin de réponses. Notamment sur la question du Pacte auquel est dédiée une enveloppe d’un milliard d’euros. Il est essentiel pour nous de connaitre la réalité de sa mise en œuvre. Nous exigeons aussi de la visibilité sur son avenir : sera-t-il reconduit ? Avec quels moyens dans ce contexte d’austérité ? ».« Combien de personnels ont accepté de signer ? Pour quels types de missions ? Combien auraient aimé, mais n’ont pas pu ? Ce sont autant de questions pour lesquels on attend des réponses », ajoute la responsable syndicale. Et ces questions, le SE-Unsa n’est pas le seul à les poser. Interrogée à plusieurs reprise la rue de Grenelle se défile, pour l’instant rien à déclarer. Pourtant, les remontées de terrain existent, soutient Élisabeth Allan-Moreno. « On sait que les rectorats et les directions académiques ont demandé des remontées ». « Le gouvernement a du mal à reconnaitre son échec », affirme Gilles Langlois, secrétaire national chargé de piloter l’enquête sur le Pacte. « Les silences sur la question, de la part d’un gouvernement qui est dans l’hyper communication, en disent long ».

« Sans chiffres ni appréciation plusieurs mois après rentrée, dans un contexte de dialogue social défaillant, de dépenses inutiles, voire contreproductives – particulièrement celle du choc des savoirs, dans le contexte d’une politique éducative qui dessert nos élèves et nos personnels, notre enquête prend encore plus de sens », estime la secrétaire générale. Le syndicat, qui se défend de présenter les résultats d’un sondage, explique qu’il s’agit avant tout « d’une photographie à l’instant T, d’un état des lieux ».

Le pacte, un élément fracturant de la communauté éducative

C’est dans ce contexte que 3 478 personnels ont répondu à l’enquête, dont 37% ont adhéré au Pacte, principalement professeurs (58% de PE, 38% de professeur·es du second degré).

« L’un des premiers enseignements, c’est la perception différente du Pacte en fonction de l’adhésion ou non », explique Gilles Langlois. « Ceux qui ont adhéré, 37% des répondants, ont moins repéré de tension au sujet de la répartition des briques de pacte et pensent que la répartition s’est faite équitablement ». Pour autant, les résultats montrent que dans au moins un établissement sur 5, des tensions ont été perçues dans la mise en place.

Si les enseignants n’ont pas signé, c’est pour 9 sur 10 d’entre eux par principe ou conviction. Dans la même proportion, 90% des non-signataires du dispositif estiment que leur quantité de travail est « déjà trop importante ». Malgré leur refus de signer le pacte, et donc de bénéficier d’une rémunération complémentaire, 85% d’entre s’estiment insatisfaits de leur rémunération.

Du côté, des pactés, s’ils ont adhéré, c’est pour 7 d’entre eux pour des motifs financiers et 66%, car les briques proposées correspondent à des missions qui étaient déjà exercées, mais non rémunérées.

Une des inquiétudes des syndicats lors de la mise en place du pacte était l’augmentation des inégalités hommes-femmes – les femmes étant généralement moins enclines du fait de leurs responsabilités familiales à accepter des missions complémentaires, les résultats de l’enquête du SE-Unsa montrent au contraire une surreprésentation féminine dans les pactés. « Les femmes sont dans des situations financières plus fragiles, cela pourrait expliquer le phénomène » selon Gilles Langlois. « Le fait que des femmes signent beaucoup n’est pas une bonne nouvelle, il y a d’autres moyens de travailler l’égalité salariale », complète Élisabeth Allan-Moreno.

L’enquête interrogeait aussi l’impact du dispositif sur le travail collectif. « Si les personnels pactés ne se sentent pas moins disponibles, les non pactés les décrivent quant à eux moins comme disponibles ». Et si près de 35% des personnels pactés se déclarent plus fatigués, les femmes sont plus nombreuses à l’être.

La dernière partie du questionnaire proposait aux répondants une expression libre, un champ dont ils se sont massivement emparés selon le SE-Unsa. « On note une extrême dispersion des appréciations », explique Gilles Langlois. « Si la perception du pacte est certes mitigée, elle reste très majoritairement négative. Il est pointé comme un élément fracturant la communauté éducative, en particulier chez les professeurs. Il n’est bénéfique ni pour les élèves ni pour les personnels ».

« On a toujours dit que ce n’est pas le bon outil. Pour le système éducatif, ce n’est pas une bonne chose », a conclu Élisabeth Allan-Moreno. « On n’a pas voulu appeler au boycott pour ne pas arriver à cette rupture dans les équipes. Et on ne pouvait pas jeter l’opprobre sur ceux qui ont besoin de prendre des briques ».

Pas de rentrée pour les élèves du 93

C’est la rentrée pour les élèves et leurs enseigant·es de la zone C. Mais pas pour toutes et tous. En Seine-Saint-Denis, de nombreux élèves ne reprendront pas le chemin de l’école, les professeur·es avaient prévenu les familles avant les vacances : ils et elles seront en grève aujourd’hui à l’appel de plusieurs syndicats – FSU 93, CGT Éduc’Action 93, SUD éducation 93, CNT éducation 93 – et avec le soutien de la FCPE 93. Une grève le jour de la rentrée, c’est une première. Même pour le 93 dont les difficultés ont donné lieu à plusieurs rapports parlementaires, le dernier publié à l’automne.

Le 93, ce sont les difficultés scolaires les plus importantes de l’hexagone en français et en mathématiques, des obstacles à l’accès à la santé, moins d’accès aux bourses, des locaux insalubres et très souvent sous-chauffés… « Le 93 est un département cobaye », explique Louise Paternoster, co-secrétaire générale de la CGT Éduc’Action 93. « Toutes les politiques qui dégradent le service public sont expérimentées dans notre département : recrutement en masse de contractuels – 1000 contractuels sur 12 000 professeurs des écoles. Une proportion qui atteint 75% en lycée professionnel ». Pour la responsable syndicale, le plan de fidélisation (une prime de 15 000 euros) a très peu d’effets sur le recrutement et la fidélisation des personnels. Et ce manque de personnel a des conséquences sur les chances de réussite des élèves. « En Seine-Saint-Denis, la situation est particulièrement alarmante pour nos élèves qui perdent jusqu’à un an de cours sur leur scolarité en raison des non-remplacements. Ce n’est pas de plusieurs milliards d’économies dont nous avons besoin, mais d’un plan d’urgence pour l’éducation », explique-t-elle.

« Il faut un plan d’urgence pour le 93. Nous sommes le département à la fois le plus pauvre, le plus jeune, mais aussi le moins bien doté en matière d’éducation. Le choc des savoirs, dans notre département, aura des conséquences désastreuses » affirme Louise Paternoster. Ce constat, les syndicats se basent sur une large enquête envoyée à destination des 1 100 écoles, collège et lycée du département en novembre dernier. De ces cahiers de doléances sont nées les revendications syndicales. « Ce mouvement est inédit. Il y a urgence à corriger le tir, les personnels arrivent à un point de rupture ». Et les revendications sont simples, assure la responsable syndicale. Les besoins les plus urgents des Séquano-Dionysiens, c’est déjà d’avoir classe estime-t-elle.

358 millions d’euros pour « sauver » le 93

Pour parer aux urgences, l’intersyndicale demande deux collectifs budgétaires : un sur les questions de postes et un sur le bâti scolaire. Elle estime à 358 millions d’euros l’enveloppe nécessaire « Il manque 5 000 enseignants et enseignantes – dont 2 000 dans le premier degré – pour les TPS, les RASED…, 2 200 postes d’AESH, 650 postes d’AED, 320 postes d’assistants et assistantes pédagogiques et 175 postes de CPE. On demande aussi que le bâti soit pris en charge par l’État. Ça peut sembler beaucoup, mais ce n’est rien au regard des 200 milliards versés tous les ans aux grandes entreprises sans contrepartie… », précise la secrétaire générale de la CGT Éduc’Action.

Si les organisations syndicales ne communiquent pas de chiffre pour l’instant, Marie-Hélène Plard, secrétaire générale de la FSU-SNUipp-93 assure que des écoles sont fermées aujourd’hui. « Ce sont des mobilisations d’équipe, des mobilisations construites avec les parents d’élèves. Fermer un jour de rentrée nécessite un long travail d’explicitation envers les familles, la courte période passée – cinq semaines seulement de classe, a empêché ce travail dans certaines écoles. Mais la colère des collègues n’en est pas moins importante ».

Mercredi 28, l’intersyndicale organise aussi une réunion d’information sur l’articulation entre plan d’urgence et choc des savoirs. « On ne veut pas plus de postes pour trier plus » nous dit la secrétaire générale de la FSU-SNUipp 93. « Il faut un changement de politique éducative, c’est une urgence ».

L’intersyndicale appelle d’ailleurs les équipes d’enseignants et enseignantes à une forme de « désobéissance ». À cette fin, les équipes pédagogiques du premier degré sont invitées à ne transmettre aucune information permettant la mise en place de groupe de niveau à l’entrée en sixième. « On invite aussi les collègues à utiliser les moyens alloués à leur école – la carte scolaire étant passée – en fonction des besoins de leurs élèves qu’ils auront recensés », ajoute Marie-Hélène Plard. « On leur propose de sortir des injonctions pour répondre aux besoins de leurs élèves. Si en maternelle, par exemple, les équipes estiment qu’il est plus pertinent d’avoir des classes multiâges que des classes à 12, on leur dit de faire confiance à leur expertise. Et puis, on leur demande de refuser de faire passer les évaluations ».

Et les responsables syndicales préviennent, cette journée n’est que le premier round d’une mobilisation sur le long cours. « Nous ne lâcherons rien. La FSU-SNUipp 93 a d’ores et déjà décidé que si nous n’obtenons pas gain de cause, nous appellerons à la grève à la rentrée de septembre 2024 » déclare Marie-Hélène Plard. « Il y a 25 ans, la mobilisation des collègues et des parents d’élève avait permis de gagner 3 000 postes », complète Louise Paternoster.

Aujourd’hui, plusieurs rassemblements sont organisés, dont un à proximité de Stanislas, « un symbole fort, le symbole d’une injustice en matière d’éducation ».

16 millions d’euros pour un livre et une pièce de deux euros

16 millions d’euros, c’est ce qu’a dépensé le gouvernement dans une opération de communication à destination des élèves du CP au CM2. Dès le 19 février, des directions d’écoles élémentaires ont vu arriver des cartons pleins de « kits pédagogiques sur les Jeux olympiques ». Dans ce kit, une pièce de deux euros, une pièce commémorative de la Monnaie de Paris. Si toutes les écoles n’ont pas encore été destinataires de cet envoi, elles le seront d’ici le mois de juin, assure le ministère.

Pour la FSU-SNUipp, syndicat majoritaire du premier degré, « le ministère signe là une opération de communication qui frôle l’absurde tant sur le fond que sur sa mise en œuvre ». Le syndicat voir dans cet envoi, une « véritable provocation ». « Au moment où Bercy annonce des économies drastiques dans les ministères, ce sont 16 millions d’euros qui viennent d’être trouvés et dépensés pour une opération de pure communication auprès des familles des 4 millions d’élèves des écoles élémentaires. Alors que le ministère a été dans l’incapacité de livrer correctement des masques au moment du Covid, les notices de vote lors des élections professionnelles ou bien encore les livrets d’évaluation des élèves de CP-CE1, les grands moyens sont déployés pour acheminer la propagande gouvernementale », écrit la FSU-SNUipp sur son site.

Et si seulement le kit avait une visée pédagogique, tance Guislaine David, porte-parole du syndicat. « Ce n’est même pas le cas… ». Elle interroge aussi la pertinence d’une distribution d’argent aux élèves par les enseignants.

« La valeur d’une pièce de 2€ n’est pas la même qu’on soit issu d’un milieu défavorisé ou d’un milieu favorisé. Certaines familles sont en incapacité de payer leurs factures et bouclent leur budget à l’euro près. Quand certains élèves garderont cette pièce en souvenir, d’autres la donneront à leurs parents pour acheter le pain », souligne par ailleurs le syndicat. « Au lieu de donner une pièce à chaque élève, le ministère serait bien inspiré d’utiliser l’argent public à bon escient : le financement d’une école publique qui garantisse réellement les conditions d’enseignement et de scolarisation permettant la réussite de toutes et tous ».

Le CSP prend parti pour le tri des élèves

Le Conseil supérieur des programmes a publié sur son site le 30 janvier 2024 un Avis sur l’organisation des enseignements au collège de 37 pages. La lecture du document nourrit un sentiment étrange et suscite de nombreuses questions.

Rapport CSP 30 janvier partie préconisation commentée

Avis du SNES :

Publié en janvier 2024 mais préparé depuis plus d’un an, cet Avis sur l’organisation des enseignements au collège contient de multiples propositions mais certaines correspondent plus ou moins à des mesures déjà mises en œuvre depuis septembre ou annoncées le 5 décembre par Gabriel Attal.

Citons la recommandation « que les enseignants soient effectivement devant les élèves pendant la totalité des horaires hebdomadaires et annuels prévus » et sa conclusion : «  la formation continuée et continue des enseignants devra se tenir hors du temps scolaire. » Un autre passage fait écho à la communication ministérielle de la rentrée : « En particulier, il conviendra de faire respecter rigoureusement les mesures réglementaires nationales (interdiction du téléphone portable au collège, des tenues à caractère religieux ostensible, etc.) ».

Parmi les propositions qui font penser aux annonces du 5 décembre, nous lisons par exemple qu’il faudrait « valoriser » le DNB en diminuant la part du contrôle continu à 30 %. Finalement, en décembre, il a été annoncé qu’elle serait abaissée à 40 %. Mais surtout, l’avis propose de mettre en place des groupes de niveau homogènes en français et en mathématiques en 6ème et 5ème ou de la Cinquième à la Troisième, au choix de l’établissement. Ces groupes permettraient la mise en place de « parcours d’apprentissage séparés », les « fondamentaux » en effectifs réduits (20) pour des élèves et « approfondissement » pour les autres, en fonction des réussites aux tests de positionnement de Sixième ou les résultats aux évaluations pour les autres. Les modalités précises, comme l’attribution d’un horaire majoré pour les parcours des fondamentaux, relèveraient de l’autonomie de l’établissement. Une annexe présente un exemple d’organisation avec mise en barrette des horaires dans le cadre de classes à… 26 élèves ! Les parallèles sont évidents avec ce que G. Attal a annoncé le 5 décembre, qui semble avoir opéré un amalgame des deux options, avec le projet de groupes de niveau de la Sixième à la Troisième.

 

Le collège d’antan… et d’Attal ?

Les indices qui conduisent à penser que ce document est écrit et diffusé depuis longtemps sont nombreux.

Quand on se reporte à l’annexe des auditions, on se rend compte qu’elles se sont terminées en mai 2023 et qu’elles ont été peu nombreuses. Un seul syndicat enseignant reçu, le SNALC. Le SNES-FSU premier syndicat enseignant du second degré n’a pas été convié. Mais Jean-Paul Brighelli, Mara Goyet et trois professeur·es membres du collectif « Sauver les lettres », sans que leur appartenance au collectif ne soit mentionnée, ont été entendus. Quelques autres rares personnes auditionnées pourraient être les garantes d’une certaine diversité des positions mais elles ne semblent pas avoir été écoutées. En tout cas, il est mentionné que la nouvelle organisation des enseignements de mathématiques et de français proposée par le CSP s’inspire des propositions « de certaines organisations syndicales ». Un pluriel contredit par la note de bas de page afférente qui ne cite que le SNALC.

À la lecture de ce document, on est donc amené à se demander quand son contenu a été porté à la connaissance du ministre Attal. Quel rôle a pu jouer cet avis dans les mesures de rentrée et dans la construction du « choc des savoirs » censé avoir été élaboré à partir d’une concertation de deux mois dans le cadre de la mission « exigence des savoirs » ? Le SNES-FSU dénonçait déjà le ridicule d’une concertation devant porter sur l’avenir du système éducatif, expédiée en 8 semaines. Mais en fait, ce rapport du CSP laisse penser qu’elle n’avait pour but que de servir de paravent à une base déjà largement inspirée par l’avis du CSP, lui-même conçu à partir d’un nombre d’échanges et de points de vue très restreints et orientés.

Ce rapport confirme la volonté du ministère de défaire le collège unique pour créer une école à deux vitesses dès la Sixième. Les trois ministres qui se sont succédé depuis un an, portent une lourde responsabilité dans cette rupture de la démocratisation du second degré. Le Conseil supérieur des programmes révèle ici une absence de neutralité dans son rôle de conseil et des partis pris qui le discréditent définitivement.

Choc des savoirs : Zoom sur le rapport non publié de la mission “Exigence des savoirs”

Au mois d’octobre 2023, le ministère a transmis aux personnels de l’Éducation nationale un questionnaire pour lancer la mission “Choc des savoirs” commandée par Gabriel Attal. SUD éducation a constaté que les questions étaient orientées pour légitimer les marottes du ministère : savoirs fondamentaux, culture générale, autorité de l’enseignant·e… mais il n’est jamais question de la baisse du nombre d’élèves par classe ! De même, le ministère n’a pas interrogé la corrélation entre inégalités scolaires et inégalités sociales ni la responsabilité de l’enseignement privé dans le manque de mixité sociale.

À présent, la ministre Oudéa-Castéra s’appuie sur les résultats de ce questionnaire pour justifier la mise en place de ses mesures “Choc des savoirs”, qui aggravent le tri social et attaquent la liberté pédagogique des enseignant·es. C’est une méthode bien discutable puisque le questionnaire était conçu pour légitimer des mesures déjà décidées par le ministère.

La mission “Exigence des savoirs” a donc produit un rapport qui a donné lieu aux annonces “Choc des savoirs” en décembre 2023 mais le ministère a refusé de publier ce rapport. Pour quelles raisons ?

Le rapport de la mission pointe les faibles performances des élèves français dans les évaluations nationales et internationales et les importantes inégalités sociales qui conditionnent les trajectoires scolaires. Néanmoins, la mission omet de pointer la responsabilité des difficultés de l’école : le manque de moyens, les réformes arbitraires et autoritaires, le manque de formation, le mépris envers l’école et ses personnels.

Des résultats à charge contre la politique ministérielle

Dans le rapport non publié de la mission, on constate que, malgré l’enrobage ministériel (“la bataille des savoirs”), les personnels ont dénoncé les carences de la politique éducative du ministère  : le manque de formation en tête. SUD éducation a mené une campagne pour la formation continue des personnels sur temps de service.

Plus loin dans le rapport non publié, on constate que les enseignant·es dénoncent le manque de soutien de leur hiérarchie :

Le choix arbitraire d’une politique éducative

Le rapport de la mission instrumentalise des difficultés réelles des enseignant·es dans la construction de leurs enseignements dans le cadre des programmes organisés en cycle. Néanmoins, la mission en déduit une remise en cause de la logique de cycle pour revenir à des objectifs annuels, voire infra-annuels plus forts, et imposer une politique éducative qui n’a jamais fait l’objet d’un débat ni dans les instances de représentation des personnels, ni dans les écoles et établissements scolaires, ni par le pouvoir législatif.

Le ministère entend imposer des pratiques éducatives normatives :

  • les enseignant·es deviennent des exécutant·es qui ne conçoivent pas leur enseignement en fonction des besoins des élèves mais qui appliquent les préceptes et les méthodes décidées par le ministère,
  • les élèves doivent subir des évaluations permanentes pour mesurer, évaluer, comparer leurs évolutions et les trier dans des groupes selon leur niveau,
  • les apprentissages doivent être resserrés autour d’une vision étriquée des “savoirs fondamentaux” : le lire-écrire-compter.

Groupes de niveau : c’est le scénario le moins coûteux qui a été choisi !

 

La mission a élaboré deux scénarios sur les groupes de niveau : le premier met en oeuvre des groupes de besoin sur 1h du volume horaire de français et 1h du volume horaire de mathématiques, et le second met en œuvre des groupes de niveau sur l’ensemble du volume horaire disciplinaire de français et de mathématiques.

Néanmoins en dehors du choix économique, il n’y a aucune justification du choix du scénario 2 (des groupes de niveau) dans le rapport.

Le redoublement : un choix qui va à l’encontre des études scientifiques

Le rapport non publié de la mission indique les effets négatifs du redoublement pointés par la recherche en sciences de l’éducation. Néanmoins, la mission assume de ne pas suivre les avis de la recherche scientifique et préfère des remarques “café du commerce” qui n’apportent aucune justification sérieuse.

Et encore des remarques qui font l’impasse sur toutes les mesures à prendre pour lutter contre les difficultés scolaires :

La mission pointe la nécessité d’accompagner le redoublement or on constate que les dispositifs d’aide sont démantelés et que les moyens pour aider les élèves ne sont pas là.

Pour un plan d’urgence pour l’éducation

SUD éducation réaffirme son attachement à la liberté pédagogique des enseignant·es et porte une autre vision de l’école : égalitaire, émancipatrice, coopérative avec :

  • la baisse du nombre d’élèves par classe,
  • des méthodes et des programmes adaptés, qui favorisent l’expérimentation, l’esprit critique, la coopération et qui réaffirment la dimension polytechnique et l’importance de tous les enseignements.
  • une évaluation au service des élèves et des personnels, opposée à toute idée de compétition et de concurrence,
  • une prise en charge de la difficulté scolaire sur le temps de classe, y compris dans le 1er degré par la reconstitution de réseaux d’aide (RASED) complets et des personnels spécialisés partout,
  • l’égalité sur tout le territoire, y compris en éducation prioritaire,
  • une véritable formation initiale et continue sur temps de service qui réponde aux enjeux du service public d’éducation et aux besoins des personnels.

Belloubet : les syndicats rassurés mais pas dupes

Amélie Oudéa-Castéra sera restée 29 jours. Le plus court passage au ministère de l’Éducation nationale de la cinquième république. Un passage court, mais qui marquera durablement les esprits. Empêtrée dans les polémiques dès le premier jour, l’ex-ministre n’aura pas su s’imposer au sein du très technique ministère de l’Éducation nationale. Nicole Belloubet, nouvelle ministre, a l’avantage de connaitre la maison, ce qui rassure une bonne partie des organisations syndicales qui votaient hier à la quasi-unanimité (une abstention du côté des organisations lycéennes) contre le « choc des savoirs » au conseil supérieur de l’éducation. Pour autant, aucun syndicat – d’enseignants et de cadres, n’est dupe : la marge de manœuvre qu’aura la nouvelle locataire de la rue de Grenelle semble inexistante.

« C’est la cinquième ministre en deux ans », s’agace Sophie Vénétitay du Snes-FSU. « Il va falloir un peu de sérieux. Il faut arrêter les diversions, les gadgets et traiter enfin réellement l’Éducation nationale ». Si la responsable syndicale salue le départ d’Amélie Oudéa-Castéra, elle fustige Emmanuel Macron qui « a mis du temps à prendre la mesure de la crise, à nous écouter ». Le passage d’Amélie Oudéa-Castéra à la rue de Grenelle aura « durablement abimé l’Éducation nationale ».

Rassurés par le départ d’Amélie d’Oudéa-Castéra mais loin d’être dupes

Quant à la nomination de Nicole Belloubet, Sophie Vénétitay reconnait sa connaissance du monde de l’éducation, pour autant, elle s’interroge sur la ministre que sera la nouvelle locataire de la rue de Grenelle. « Sera-t-elle l’ancienne rectrice capable de démissionner, car en désaccord avec la politique menée ? La juriste qui ironisait sur l’uniforme et l’autorité ? Ou une ministre collaboratrice ? ». « C’est en tout cas, une ministre au pied du mur », poursuit-elle. « Elle arrive dans un moment de crise. Elle doit en prendre la mesure. On veut la rencontrer en urgence sur les salaires et le choc des savoirs ». « Si sa première décision est de publier les textes choc des savoirs, ça sera une grande provocation », prévient la secrétaire générale du premier syndicat des enseignants du second degré.

« Tout ça pour ça », s’exaspère Guislaine David, porte-parole de la SFU-SNUipp, syndicat des enseignants du premier degré. « Quatre semaines de mépris et de mensonges pour arriver à ce changement de ministre. On a alerté dès le début, on demandait un ministère de plein exercice. C’était évident qu’on en avait besoin. On a un ministère en crise ». Si la secrétaire générale voit d’un bon œil le départ d’Amélie Oudéa-Castéra, elle doute toutefois de la possibilité pour la nouvelle ministre de bouger les lignes. « C’est Attal et Macron qui mènent la danse. Si elle a une marge de manœuvre, ça se verra rapidement et on pourra discuter… Mais j’ai peu d’espoir. Nous ne sommes pas dupes, Bayrou n’a-t-il pas expliqué refuser le poste, car on ne lui laissait pas les coudées franches ? ». « De toute façon, il faudra qu’elle entende la colère qui s’exprime – dans les manifestations, dans les grèves, dans les mobilisations contre les fermetures de classe…, il y a une opposition ferme de la profession. Les enseignants demandent des moyens pour faire fonctionner l’école. Et Nicole Belloubet sait ce que c’est d’avoir besoin de moyens » avertit-elle.

Au SE-Unsa aussi, on explique aussi ne pas être dupe. « Si le SE-Unsa ne se fait pas d’illusion sur la continuité de la feuille de route macronienne, il demande solennellement à Madame Belloubet d’abandonner le projet du « choc des savoirs ». En effet, ce projet, qui n’a jamais répondu aux difficultés que rencontre l’École, ne gagnera pas en légitimité malgré la nomination d’une énième ministre ». « Le pilotage de l’École a besoin de stabilité, les enjeux sont d’ampleur pour toute la jeunesse et l’avenir d’un pays. Il ne s’agit pas seulement de nommer un VRP de la politique éducative arrêtée par le président de la République ou le Premier ministre. Or ces dernières années, le changement perpétuel de pilotage renvoie une image de grande fragilité qui nuit à l’École, ses élèves et ses personnels », écrit le syndicat.

Chez SUD éducation, on se dit soulagé par le « départ, attendu et réclamé par des centaines de milliers de grévistes », « un soulagement pour toutes celles et ceux qui croient en l’école publique ». « Mais sa disgrâce n’apaisera pas les personnels, qui se battent contre une politique éducative de tri social. La quasi-unanimité exprimée encore aujourd’hui en Conseil supérieur de l’éducation contre les mesures du “choc des savoirs”, dont la mise en place de groupes de niveau en collège, est révélatrice de l’opposition massive aux réformes passéistes imposées de manière autoritaire » écrit le syndicat qui indique sur son compte X (Twitter) maintenir la pression et « exiger une politique de défense de l’école publique, des élèves et des personnels ».

« Malgré les rumeurs depuis quelques jours », Catherine Nave-Bekhti du Sgen-Cfdt nous dit être « un peu de surprise » tant Nicole Belloubet a eu par « le passé des positions en matière éducative qui ne vont pas dans le sens de la politique souhaitée par le président de la République et le Premier ministre ». « Soit elle a des marges de manœuvre, soit le désaccord en matière de politique éducative va demeurer », ajoute la secrétaire générale. « Il est temps que nous ayons un ministère qui fonctionne, où le dialogue reprend sur les dossiers en suspens depuis un mois. Nous considérons qu’il faut revoir le calendrier sur la formation initiale. Nos urgences sont les conditions de travail, la rémunération, les conditions de l’école inclusive et la mixité sociale ».

Chez les cadres aussi, peu d’espoir de changement

Du côté des syndicats de l’encadrement – inspecteurs et chefs d’établissement, si l’on se satisfait du départ d’Amélie Oudéa-Castéra, on attend surtout des actes de la nouvelle ministre.

« Il va falloir reconstruire la crédibilité de la parole politique et renouer la confiance », prévient Igor Garncarzyk, secrétaire général du snU.pden-FSU. « Le changement de ministre n’augure hélas pas d’un changement de politique bien que ce soit de cela dont l’Éducation nationale a grand besoin. Nathalie Belloubet connaît bien notre institution. Elle sait l’incohérence et les dangers des réformes annoncées. Espérons qu’elle aura le courage et les opportunités de redonner espoir et objectifs positifs à l’éducation nationale : croire en la possibilité de faire réussir tous les élèves et pour cela, nécessite d’une représentation positive des mixités sociales et scolaires et la lutte contre les déterminismes ».

Audrey Chanonat, du SNPDEN, salue l’expertise de la nouvelle locataire de la rue de Grenelle, « c’est une bonne chose d’avoir une interlocutrice qui connait le fonctionnement du ministère ». « Cependant la tâche va être difficile, car les dossiers à venir sont épineux », observe-t-elle.

« Faut-il que tout change pour que rien ne change ? », ironise Agnès Andersen d’ID-FO. « Ce qui importe c’est la feuille de route et donc la politique menée. Nous attendons un changement de gouvernance. Notre boussole, ce sont nos revendications en matière de rémunération, de conditions de travail et de moyens pour préparer la rentrée ».

Voie professionnelle : le syndicat demande l’abrogation de la réforme

Quant au professionnel qui perd son « ministère » puisque la ministre Carole Grandjean n’est pas remplacée, le Snuep-FSU prévient « les deux premières exigences que le SNUEP-FSU portera auprès de la nouvelle ministre sont d’une part qu’elle abroge la réforme des lycées pros et, d’autre part, que la voie professionnelle publique et laïque sorte des griffes du ministère du Travail et retrouve sa place pleine et entière dans l’Éducation nationale ». Le syndicat n’hésite pas à alpaguer la ministre sortante, dont il salue le « courage » . « Après avoir scrupuleusement organisé le démantèlement de nos lycées pro, mis en péril l’avenir des jeunes et dégradé les conditions de travail de tous les personnels, se dérobe de ses responsabilités en fuyant furtivement « le service après-vente » de sa réforme qui s’annonce explosif dans nos établissements. Elle désobéit donc à son Premier ministre qui avait pourtant insisté sur la formule « tu casses, tu répares » dans son discours de politique générale ! » tacle le syndicat du lycée professionnel.

Grève, jour 2 : Maintien de la pression

Mardi 6 février, enseignants et enseignantes étaient appelés à manifester contre le « choc des savoirs » pour la deuxième fois en quelques jours. Si le 1er février, les syndicats avaient réussi à mobiliser plus de 40% des professeur·es des écoles et 47% des professeur·es du second degré, cette journée a été plutôt suivie par les professeur·es de collège – premiers concerné·es par la réforme du collège. Pour autant, professeur·es en lycée, professeur·es des écoles, chef·fes d’établissement… étaient aussi du cortège parisien. Pour les syndicats, l’objectif de cette grève était de maintenir la pression sur la rue de Grenelle, pari réussi.

À l’appel du Snes-FSU, principal syndicat des enseignants du second degré, de la CGT et de SUD éducation, de nombreux enseignants ont cessé le travail. Si la manifestation parisienne était moins fournie que celle du 1er février, les manifestants étaient aussi en colère que jeudi dernier. « Le choc des savoirs n’est qu’un des éléments de la casse du service public d’éducation », s’exaspère Marie-Lise, professeure de SES dans un lycée parisien. « La réforme du lycée, nous la subissons au quotidien. On ne nous laisse plus faire notre travail, j’ai la sensation de maltraiter mes élèves avec le rythme que je leur impose pour boucler le programme. Alors dès que je peux dire Stop, pour eux et pour nous, je le fais ! ».

« La mort du collège, c’est la mort de l’ascenseur social »

Mohamed et Alain sont venus manifester ensemble. Les deux directeurs d’école ne sont « pas faciles à mobiliser » selon leurs termes. « Mais là c’est trop », explique Mohamed. « On est vraiment à un point de bascule. Je suis un enfant du nord. Mon père était ouvrier, autant vous dire que la misère, j’ai connu. L’école, ça n’a pas été facile, mais j’y suis arrivé. Avec ce nouveau collège qui se dessine, aucune chance d’avoir la carrière que j’ai. Aucune chance que moi, le petit immigré pauvre puisse devenir un jour professeur puis directeur. Ce n’était déjà pas facile à mon époque, avec pourtant le collège unique, je n’imagine même pas les conséquences si on trie nos élèves dès 11 ans… On dit qu’aujourd’hui l’ascenseur social est en panne, demain, il n’y en aura plus du tout…»

Linda est professeure de mathématiques en Seine-Saint-Denis. Une toute jeune professeure, elle est contractuelle et a commencé à enseigner il y a quelques mois. « Je viens du milieu de la finance. Un monde de requins qui m’a fait perdre foi en l’humanité. Enseigner, pour moi, c’est reprendre les bases, c’est être au contact de jeunes qui façonneront le monde de demain. En laissant s’installer les groupes de niveau, on envoie le message à une bonne partie de mes élèves qu’ils ne valent rien. Comment espérer un monde meilleur demain si on ne crée pas du commun aujourd’hui ? ». Sa collègue Mounia, professeure en SEGPA, est épatée par le « courage » de Linda, « c’est rare de voir des contractuels prendre le risque de manifester » . « Ça dit quelque chose de l’importance de ce qui se joue aujourd’hui », ajoute l’enseignante militante chez SUD éducation.

« Une colère bien ancrée face au choc des savoirs »

« 40% des enseignants et enseignantes en collège sont en grève aujourd’hui », nous dit Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. « C’est dire la colère des collègues qui accumulent deux journées de grèves à quelques jours d’intervalle. Cela montre une colère bien ancrée face au choc des savoirs ». La responsable syndicale prévient déjà le ou la prochaine ministre – « si remaniement il y a », « il ou elle devra entendre très vite que l’annulation du choc de savoirs est une mesure qui devra très rapidement être prise ». Si la colère gronde, c’est aussi pour les salaires, nous dit Sophie Vénétitay. « Le ou la successeur d’Amélie Oudéa-Castéra devra nous donner une réponse sur ces sujets dans les jours qui viennent ». Une position portée par l’intersyndicale éducation qui prévenait le 4 février, « une journée de grève ne suffira pas pour gagner » écrivait -elle dans un communiqué. « Nous sommes à un point de bascule pour l’École publique. Cela appelle une réponse forte qui passe par une action dans la durée… Pour défendre l’École publique, exiger l’ouverture de discussions immédiates sur les salaires ainsi que l’abandon des mesures chocs des savoirs, pour des mesures qui améliorent nos conditions de travail (notamment par l’annulation des suppressions de postes et la création des postes nécessaires), nos organisations FSU, UNSA Éducation, SGEN-CFDT, CGT Educ’action et Sud Éducation décident de s’inscrire dans un plan d’action dans la durée ».

Quel que soit le futur ou la future ministre, si Amélie Oudéa-Castéra est remerciée comme beaucoup le pronostiquent, les syndicats lancent un avertissement fort : l’abandon du « choc des savoirs » ou une crise qui s’inscrit dans la durée. Mais avec les vacances scolaires qui débutent dans deux jours pour une zone, auront-ils les moyens de maintenir la pression ?