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Sainte-Soline : enquête sur les deux heures de fiasco avant la prise en charge des blessés graves

Témoignages, vidéos, images aériennes, données téléphoniques… «Libération» documente les retards et ratés des autorités pour porter secours aux deux manifestants actuellement entre la vie et la mort.

par Ismaël Halissat, Fabien Leboucq et Pauline Moullot

publié aujourd’hui à 20h48

Deux manifestants entre la vie et la mort, plusieurs autres gravement atteints au visage, dont l’un est éborgné, des dizaines blessés par d’importantes plaies délabrantes… La manifestation interdite du 25 mars, en opposition au projet de construction d’une mégabassine à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), a été marquée par un bilan rarement vu ces dernières années. Face aux centaines de militants organisés et équipés pour affronter les forces de l’ordre, mais aussi des milliers d’autres, pacifiques, eux, l’Etat n’a pas hésité à déployer près de 3 200 gendarmes mobiles. Ces derniers ont eu recours à un usage massif d’armes dites intermédiaires mais bien capables de mutiler, voire tuer. En l’espace de quelques heures, ils ont tiré plus de 5 000 grenades, des munitions lacrymogènes mais aussi de nombreuses grenades GM2L, contenant une dangereuse charge pyrotechnique.

Les cas de Serge D., 32 ans, et Mickaël B., 34 ans, sont les plus graves. Selon la dernière communication de la justice mardi après-midi, leur pronostic vital était toujours engagé. Les deux manifestants, encore dans le coma, souffrent de lésions au cerveau provoquées par une hémorragie. Les parents de ces deux manifestants gravement blessés ont porté plainte pour «tentative de meurtre» et «entrave aux secours». A l’aide d’une vingtaine de témoignages, de captures d’écran montrant des appels aux secours, de messages aux plus hautes autorités, ainsi que de photos et vidéos captées pendant la manifestation, Libération a pu retracer le déroulé des événements. Cette reconstitution minutée atteste d’une grande confusion des services de secours. Mais aussi de la décision des autorités de ne pas permettre l’accès à des ambulances à la zone de la manifestation pendant près de deux heures, en dépit de diagnostics d’urgence absolue, et alors que chaque minute compte en cas d’atteinte cérébrale de cette gravité. Apparaissent aussi des incohérences, voire des mensonges, dans la communication officielle de l’Etat.

«Toutes les cinq secondes, ça explosait»

Le matin, au camp de Vanzay, commune voisine de Sainte-Soline, la manifestation se prépare. Plusieurs élus font des discours, sur une plateforme de camion garé dans la boue, pendant que d’autres s’équipent pour la manifestation. Aux alentours de 11 heures, trois cortèges s’élancent. L’ambiance est festive, musicale et colorée. Les premiers arrivent près de la bassine avant 12 h 30. Les quads de gendarmerie vont à leur rencontre, et tirent de premières grenades lacrymogènes. Les manifestants font le tour de l’enceinte, pour l’approcher par l’ouest.

Mickaël B., 34 ans, est le premier à avoir été gravement blessé, au niveau du cou, selon les témoignages que nous avons recoupés. La munition qui l’a atteint n’est pas encore connue. Son état est jugé grave dès le début de sa prise en charge. Paul (1), un infirmier, est l’un des premiers à intervenir. «Je vois que cette personne est inconsciente, pas de réponse motrice, pas de réponse verbale, elle est dans un état critique, explique-t-il. Je vois un hématome cervical très important et une insuffisance respiratoire sévère, la personne suffoque.» Paul est rejoint par d’autres personnes : «On est quatre autour de lui, je m’attendais à commencer un massage cardiaque, donc je ne l’ai pas mis tout de suite en PLS [position latérale de sécurité]. J’essayais de surveiller sa fréquence respiratoire, j’avais du mal à la percevoir.»

La médecin Perle Bertrand intervient dans les instants qui suivent. «Il devait être 13 heures 15. Toutes les cinq secondes, ça explosait, j’ai d’abord évacué une personne blessée au pied, se remémore-t-elle. Quand je me suis retournée, il y avait une personne à terre. Elle n’allait vraiment pas bien, elle était inconsciente, respirait avec des gasps [terme médical relatif à une respiration très laborieuse et significative d’un état de détresse, ndlr]

Aucun véhicule des secours n’attendait Mickaël B.

La médecin contacte le Samu. «Cet appel a duré environ une demi-heure.» L’opérateur lui affirme que les secours ne peuvent pas intervenir là où se trouve Mickaël B. et qu’il faut le déplacer. Les manifestants s’organisent pour l’emmener près d’une route et l’écarter des tirs de grenades. Perle Bertrand poursuit : «Une fois qu’il était sur la route, je me suis dit, “c’est bon, on est à 200 mètres des affrontements, on a quelqu’un de grave, ils vont intervenir ici”. Pendant l’appel, le Samu m’a envoyé un SMS avec un lien de partage de localisation GPS.» Une capture de ce message, consultée par Libération, atteste qu’il a été envoyé par le Samu à 13 h 28. Une quinzaine de minutes après être tombé inconscient, Mickaël B. reprend connaissance et parvient à donner son identité à Perle Bertrand, qui la transmet au Samu. Mais les secours la rappellent et répètent qu’ils ne pourront pas intervenir sur place. Des images consultées par Libération permettent d’observer qu’à cette heure-là, aucun affrontement n’a lieu à l’endroit où est situé Mickaël B.

«La personne du Samu me dit qu’il fallait qu’on le transporte dans le centre de Sainte-Soline, que les secours attendent là-bas. On fixe le point de rendez-vous à l’église.» Mickaël B. est finalement installé dans une camionnette de l’organisation, qui prend la direction du village avec d’autres blessés plus légers, à 13 h 55, selon la source vidéo précédemment citée. Perle Bertrand apprendra plus tard qu’aucun véhicule des secours n’attendait Mickaël B. à Sainte-Soline. Les militants écologistes l’ont finalement emmené à l’hôpital de Poitiers par leurs propres moyens. Cette situation est décrite bien différemment dans le rapport publié mardi par la préfecture des Deux-Sèvres. Alors que le Samu a lui-même demandé l’évacuation vers l’église du village, la préfecture affirme que la présence de victimes à cet endroit était une «rumeur». Surtout, la situation d’urgence dans laquelle se trouvait Mickaël B. et les appels avec les services de secours n’apparaissent pas dans le rapport des autorités. «Aucune demande de secours faite ni au SDIS 79 [les pompiers], ni au Samu», soutient la préfecture à son sujet. Une affirmation qui fait enrager Perle Bertrand : «C’est totalement faux !»

«Son casque explose, il est tombé raide»

Un peu plus d’une heure après le début des affrontements – vers 13 h 45 –, Serge D., 32 ans, est blessé à la tête. «On était sur le côté gauche de la bassine, je l’ai vu se prendre un projectile au niveau de la tête. Il est tombé raide sur le sol. On l’a transporté un peu plus loin, pendant que les [grenades] continuaient de tomber», raconte Leslie (1) à Libération. «Serge était à un ou deux mètres devant moi. J’ai vu une explosion au niveau de sa tête. Son casque explose, il est tombé raide, comme un bâton. Rapidement, il y a eu une flaque de sang sous sa tête. Je crie “medic”. Il y a un flottement car personne ne sait quoi faire puis on le porte, à plusieurs. On le déplace plusieurs fois car il continue d’y avoir des lacrymos autour de nous. Il perd beaucoup de sang, il a une plaie au niveau du crâne. Mais surtout il saigne énormément d’une oreille, du nez et de la bouche. On finit par le ramener sur la route», décrit Tom (1).

Leslie, infirmière de profession, décrit elle aussi une «hémorragie massive». Immédiatement, plusieurs coups de fil sont passés aux secours. Leslie affirme avoir tenté de contacter le Samu à trois reprises avant de finalement joindre un opérateur. A 13 h 49, Camille (1) prête son téléphone à un medic, qui passe un appel de trois minutes au 112, le numéro d’urgence européen. Selon plusieurs clichés consultés par Libé, l’ambulance du Samu n’arrivera près du blessé qu’entre 14 h 58 et 15 h 08. Soit entre 1 h 10 et 1 h 20 après cet appel avéré.

Quelques minutes après sa prise en charge par les medics, Serge D. est déplacé plus en retrait des affrontements, alors qu’une manœuvre des quads de la gendarmerie et un tir nourri de lacrymos créent un mouvement de foule et de panique. Peu avant 14 heures, Clara (1), professionnelle médicale, est aussi au «niveau des affrontements», et s’occupe de plusieurs blessés. Elle a réussi à joindre une régulatrice du Samu et lui communique un point GPS. A ce moment-là, des manifestants l’alertent sur un «blessé très grave». Serge D. est à terre, inconscient. «Quand j’arrive, il est en position latérale de sécurité, ils ont comprimé les saignements et appelé les secours. Il gémit, n’ouvre pas les yeux mais serre la main à la demande de façon occasionnelle», complète Agathe (1), médecin urgentiste. «Une fois que j’ai évalué qu’il avait un traumatisme crânien grave, j’ai demandé qu’on me passe le Samu au téléphone. Les gens me disent qu’ils ont appelé à plusieurs reprises.»

Clara est alors en ligne avec un médecin régulateur et lui passe le combiné. «Je demande une équipe de réanimation pour une urgence vitale immédiate, se remémore Agathe. Ils me répondent qu’ils sont en train d’organiser un point de rassemblement de victimes, mais que la zone n’est pas sécurisée. Je leur réponds qu’on est à distance des affrontements et qu’il faut un hélicoptère, on est au milieu des champs pour atterrir.»

«Des observateurs de la Ligue des droits de l’homme»

A Melle, à quelques kilomètres de là, le médecin Jérémie F., prévenu de la gravité de la situation, appelle le 15 pour la troisième fois. Cet appel de sept minutes, révélé par le Monde mardi soir et écouté par Libération, est enregistré par la Ligue des droits de l’homme (LDH). Il est environ 14 h 50. On lui indique alors que «le Samu […] dit qu’ils n’envoient personne sur place». Jérémie F. expose : «Je suis médecin, il y a des observateurs de la LDH […] sur place qui disent que c’est calme depuis une demi-heure. Vous pouvez intervenir.»

Pendant que Jérémie F. est de nouveau placé en attente, il apprend que des médecins gendarmes viennent d’arriver près du blessé. «Vous en êtes où de la plus grosse urgence absolue ?» demande-t-il. Réponse du 15 : «On a eu un médecin sur place [Agathe] et on lui a expliqué […] qu’on n’enverra pas d’hélicos ou de moyens Smur [Structures mobiles d’urgence et de réanimation, ndlr] sur place. Parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre.» Jérémie F. insiste, son interlocuteur lui répond qu’il «n’est pas le premier» à l’alerter. «Le problème, c’est que c’est à l’appréciation des forces de l’ordre», explique-t-il. Une avocate de la LDH demande d’où viennent ces ordres : «On n’a pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place parce que c’est considéré comme étant dangereux», rétorque le régulateur. «Et si ça ne l’est pas, il y a non-assistance à personne en danger», rappellent les avocats de la LDH, qui insistent : «Vous confirmez que c’est la préfecture qui interdit l’accès ?» Réponse : «Non, ce n’est pas la préfecture qui interdit l’accès, c’est le commandement sur place.»

Interrogé par Libération, le responsable du Samu des Deux-Sèvres, Farnam Faranpour, ne voit pas la décision des autorités comme une entrave. Pour lui, «dans un état de médecine exceptionnelle, on doit écouter la même voix. Moi médecin, je ne peux pas décider seul d’aller à tel endroit parce que quelqu’un au téléphone m’a dit qu’il n’y avait pas de problème». Et de poursuivre : «C’est le poste de commandement opérationnel qui va donner le feu vert ou pas. Il y a des zones dans lesquelles l’intervention peut être délétère. Je perds une équipe si elle se fait tirer dessus.»

«Donner les blessés aux gendarmes»

A cet instant, cela fait plus d’une heure que les autorités ont connaissance de la gravité de la situation. A 13 h 49, lors d’un échange SMS avec Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, «me dit savoir que ce qui est en train de se passer est très grave. Quand je réponds qu’il faut évacuer les blessés et que les gendarmes bloquent l’arrivée des ambulances, il me répond à 14 h 24 qu’il fait passer le message».

A 14 h 07, la secrétaire nationale d’EE-LV, Marine Tondelier, alerte une conseillère d’Elisabeth Borne, la Première ministre, pour lui demander l’évacuation des blessés. Elle est rappelée par la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, à 14 h 13 pour parler des blessés dont «un cas particulièrement grave», une jeune fille avec «un enfoncement orbital et un traumatisme à la mâchoire», selon le compte rendu rédigé a posteriori par Marine Tondelier. Une médecin de la gendarmerie lui indique ensuite d’amener cette jeune fille du côté des forces de l’ordre, alors qu’elle n’est «clairement pas déplaçable», juge l’élue. D’après elle, la préfète lui confirme par SMS à 14 h 32 que «la situation est prise en compte par le Samu».

Pendant que les soignants essaient de faire venir les secours, un autre responsable de la Confédération paysanne est en lien avec les autorités entre 14 h 03 et 15 h 42. La communication est difficile. Ce sont d’abord les renseignements territoriaux qui l’appellent pour lui demander de dire aux manifestants «de donner les blessés aux gendarmes». Puis il communique avec la préfète par SMS à 14 h 39 pour réclamer de laisser passer le Samu. Celle-ci lui répond trois minutes plus tard : «Elle me dit que le Samu n’avait pas été engagé, mais qu’il l’est à présent, et me demande d’assurer la sécurité des pompiers.» Il reste au téléphone avec la préfète pendant 18 minutes, répète qu’il «faut un hélico», et finit, seul, par aller chercher derrière les lignes d’affrontement un médecin et un infirmier militaires, qu’il escorte en courant jusqu’à Serge D.

«Prépare tout de suite l’intubation»

Pendant ce temps, son état s’est dégradé : «Son coma était de plus en plus profond. On a commencé à se dire qu’on allait l’installer à l’arrière d’une voiture de manifestants sur un matelas et qu’on allait partir avec», raconte Agathe. Selon une photo consultée par Libération, une camionnette blanche de particulier arrive sur le chemin où se situe Serge D. à 14 h 30. A 14 h 37, elle est à proximité du blessé. Tandis que sur un autre chemin où sont pris en charge des blessés, une ambulance du Samu finit par débarquer à 14 h 52. Les secouristes sont en fait au mauvais endroit. Ils indiquent qu’ils cherchent un autre blessé, «plus grave» que ceux qui se trouvent là. Il s’agit de Serge D.

Mat (1), militant de Bassines non merci, se trouve alors avec le blessé (au point numéro 3 sur la carte ci-dessus) : «On a eu l’annonce que le Samu arrivait, mais on les a vus au point 2. J’ai couru jusqu’à eux, je leur ai dit “les urgences vitales sont là-bas, je vous emmène”. Je suis monté avec eux dans leur ambulance. On est arrivés par le chemin dégagé jusqu’à Serge D.» Il assure que le Samu a pu passer sans encombre jusqu’au blessé.

«Cinq ou dix minutes après l’avoir mis dans la camionnette [d’un particulier], on voit le camion du Samu qui arrive sur une autre route et des gens en kaki, sûrement des médecins gendarmes, qui arrivent en courant», raconte Leslie. Une autre photo, prise à 14 h 58, atteste de la présence de deux gendarmes près du véhicule. «J’ai senti que très vite le médecin [militaire] s’est rendu compte que c’était grave. Je lui dis “tu rappelles la régulation et appuies ma demande de Smur”, ce qu’il a fait. Pas longtemps après, un camion du Smur est arrivé», rapporte Agathe. La médecin urgentiste indique que les médecins militaires n’avaient qu’«un matos très limité» : «De quoi perfuser [Serge D.] mais pas de quoi l’intuber.» Mardi, la préfecture a soutenu que l’intervention du médecin militaire s’etait déroulée «au milieu d’un groupe d’opposants agressifs». Mat affirme le contraire : «Ils ont enlevé leurs casques, ils ne devaient pas se sentir en danger.» Ce dont atteste la photo consultée par Libération. Mais à leur retour, ils ont été visés par des jets de pierres.

Quelques minutes plus tard, le Smur arrive sur place et «prépare tout de suite l’intubation», poursuit Clara. A 15 h 08, une image montre le camion d’urgence et de réanimation à côté de Serge D. Interrogé par Libération, le patron du Samu des Deux-Sèvres, Farnam Faranpour, indique que la prise en charge du blessé a débuté à 15 h 15. Selon la préfecture, un hélicoptère a ensuite décollé pour transférer Serge D. vers l’hôpital de Poitiers à 16 h 34.

(1) Les prénoms ont été modifiés

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Des «armes de guerre» ont bien été utilisées par les gendarmes à Sainte-Soline, contrairement à ce qu’affirme Gérald Darmanin

Le ministre de l’Intérieur a assuré que les autorités n’avaient pas employé d’armes de guerre contre les manifestants antibassines. Pourtant, certains éléments du matériel utilisé sur place sont bel et bien répertoriés comme tels par le code de la sécurité intérieure.

par Fabien Leboucq et Anaïs Condomines

publié le 28 mars 2023 à 17h49

Tentative de désamorçage du ministre de l’Intérieur, lundi 27 mars, à l’issue d’un samedi de violences à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Au cours d’une manifestation contre un chantier de bassine, une quarantaine de gendarmes ont été blessés, selon les autorités, et plus de 200 manifestants, selon les organisateurs. Deux d’entre eux sont aujourd’hui dans le coma, dont un homme de 32 ans avec un pronostic vital engagé. Les organisateurs recensent également au moins un éborgnement, une autre personne risquant également de perdre son œil, selon un communiqué envoyé ce mardi.

En conférence de presse, Gérald Darmanin a donc assuré que «non, aucune arme de guerre n’a été utilisée à Sainte-Soline. Seules des armes intermédiaires ont été utilisées, par contre des armes de guerre de la part de certains casseurs l’ont été, notamment je pense aux cocktails Molotov».

En réalité, parmi les plus de 5000 grenades utilisées en moins de deux heures par les gendarmes (selon le décompte des autorités), plusieurs appartiennent, légalement, à la catégorie des armes de guerre.

Des armes classées en «catégorie A2»

Sur place, Libération a pu constater l’ampleur de l’arsenal déployé. D’abord, beaucoup de grenades lacrymogènes ont été utilisées. A cela s’ajoutent un grand nombre de GM2L (pour «grenade modulaire 2 effet lacrymogène»), qui produisent une forte explosion et, en même temps, libèrent du gaz lacrymogène. Cette grenade a succédé à la GLI-F4, qui a mutilé plusieurs manifestants pendant le mouvement des gilets jaunes. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé l’arrêt de l’utilisation de la GLI-F4 en 2020, mais sa production avait cessé dès 2014. De plus, d’après nos constatations samedi dans les Deux-Sèvres, des lancers de grenade de désencerclement ont été effectués par les gendarmes. Nous avons noté plusieurs tirs de LBD (ou encore l’emploi de canons à eau, et de produit marquant) ainsi que le recours à des lanceurs de grenades type cougars. Des caractéristiques techniques de ces différentes armes sont rassemblées par le journaliste Maxime Sirvins, sur son site maintiendelordre.fr.

Or ce matériel repéré sur le terrain relève bien de la catégorie arme de guerre, dont la loi s’emploie à restreindre l’acquisition et la détention. «La classification d’armes est prévue dans le code de sécurité intérieure», explique ainsi à CheckNews Emilie Schmidt, responsable programme et plaidoyer sûreté et libertés chez ACAT France, une ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort. «Plus précisément, l’article R 311-2 définit les armes classées en catégorie A2, soit les armes relevant des matériels de guerre, des matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu et les matériels de protection contre les gaz de combat.» Elle poursuit : «Aux 4e et 5e paragraphes, on retrouve les lance-grenades de tout calibre, les lance-projectiles et systèmes de projection spécifiquement destinés à l’usage militaire ou au maintien de l’ordre, ainsi que leurs munitions.»

Un autre article est même encore plus précis. Aymeric Elluin, chargé du plaidoyer «armes» chez Amnesty International, contacté par CheckNews, se réfère à l’article D211-17 du même code, qui a le mérite de résumer les choses et prévoit une liste d’«armes à feu susceptibles d’être utilisées par les représentants de la force publique pour le maintien de l’ordre public».

«On y voit que les cougars, soit lanceurs de grenades de 56 mm et leurs munitions, appartiennent effectivement à la catégorie A2», détaille-t-il. «Même chose pour les GM2L, repérées sur le terrain, qui sont des grenades instantanées et à double effet sonore et lacrymogène. En fait, il faut noter que les grenades à double effet relèvent forcément du matériel de guerre», précise Aymeric Elluin. Ce dernier nous renvoie d’ailleurs vers une question écrite posée par un député, en 2011, au sujet des exportations de matériel au Bahreïn. Dans sa réponse, le gouvernement reconnaissait alors volontiers que «les grenades à effets multiples sont des matériels de guerre et dépendent, à ce titre, d’autorisations délivrées par la commission interministérielle pour l’étude pour l’exportation des matériels de guerre». Par ailleurs, ce texte mentionne aussi les «grenades à main de désencerclement» ; et les GENL utilisées à Sainte-Soline font bien partie de cette catégorie.

Exception notable : l’usage de gaz lacrymogène, autorisé en France pour le maintien de l’ordre et paradoxalement… interdit en temps de guerre par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, comme l’expliquait CheckNews dans un article de 2018.

Sollicité par CheckNews, le cabinet du ministre de l’Intérieur a répondu, mercredi matin, que la «GM2L n’est pas une arme mais une munition de force intermédiaire et que la catégorie A2 signifie que le dispositif est interdit à la vente et que son usage est réservé aux forces de l’ordre qui agissent dans un cadre légal». Une précision qui contourne le débat, puisque comme nous le précise Aymeric Elluin, la catégorie «moyen de force intermédiaire» n’est pas définie dans le Code de sécurité intérieure, mais par «l’instruction commune du directeur général de la gendarmerie nationale et du directeur général de la police nationale, en 2017″. Il s’agit là de décrire une catégorie d’armes dites «non létales» ou «à létalité réduite». Mais cela n’enlève strictement rien au fait que le CSI les classe bien parmi les armes de guerre.

Une dangerosité qui pose question

Pour Aymeric Elluin néanmoins, cette classification «ne veut pas dire que ces armes sont nécessairement utilisées sur des terrains de guerre. Ces matériels peuvent avoir pour destinataires des forces armées comme des forces intérieures, pour faire du maintien de l’ordre». Il ajoute : «Mais si ces armes sont classées parmi le matériel de guerre, ce n’est pas une lubie. C’est qu’elles sont reconnues comme étant suffisamment dangereuses pour faire l’objet d’un régime d’exception : c’est-à-dire qu’on ne peut pas les exporter librement, sauf licence d’exportation, ni les acquérir pour soi-même.»

Car au-delà de la classification des armes dans une catégorie ou une autre, c’est bien la question de leur dangerosité qui se pose. Par exemple, la GM2L, même si elle n’est censée produire que des effets sonores et lacrymogènes, peut blesser gravement quand elle explose. «On a des photos de personnes qui étaient à Sainte-Soline qui ont des parties entières de grenade dans le corps. Par exemple, une jambe a été pénétrée en profondeur par un bouchon d’allumage d’une grenade [GM2L]. Celui-ci, en plastique, avec des parties métalliques, a été séparé du reste de la grenade à une vitesse suffisante pour s’incruster dans les chairs d’une personne», nous rapporte Ian, porte-parole du collectif Désarmons-les, qui documente et milite contre l’armement policier. C’est aussi ce dont témoigne le reporter Adcazzz, blessé à la jambe à Sainte-Soline par une de ces grenades (attention images choquantes).

Mise à jour le 28 mars à 19h27 : précision sur la date de fin d’utilisation de la GLI-F4.

Mise à jour le 28 mars à 22h47 : actualisation du nombre de grenades utilisées (5000 et non 4000)

Mise à jour le 29 mars à 12h30 : ajout de la réponse du cabinet du ministre de l’Intérieur

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[CEMPdL] Contre les violences policières : toutes et tous devant la Préfecture de Nantes ce jeudi 30 mars

Ci-dessous un appel de l’URF CGT Spectacle des Pays de la Loire

L’UD CGT 44, les Unions locales CGT de Nantes et du sud Loire, l’URF CGT Spectacle des Pays de la Loire ont décidé de co-signer

l’appel à un rassemblement

jeudi 30 mars à 19h devant la préfecture à Nantes

(voir appel plus bas)

Hier en fin de manifestation nantaise, des camarades ont été blessé·es par les forces de police, matraqué·es et ont fini aux urgences : le préfet est saisi ainsi que la maire de Nantes qui est leur employeur et les médias sont prévenus. Les camarades ont déposé plainte. Une autre camarade de la CGT éduc pop a subi un tir de LBD en tentant de calmer les tensions entre les jeunes et les forces de l’ordre.

La semaine dernière déjà nos camarades de l’Union locale CGT de Nantes ont été maltraités et gazés à Bouffay.

C’est donc bien aussi la CGT et les organisations syndicales plus largement qui sont visées.

Ce week-end à Sainte-Soline, de très nombreux·ses militant.es en lutte ont été victimes de cette répression avec l’usage d’armes de guerre : deux personnes sont toujours hospitalisées, entre la vie et la mort.

C’est la raison pour laquelle il est important d’être solidaires de cet appel lancé par les organisateurs du assemblement de Sainte-Soline et de combattre partout et sans répit les violences policières qui sont une stratégie du gouvernement (Darmanin en tête) visant à faire peur pour décourager de rejoindre la lutte et les manifestations.

Voici l’appel :

En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessé.es de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières.

La brutalité concomitante de la réponse d’État à la poursuite du mouvement des retraites et à la mobilisation de Sainte-Soline est en train de marquer au fer rouge l’histoire du pays. Elle appelle aujourd’hui à faire front ensemble.

Face à l’inaction climatique du gouvernement, à son soutien intangible à des lobbys industriels écocidaires et à l’aggravation flagrante de la crise écologique, le mouvement contre les méga-bassines a, ces derniers mois, offert une prise. Si le peuple de l’eau, plus nombreux que jamais à braver les interdictions préfectorales, est allé de nouveau jusqu’au chantier de la bassine de Sainte-Soline le 25 mars ce n’était pas par goût inconsidéré du risque. Tout ce qui a été dit sur les soi-disantes motivations obscures des manifestant·es par Darmanin et consorts avant et après la mobilisation est à cet égard une profonde insulte à l’engagement des 30 000 personnes qui se sont rassemblées samedi. Si depuis un an et demi, ces foules grandissantes ne se contentent plus de défiler mais recherchent des gestes ad hoc pour freiner concrètement certains chantiers, pour empêcher le pillage de l’eau ou des terres, c’est bien parce qu’il y a une urgence vitale à agir. Et ce sentiment d’urgence ne fera qu’augmenter tant que l’on continuera à construire dans ce pays des infrastructures dont les conséquences sont telles qu’elles incarnent une violence écologique et sociale qui n’est plus aujourd’hui tolérable.

Cet élan vital, E. Macron l’a accueilli samedi avec une pluie de grenades létales, 4000 en 2h. Alors que 30 000 personnes s’approchaient d’un trou grillagé que l’État avait transformé en symbole de son autorité, 200 personnes ont été percées d’éclats dans leurs chairs, 40 gravement. L’une a perdu l’oeil, d’autres se sont faits arracher la mâchoire ou risquent de perdre le pied. Deux sont toujours aujourd’hui dans le coma, entre la vie et la mort. Comme à Malville face à la déferlante anti-nucléaire en 77 ou à Sivens en 2014 face à l’éclosion des zads en divers endroits du pays, l’État français a choisi délibérément le 25 mars de se donner sciemment la possibilité de tuer.

Ce 25 mars, le gouvernement Macron a tenté de faire taire un espoir politique par la mutilation de masse.

Il a ainsi affirmé brutalement que la montée en puissance du mouvement de défense de l’eau ne pouvait qu’être considérée comme un affront intolérable à son égard. Depuis des années, ce mouvement réitère pourtant les demandes d’ouverture d’un réel dialogue avec les habitant·es des territoires, les paysan·nes, les associations environnementales. La seule réponse gouvernementale à ces issues au conflit aura été est la terreur. Cette violence sourde face au mouvement écologiste est la même que le gouvernement Macron a déployé pour mater les gilets jaunes en 2019 et aujourd’hui contre le peuple qui persiste à refuser sa réforme injuste des retraites. C’est aujourd’hui cette réduction du champ politique à la grenade, ces cowboys en roue libre en quad ou en moto qui vont jusqu’à inquiéter les institutions internationales. A cette violence de rue, Darmanin ajoute aujourd’hui la persécution légale des mouvements organisateurs avec l’engagement d’une procédure de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la terre.

De Sainte-Soline, ce week-end nous retenons heureusement aussi les tracteurs paysans qui déjouent les escortes de police, le camp qui surgit des champs au milieu du dispositif, les camarades des 4 continents, les animaux géants et les danses, la foule de tout âge qui serpente les champs à l’infini, son courage, sa solidarité inouïe face à l’adversité. Toute cette force est encore en nous et nous la retrouverons. Mais elle est aujourd’hui profondément entachée par les chairs mutilées, par ces vies encore en suspens. C’est pour nos blessé·es, pour leur rendre hommage, appui, pour que cela cesse qu’il y a un impératif à se retrouver de nouveau dans la rue. Non pas concentrés sur une même prairie cette fois. Mais partout dans le pays, devant les préfectures. Bien plus nombreux et nombreuses encore.

Alors que nous continuons à manifester contre la réforme des retraites, alors que nous continuerons à converger pour arrêter les méga-bassines, nous appelons à nous rassembler:
jeudi à 19h devant toutes les (sous)-préfectures. En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessées de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières, pour la dissolution de la brav-m et l’interdiction des grenades GM2L.

Pour que celles et ceux qui étaient là de toute la France puissent dire et témoigner. Parce que le gouvernement est triplement coupable : d’avoir lancé des grenades létales, de l’avoir prémédité, et d’avoir ensuite obstrué l’arrivée des secours. Montrons leur massivement jeudi que nous ne les laisserons pas étouffer l’espoir à coup de grenades. Que nous sommes là. Toujours.

Confédération Paysanne – Bassines Non Merci – Les Soulèvements de la terre, les organisateurs de la mobilisation du 25 mars à Sainte-soline et toutes les organisations sociales, syndicales, et associations qui souhaiterons s’y associer.

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 Plusieurs caisse de grève pour soutenir les salarié·es en grève pour exiger le retrait de la réforme des retraites. Ces caisses permettront d’aider en priorité les personnes qui ont fait grève et qui sont dans une situation de précarité particulière.

 Caisse de grève de la CGT Spectacle : https://urlz.fr/kYcj

Caisse de grève des syndicats Nantes Métropole, Ville de Nantes et CCAS ici

 En pièce jointe : 

Communiqué LDH sur répression rassemblement Sainte-Soline

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Culture en lutte
Culture en Lutte est le mouvement des professionnel.le.s du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma dans la région Pays de la Loire, qui réunit des syndiqué.e.s de la CGT Spectacle, des non syndiqué.e.s et des adhérent.e.s du SYNAVI.

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Appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h et Assises Populaires pour nos libertés le 15 avril

Appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h et Assises Populaires pour nos libertés le 15 avril

Mobilisation 29 mars 2023

Attac rejoint l’appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h devant les préfectures du pays, en soutien aux personnes blessées (2 manifestants dans le coma) à Sainte-Soline et lors des manifestations contre la loi retraites, pour la fin des violences policières, mais aussi en soutien aux Soulèvements de la Terre.

Face à la répression, organisons-nous collectivement aujourd’hui et demain ! Nous vous invitons également à suivre la dynamique des Assises Populaires pour nos libertés le 15 avril prochain à Paris, qui seront retransmises en direct et qui ont vocation à être déclinées en région.

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Attac est depuis toujours mobilisée contre les grands projets inutiles telles que les mégabassines, pour un partage plus équitable de nos biens communs comme l’eau, mais aussi pour une gestion de l’eau collective, démocratique et répartie équitablement entre ses différents usages.

Le week-end dernier, nous étions de nouveau mobilisé·es à Sainte-Soline, répondant à l’appel de la Confédération Paysanne, de Bassines non merci et des Soulèvements de la terre. De très nombreuses et nombreux militant·es d’Attac étaient présent·es ainsi que de nombreux CL que nous remercions au passage pour leur investissement et leur engagement.

Hier, nous avons appris l’annonce de la procédure de dissolution des Soulèvements de la Terre. Au-delà de l’aspect médiatique et manipulatoire de cette annonce destinée à dissimuler les premiers mensonges de Darmanin déjà révélés, celle-ci vient confirmer une fois de plus le caractère autoritaire et répressif de ce gouvernement et la nécessité de réagir à cette crise démocratique très grave qui menace nos droits et libertés.

Le week-end dernier, nous avons vécu et assisté à une répression criminelle, à un déchaînement de violences pour défendre un trou de terre. Des milliers (5000 au total) de grenades lacrymogènes, de désencerclement, de GM2L, et des tirs au LBD, des armes considérées comme des armes de guerre pour certaines, ont causé plus de 200 blessures importantes dont 40 avec des plaies, des fractures, et deux personnes entre la vie et la mort.

L’annonce de dissolution des Soulèvements de la Terre vient également confirmer que ce gouvernement fait le choix de réprimer un réseau majeur des luttes écologistes en France.

Au lieu de penser l’économie d’énergie, de réduire les émissions de gaz à effets de serre, de lutter contre la dégradation et l’artificialisation des sols ou de stopper nombre de grands projets inutiles, ce gouvernement poursuit ainsi sa politique capitaliste d’une manière toujours plus destructrice, décomplexée, et à besoin pour cela de réprimer dans le sang, de passer encore et toujours en force au risque de commettre l’irréparable.

Attac apporte et apportera tout son soutien aux blessé·es et aux Soulèvements de la Terre. Face à cette répression, organisons-nous collectivement aujourd’hui et demain !

Nous rejoignons donc l’appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h devant les préfectures du pays, en soutien aux personnes blessées.

Nous vous invitons également à suivre la dynamique des Assises Populaires pour nos libertés le 15 avril prochain à Paris, qui seront retransmises en direct et qui ont vocation à être déclinées en région.

Ne laissons pas passer l’inacceptable !

Attac France — 2023
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Attac France

21 ter rue Voltaire
75011 PARIS
France

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Réforme des retraites : la jeunesse forme les manifs

Malgré des chiffres en baisse, la dixième journée de mobilisation a rassemblé largement dans tout le pays. La contestation a notamment été revigorée par l’implication des jeunes, heurtés par l’usage de l’article 49.3 et les violences policières.

par Frantz Durupt et Olivier Monod

publié le 28 mars 2023 à 20h46

L’exécutif a beau le souhaiter très fort, le mouvement contre la réforme des retraites ne semble pas s’essouffler. Pour la dixième journée de mobilisation, mardi, 740 000 personnes ont défilé dans toute la France selon le ministère de l’Intérieur, dont 93 000 à Paris (contre «plus de 2 millions» et 450 000 selon les syndicats). C’est moins que le million de participants compté le 23 mars par la police, mais davantage que le point bas du 16 février, où ils avaient été 440 000. Dans certaines villes, comme Paris, Nantes et Bordeaux, ces rassemblements se sont conclus par des affrontements entre une partie des manifestants et la police. «Après deux mois d’un mouvement social exemplaire et inédit depuis cinquante ans, très largement soutenu par la population, et un parcours parlementaire chaotique, l’absence de réponse de l’exécutif conduit à une situation de tensions dans le pays qui nous inquiète très fortement», a déclaré l’intersyndicale, donnant rendez-vous le jeudi 6 avril pour une onzième journée de mobilisation.

«Peu de chances que tout ça se tasse»

L’affluence n’a pas ébranlé le gouvernement, aussi isolé que constant dans son refus de renégocier la réforme. Appelé par Laurent Berger à accepter une «médiation» avec les syndicats pour «trouver une porte de sortie», l’exécutif a décliné : «Nous saisissons la proposition […] de se parler, mais directement, nul besoin de médiation», a répondu le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Quant à la réforme des retraites, elle est exclue d’avance du champ de la discussion : «Il n’est pas possible de suspendre un texte tel qu’il a été voté», a réaffirmé, à l’Assemblée, le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Pour le secrétaire général de la CFDT, cette «insupportable» fin de non-recevoir pousse à «s’interroger sur qui veut vraiment le dialogue». Quelques heures plus tard, les syndicats recevaient toutefois une invitation de Matignon à s’asseoir autour d’une table «lundi ou mardi», a annoncé Laurent Berger mardi soir. Pour Simon Duteil, de Solidaires, «ça participe du storytelling et du tempo qu’essaie d’imposer le gouvernement. Nous, on prend le temps de discuter [entre syndicats]». Le leader de la CFDT a, lui, indiqué être favorable à ce rendez-vous, mais pour y discuter des retraites et du travail.

Les syndicats peuvent au moins constater ceci : depuis l’utilisation du 49.3 pour faire adopter la réforme sans vote à l’Assemblée, la contestation a été revigorée par l’irruption en son sein d’une jeunesse discrète dans les premières journées du mouvement. Au-delà de chiffres difficiles à confirmer – les syndicats revendiquaient 400 000 jeunes dans la rue ce mardi contre 500 000 jeudi –, une nouvelle classe d’âge fait son entrée dans la mobilisation, indignée surtout par une gouvernance jugée autoritaire et la question des violences policières.

«On a tous et toutes en mémoire le CPE [abandonné en 2006 après une intense mobilisation étudiante, ndlr] et on sait que quand il y a une telle mobilisation de la jeunesse, il y a peu de chances que tout ça se tasse», espère Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires. Un conseiller ministériel embraye, sur un mode forcément plus inquiet : «Le sujet aujourd’hui, c’est la jeunesse. Maintenant qu’elle est dans la rue, qu’est-ce que ça va donner ? La jeunesse, ça ne s’organise pas avec des syndicats et il n’y a pas trente-six mille leviers [pour l’apaiser], on ne peut plus faire de chèques. Elle nous attend sur le climat, le pouvoir d’achat au quotidien.»

«Convergence entre les causes»

Sociologue du politique, Vincent Tiberj évoque également une «sensation de bascule» : «Il y avait déjà en germe dans cette génération le mouvement pour le climat et le mouvement contre les violences policières suite à la mort de George Floyd. A cela s’ajoute désormais une lutte sociale. Il y a une convergence qui s’effectue entre ces trois causes», pointe-t-il. Par ailleurs, les chants empruntés aux gilets jaunes dans les cortèges et l’appropriation, en assemblée générale, des codes popularisés par le mouvement Nuit debout en 2016 lui font dire qu’«ils apprennent vite» : «Tout ce qui s’est passé ces dernières années ne leur a pas échappé.»

Ces analyses, les syndicats les reprennent sans problème, avec quelques nuances parfois. Ainsi Marie, une jeune juriste à la CGT croisée dans le cortège parisien, est travaillée par le sentiment que «le sursaut tient plus à la forme, l’absence de respect de la démocratie, l’instrumentalisation des institutions, qu’au fond, qui est le rejet de cette réforme.» Elle craint aussi que les jeunes «se soient déjà faits à l’idée qu’ils n’auront de toute façon pas de retraite». D’où l’importance pour les syndicats, insiste Alexis Torchet, secrétaire national de la fédération Sgen-CFDT (Education nationale), de savoir s’emparer de ce moment. «Ça engage aussi l’organisation syndicale. Comment on donne envie à ces gens de poursuivre dans cette voie ?»

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Paroles de jeunes manifestants contre la réforme des retraites : «Si on ne change pas les choses maintenant, ça ne changera jamais»

Entre 49.3, violences policières et colère contre Macron, les jeunes sont bien plus nombreux dans les manifestations qu’au début de la mobilisation contre la réforme des retraites. «Libération» est allé à leur rencontre ce mardi dans les cortèges, à Paris et en régions.

par Sarah Finger, correspondante à Montpellier, Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille, Sacha Nelken et David Darloy

publié le 28 mars 2023 à 20h02

Ils sont jeunes salariés, étudiants, lycéens. Certains manifestaient pour la première fois, d’autres se mobilisent depuis quelques jours. Sur leurs pancartes, ils dénoncent pêle-mêle la réforme des retraites, le 49.3, la manière de faire d’Emmanuel Macron, les violences policières, et s’inquiètent de l’avenir qui s’offre à eux. A Paris, Marseille, Rouen et Montpellier, Libération a recueilli la parole de la jeunesse qui se mobilise dans la rue.

Tristan, 21 ans, étudiant à l’université de Versailles Saint-Quentin

«Le 49.3 a été un vrai tournant»

«On est venu pour se battre contre la réforme des retraites mais surtout contre le 49.3. Ne pas faire voter une loi alors que tout le peuple est contre, c’est surréaliste. C’est un déni de démocratie. Vu que leur texte n’était pas sûr de passer, ils n’ont même pas osé prendre le risque de passer par le vote. Quelle honte. Le 49.3 a été un vrai tournant. On a réussi à bloquer notre fac qui n’avait plus été bloquée depuis le CPE en 2006 et qui est très peu politisée. C’est dire la colère que le gouvernement provoque dans la société. Sans compter les prises de parole d’Emmanuel Macron, qui sont au-delà de l’arrogance. Son discours très paternaliste et très infantilisant n’a qu’un seul effet : nous mobiliser et nous radicaliser face à lui. Notre but c’est de continuer comme ça parce qu’on sait que c’est la jeunesse qui peut faire bouger les choses aujourd’hui. Nous serons présents jusqu’au retrait de la réforme en bloquant les facs, en aidant les grévistes à bloquer leurs lieux de travail ou dans les manifestations. On va également se mobiliser jusqu’à la démission d’Elisabeth Borne et de son gouvernement. Ils ont peur. Comme s’ils savaient qu’à la fin c’est nous qui allons gagner.»

Dilan, 16 ans, lycéenne en 1re à Vitry-sur-Seine

«On veut montrer que la jeunesse est en colère»

«On est là pour s’opposer à la réforme des retraites, mais aussi au passage en force du gouvernement avec le 49.3. C’est ce qui nous fait le plus peur à nous les jeunes, car s’ils en arrivent à faire passer en force une loi d’une telle ampleur, on peut craindre que cela se généralise à l’avenir quoi qu’ils disent. Le 49.3 a choqué les jeunes. Ils se sont rendu compte qu’avec cet outil, il était possible de ne pas faire voter les députés et donc de ne pas prendre en considération les voix des citoyens. Ça fait peur ! En manifestant, on veut montrer que la jeunesse est en colère, qu’elle a son mot à dire, qu’elle pense aussi et qu’elle a envie de dire que notre modèle de société ne nous correspond pas. Si on n’a pas de moyen d’agir en votant, il nous reste les manifestations. Et puis on se bat aussi pour nos retraites. J’ai 16 ans aujourd’hui, on nous demande de travailler jusqu’à 64 ans, mais ça sera quoi à l’avenir pour notre génération si ça continue comme ça ? 70 ans ? On s’est battu pour l’avoir, on doit continuer pour la garder à un âge convenable.»

Raphaël, 26 ans, infirmier en réanimation à l’hôpital de la Timone, Marseille

«Si je ne bouge pas, je le regretterai plus tard»

«J’ai mis un peu de temps à franchir le pas, je ne suis pas syndiqué, mais là, j’ai la sensation que ça commence à faire beaucoup. Rien ne bouge, le gouvernement est insensible. Alors quand j’ai vu que la motion de censure ne passait pas, j’ai décidé de me lancer. Plusieurs lois sont déjà passées avec le 49.3, on s’éloigne à chaque fois du modèle démocratique. Vous transposez ça à n’importe quel pays du monde, un président qui fait ce qu’il veut en dépit de la volonté du peuple, on appellerait ça une dictature. Même chose pour l’attitude de la police dans les manifestations parisiennes. J’ai signé la pétition pour l’interdiction de la Brav-M. Ce n’est plus du maintien de l’ordre, c’est de la répression ! Je vais voir comment la mobilisation évolue, mais de mon côté, je continuerai à manifester tant que cette réforme ne sera pas supprimée. Si moi maintenant je ne bouge pas, je le regretterai plus tard.»

Moinamina, lycéenne en 1re à Marseille

«Je veux montrer qu’il ne faut pas avoir peur»

«Ça fait un moment qu’il y a des blocus dans mon lycée. Jusque-là, je n’allais pas en cours, mais je ne manifestais pas. C’est le 49.3 qui a tout déclenché. Si je suis là, c’est surtout pour mes parents. Mon père est électricien, je n’ai pas envie qu’il travaille jusqu’à sa mort. Oui, ça sert encore à quelque chose de se mobiliser. De toute façon, ils vont la faire, cette réforme, alors marcher, ça veut au moins dire qu’on n’est pas d’accord. L’autre raison qui m’a poussée à venir, c’est que les personnes de couleur noire peuvent avoir peur d’aller manifester, à cause des violences policières. Je veux montrer qu’il ne faut pas avoir peur. Ces violences ne font qu’aggraver le sentiment d’injustice. On voit le ministre à la télévision dire que les policiers ne lancent que des grenades lacrymogènes, un mensonge supplémentaire puisque des vidéos montrent le contraire. Il faut se mobiliser parce que si on laisse faire, si on ne change pas les choses maintenant, alors ça ne changera jamais.»

Margaux, 19 ans, étudiante en première année de droit à Rouen

«On est concernés aussi»

«Aujourd’hui, c’est la première fois que je suis dans la rue pour le mouvement. Avant j’avais des examens et c’était ma priorité. Il faut montrer que les jeunes sont aussi concernés. Beaucoup disent l’inverse mais ce n’est pas vrai, on est concernés aussi. Je suis dans la rue aujourd’hui pas uniquement pour mes parents mais aussi pour nous. Ce n’est pas possible de passer un texte alors que personne ne le veut. Ce qu’il [Macron] a fait pour la réforme des retraites ne me rassure pas du tout pour l’avenir. Il se dit qu’il n’a plus rien à perdre, il ne peut pas faire un troisième mandat. Qu’est-ce qu’il va faire après, s’il fait ça maintenant ? Il a été élu, mais pour beaucoup c’était par dépit, pour faire barrage à l’extrême droite. Et maintenant les gens ont de plus en plus de haine contre lui. J’aimerais bien que Macron nous écoute. Les gens manifestent depuis plusieurs semaines. Il dit qu’il entend notre colère mais ce n’est pas vrai, il ne l’entend pas, il fait l’autruche. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, il est Président, il ne peut pas faire ça.»

Olivia, 17 ans, lycéenne en terminale à Rouen

«Ma colère est globale»

«C’est la deuxième fois, depuis le 49.3, que je viens à une manifestation contre la réforme des retraites, mais ça fait longtemps que je m’intéresse à la cause de ce mouvement, que je la défends. Je ne travaille pas encore, mais quand je vois mes parents qui se démènent pour essayer d’avoir une retraite décente, ça me révolte. Aujourd’hui, ma colère est globale. Ce 49.3, qui va totalement à l’encontre de la démocratie, est scandaleux, c’est totalement injuste d’avoir réalisé ce coup de force. J’ai une vision un peu pessimiste de mon avenir. Je ne vois pas vraiment un futur où il pourrait y avoir des avancées sociales. J’aimerais qu’on nous respecte plus en tant que citoyens et citoyennes, qu’on entende nos revendications, notre parole. Que l’on respecte la démocratie surtout. En tant que jeune, j’ai la parole en manifestant mais pour moi ce n’est pas suffisant. Ça se voit, le gouvernement fait ce qu’il veut et ne veut pas nous écouter. Il joue avec nous, et a mon sens c’est un jeu dangereux car le mécontentement des gens est tellement énorme que les violences ne font qu’augmenter et ça va dégénérer.»

Adonis, 22 ans, étudiante en archéologie à Montpellier

«Le monde qu’on nous propose fait peur»

«L’archéo c’est très physique, on bosse toute sa vie sur le terrain. Ces chantiers se rapprochent du BTP : avec des pelles, des pioches, on creuse, on fouille toute la journée, accroupi, en plein soleil, et on est vite cassés. Même à mon âge, je le vois : après deux semaines de chantier, c’est compliqué… Qu’est-ce qu’on fera quand notre corps ne pourra plus fouiller ? A 64 ans, c’est juste impossible. Le monde qu’on nous propose fait peur. C’est bien d’être passionné, mais pas à n’importe quel prix. Après cinq ans d’études, on sera payés au Smic parce qu’il n’y a plus d’argent dans la recherche, les labos, les universités. Je bosse déjà sur des fouilles programmées, tous les étés, sans être rémunérée. Certains finissent leur thèse en travaillant à l’usine ! Et aller jusqu’à la thèse, ça veut aussi dire repousser l’âge de sa retraite. Pour nous, les CDD vont s’enchaîner jusqu’à ce qu’une place se libère… Oui, la retraite c’est loin, mais je me sens concernée, il s’agit de mon avenir. Et puis, le 49.3 m’a donné la rage de me mobiliser encore plus. Alors ce matin je bloque ma fac, ensuite je manifeste… et après je vais bosser sur mon mémoire.»

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Sainte-Soline : Darmanin demande la dissolution des Soulèvements de la Terre

Pour le porte-parole de la Confédération paysanne, l’annonce du ministre de l’Intérieur est une manière de «souffler sur les braises d’une manifestation très mal gérée». Ce mardi, le pronostic vital de deux participants au rassemblement anti-bassines était encore engagé, selon le parquet de Niort.

par Pauline Moullot

publié le 28 mars 2023 à 18h30

Gérald Darmanin a annoncé ce mardi, lors d’une séance de questions au gouvernement, «engager la dissolution des Soulèvements de la Terre». Le collectif était co-organisateur de la manifestation ce week-end, aux côtés de Bassines non merci, de la Confédération paysanne et 200 organisations partenaires. Ce mardi après-midi, le pronostic vital de deux manifestants de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) était encore engagé, selon le parquet de Niort.

Citant des «événements inqualifiables» et rappelant qu’au cours de la manifestation du 25 mars près de 200 participants selon les organisateurs et 47 gendarmes selon la préfecture ont été blessés, le ministre de l’Intérieur a déclaré avoir constaté «l’extrême violence de certains groupuscules dont les services de renseignement démontrent qu’ils sont à la fois fichés par les services de renseignement, parfois depuis de très nombreuses années, et qui sont responsables d’une grande violence». Pour justifier cette demande de dissolution, il a ensuite décrit «plusieurs envahissements d’entreprises, plusieurs exactions fortes contre les forces de l’ordre, plusieurs destructions de biens, des centaines de gendarmes ou de policiers blessés, plusieurs appels à l’insurrection».

«Violence inouïe et préméditée»

«La priorité va au soutien aux blessés et à l’opposition aux violences policières», a réagi auprès de Libération Benoît Feuillu, porte-parole des Soulèvements de la Terre (SLT), alors que les organisations à l’origine de la manifestation ont lancé cet après-midi un appel au rassemblement jeudi devant les préfectures. Selon le militant, l’annonce de Gérald Darmanin est «une diversion du ministère de l’Intérieur pour tenter de se dédouaner de la violence inouïe et préméditée qu’il a fait subir à des milliers de manifestants samedi 25 mars, au risque de les tuer». Le porte-parole de la Confédération paysanne, Nicolas Girod, considère lui aussi que cette dissolution «souffle sur les braises d’une manifestation très mal gérée par le ministère de l’Intérieur. Ce n’est pas ça qui va amener une réponse satisfaisante aux gens qui se sont déplacés samedi et qui alertent depuis un moment sur l’accaparement de l’eau, le changement climatique et le défi écologique.»

«Quelles que soient les menaces de dissolution sur les Soulèvements de la Terre, l’urgence vitale à agir concrètement pour faire face à l’inaction climatique du gouvernement et à des projets écocidaires ne va pas s’arrêter», poursuit Benoît Feuillu, qui rappelle que son organisation est «un mouvement dans lequel s’engagent des dizaines d’organisations, syndicats, fermes collectifs locaux». «Si monsieur Darmanin prétend réellement dissoudre le mouvement des Soulèvements, il va falloir qu’il fasse disparaître une bonne partie des mouvements écologistes et paysans qui s’engagent aujourd’hui sur le champ politique dans ce pays», avertit-il.

«Black bloc», «white bloc», «blue bloc»

Dans une note du ministère transmise à la presse, il est notamment reproché aux SLT d’avoir «développé une doctrine qui vise à présenter les opérations de sabotage qu’elle initie ou conduit comme un moyen de défense de l’environnement», d’avoir partagé après le début du chantier de Sainte-Soline les coordonnées téléphoniques des entreprises participant aux travaux de construction de cette bassine pour une «action téléphonique massive», et enfin d’avoir «élaboré une organisation inspirée des codes des “black bloc” afin de mener à bien ses actions violentes tout en préservant l’anonymat de ses membres». Pour étayer ce dernier argument, la note du ministère indique que, «lors des manifestations initiées ou conduites par les SLT, les activistes apparaissent masqués, porteurs de combinaisons blanches ou blouses, de cagoules et formant un “white bloc” ou un “blue bloc”», et qu’au moment où des dégradations sont commises sur les manifestations, les activistes «sont équipés de masques à gaz, de parapluies, porteurs de cagoules et combinaisons et armés de pierres, mortiers, cocktails Molotov ou autres boules de pétanque». Si ces pratiques sont en effet répandues chez les membres du black bloc, elles ne sont pas propres aux seules mobilisations organisées par les SLT et peuvent parfois être constatées lors de manifestations plus «traditionnelles». «Ce faisant, SLT joue un rôle majeur dans la conception, la diffusion et l’acceptation de modes opératoires violents, favorisant et valorisant ainsi le processus de radicalisation d’une partie de la mouvance écologiste et d’ultragauche», conclut le ministère.

Le collectif des Soulèvements de la Terre, partisan de la radicalité, a rejoint la lutte contre les bassines en septembre 2021. Benoît Feuillu, habitant de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et militant des SLT, expliquait à Libération en novembre dernier que le collectif, porté par des figures de la lutte contre l’aéroport, avait rejoint la lutte contre les bassines en septembre 2021, lors de la première manif d’ampleur.

«Ecoterrorisme»

Assumant de s’affranchir de la légalité, «il faut remettre à sa place la question de la violence, qui est du côté de ceux qui sont en train de ravager l’environnement», expliquait Benoît Feuillu à propos des débats qui avaient déjà suivi la mobilisation de Sainte-Soline en octobre dernier, alors que Gérald Darmanin avait déjà qualifié ces actions «d’écoterrorisme». Le mouvement revendique en effet la légitimité de certaines actions de sabotage en réponse à l’inaction du gouvernement : «le sentiment que le gouvernement ne fait pas ce qu’il devrait faire, beaucoup plus fort qu’il y a dix ans. Quand on a commencé à se battre, la crise climatique était déjà là, mais là, l’urgence à agir a décuplé», soulignait alors Benoît Feuillu. Il précisait : «On ne va jamais viser une personne ou une ferme.»

Après son annonce de ce mardi, le ministre de l’Intérieur a ajouté qu’il présenterait lors d’un prochain conseil des ministres un décret de dissolution à l’issue de la procédure contradictoire.

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Retraite : 10ème journée de manifestation

De nombreuses manifestations ont jalonné ce mardi 28 mars pour la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites à l’appel de l’intersyndicale. Le nombre de manifestants et manifestantes étaient en nette régression, plus de deux millions selon la CGT,740 000 selon la place Beauvau. Les enseignants étaient aussi beaucoup moins nombreux à être en grève mais la situation ne semble pas alarmer les organisations syndicales de l’éducation. « Lors de mobilisations sur le long cours, comme celle-ci, il est normal qu’il y ait des fluctuations d’intensité» argue Jules Siran, co-secrétaire fédéral de Sud éducation. « Cette baisse ne signifie en aucune cas une baisse de la détermination des enseignants ».

 

Matignon a opposé une fin de non-recevoir à la main tendue de l’intersyndicale qui proposait de mettre en suspens la mesure des 64 ans et de nommer une médiation. « On n’a pas besoin d’intermédiaires ou de médiateurs pour se parler » a répondu Olivier Véran à l’issue du Conseil des ministres.

« Ils se foutent de nous » s’exaspère Nicola, professeur de mathématiques. « On leur offre une porte de sortie, mais ils la balaient d’un revers de main. Ca devient de plus en plus compliqué financièrement, mais on lâchera rien » ajoute l’enseignant qui défilait dans le cortège parisien. Linda, professeure d’EPS, manifeste mais n’est pas en grève, « c’est tout bonnement impossible financièrement » assure la jeune femme.

Le faible taux de grévistes n’alarme pas les organisations syndicales. « Il était difficile de rempiler aussi vite après le 24 mars, surtout dans le premier degré avec les déclarations d’intention de grève » souligne Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa. « Cela commence à faire beaucoup de journées, d’un point de vue financier mais aussi pédagogique car, surtout en lycée, les professeurs savent que leurs élèves doivent avoir fini le programme pour passer le bac, cela pèse sur la prise de décision. Pour autant, Il n’a ni résignation, ni acceptation. Les enseignants sont toujours aussi remontés, surtout depuis le 49-3 ».

Même analyse chez Sud éducation. « Baisse du nombre de grévistes ne signifie pas baisse de la détermination » assure Jules Siran, co-secrétaire fédéral de SUD éducation. « Les collègues restent très mobilisés contre le projet de loi. Dans une mobilisation sur le long cours, comme celle-ci, il y a des fluctuations d’intensité. Les deux premières journées étaient très fortes, ça ensuite baissé. Le 7 mars, rebelotte, grosse mobilisation… Ce qui compte c’est le nombre d’enseignants qu’il y a dans la rue. Nous restons confiants. Et puis, un tiers d’enseignants dans la grève, sur une si longue mobilisation, cela reste significatif ».

Les jeunes dans la rue

Dans le cortège parisien, Mick, 17 ans, les manifestations, il découvre. « Ce matin, on a bloqué notre lycée à Montreuil et là on est venu en groupe pour manifester ». Lorsqu’on l’interroge sur les raisons de sa mobilisation, les retraites arrivent bien après des revendications liées à la réforme du bac ou à un potentiel SNU obligatoire. « Bien entendu, la réforme, cela nous concerne. Mais c’est plus général. Y en a juste ras-le-bol que ce gouvernement reste sourd à la rue ». « On est bien loin des cours d’EMC, où on apprend ce que signifie la démocratie » raille-t-il. Méline qui l’accompagne et qui a « 15 ans tout juste » a souvent manifesté avec ses parents « qui sont très engagés ». Pour elle, impossible de reculer. « On peut plus lâcher maintenant, le premier qui flanche aura tout perdu. S’ils gagnent, ils vont se sentir hyper puissants, on pourra plus s’opposer à toutes leurs lois racistes (Ndlr :la jeune fille fait référence à la loi sur l’immigration) et liberticides. On ira jusqu’au bout, on a pas le choix, c’est un enjeu démocratique ». Marie, retraitée depuis plus de cinq ans, et qui manifestait au côté des jeunes acquiesce, « on ne peut pas laisser passer cela, pire que la retraite, c’est la démocratie qu’ils foulent du pied ». « Ca a du bon de voir la jeunesse dans la rue, c’est de leur avenir qu’il s’agit » ajoute la septuagénaire.

Et les jeunes sont bien dans la rue. « Ce mardi 28 mars, c’est plus de 500 lycées bloqués par les lycéennes et lycéens, qui portent un nouveau visage au mouvement contre la réforme des retraites » indique la FIDL dans un communiqué de presse. « Ce nouveau visage se traduit par de la joie et de l’espérance, quand on sait que nous pouvons tout faire basculer. Comme la semaine dernière, c’est une mobilisation historique qui dépasse toutes nos estimations ! »

L’intersyndicale appelle à une nouvelle mobilisation jeudi 6 avril.

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Une proposition de loi pour mettre fin à la déclaration d’intention de grève

Les députés Léo Walter et Sébastien Rome ont déposé une proposition de loi visant à abroger la déclaration d’intention de grève des enseignants du primaire 48h avant le jour j, sans toutefois supprimer le SMA.

Afin de justifier cette proposition, les députés dressent l’état des lieux de l’application de la loi de 2008 obligeant chaque enseignant du premier degré à se déclarer gréviste 48 heures à l’avance, ce qui entraine parfois des horaires d’envoi assez loufoques (déclaration à envoyer au plus tard le samedi à 23h59 par exemple…)

« Nous constatons une très grande disparité d’application sur le territoire, tant dans la procédure de déclaration d’intention de grève que dans l’accueil des enfants ou l’information des parents » écrivent-ils. Léo Walter et Sébastien Rome dénoncent aussi les conditions d’accueil des enfants dans le cadre du SMA. « La mise en place dans se fait parfois sans aucune vérification du fichier FIJAIS (ndlr :  Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes) ».

« Dans le Gard, une plateforme numérique a été mise en place alors que dans les Pyrénées-Orientales, un simple mail de déclaration suffit » remarquent-ils . « En revanche, dans l’Hérault, un formulaire à imprimer, à remplir et à signer est nécessaire. Dans ces trois départements d’une même académie, trois procédures qui n’impliquent pas le même accès au droit de grève et contribuent à des charges administratives différentes pour les enseignants, les directrices et les directeurs d’école, les inspections de l’Éducation nationale, les mairies ».

« À ces différences territoriales, s’ajoutent les différences de traitement entre professeurs du premier degré et du second degré » ajoutent les élus. « Ces derniers ne sont pas soumis à la déclaration d’intention, ce qui permet tout autant de garantir le droit de grève et l’information des familles. Alors même que les inégalités salariales persistent entre ces professeurs ayant un même statut, il est urgent de rétablir l’égalité en alignant le premier degré sur le second degré ».

Les articles :

L’article premier supprime toutes les dispositions impliquant une déclaration d’intention de grève par les enseignants du premier degré, 48 heures à l’avance, pour l’organisation du service minimum, afin de permettre aux enseignants de restaurer un dialogue de confiance avec les parents et les communes.

L’article 2 adapte le service minimum d’accueil en précisant qu’il peut être mis en place par les communes ou les établissements public de coopération intercommunale dès le qu’un enseignant est absent, ce qui permet de lever tout risque juridique pour les communes.

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Une loi sur le harcèlement au Sénat

La sénatrice Les Républicains Marie Mercier fait une proposition de loi pour lutter contre le harcèlement scolaire, « un fléau » en France. « En France, près d’un million d’élèves seraient victimes de harcèlement, soit environ 10 % d’entre eux » indique l’élue. « Ces violences perdurent bien souvent en dehors du cadre éducatif par le biais des nouvelles technologies et des réseaux sociaux… Ses conséquences sont graves tant elles portent atteinte à l’intégrité de ces enfants. Elles peuvent parfois virer au drame puisqu’elles conduisent de jeunes victimes à mettre fin à leurs jours. Tout doit être mis en œuvre pour remédier à cela ».

Pour la Sénatrice, une des solutions pour lutter contre le harcèlement est de « prendre une mesure d’éloignement du harceleur, sans oublier qu’il a lui-même besoin d’un accompagnement pour comprendre ses actes ». « Trop souvent la victime de harcèlement scolaire doit être déscolarisée. La situation est alors vécue comme une double peine : c’est à la victime de quitter l’établissement et son environnement pour échapper à son harceleur. Les parents de la victime sont ceux qui doivent s’adapter à ce changement ».

Pour l’élue, il s’agit d’adjoindre les établissements à utiliser les procédures disciplinaires existantes. « Il s’agit donc bien d’affirmer une position de principe, de guider et de soutenir les établissements dans leur prise de décision dans la mesure où de trop nombreux témoignages démontrent des situations contraires » conclut-elle.

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L’intersyndicale déterminée donne rendez-vous le 6 avril

L’intersyndicale déterminée
donne rendez-vous le 6 avril
À l’appel de l’intersyndicale ce sont plus de deux millions de travailleuses et travailleurs, jeunes et
retraités qui se sont mis en grève et ont manifesté. Le monde du travail s’est une nouvelle fois mobilisé
dans toute la France de façon massive et déterminée, pour le retrait de la réforme des retraites. La
jeunesse a encore une fois été très présente dans les mobilisations.
Après deux mois d’un mouvement social exemplaire et inédit depuis 50 ans, très largement soutenu par la
population, et un parcours parlementaire chaotique, l’absence de réponse de l’exécutif conduit à une
situation de tensions dans le pays qui nous inquiète très fortement.
En ne répondant pas à la demande de retrait, en usant du 49.3, l’exécutif a fait le choix d’accentuer la
crise démocratique et sociale. Pourtant, dès le début, les organisations syndicales et de jeunesse avaient
prévenu l’exécutif du risque d’explosion sociale que pouvait provoquer cette reforme injuste, injustifiée et
brutale.
Le gouvernement a la responsabilité de garantir la sécurité et le respect du droit de grève et de manifester.
Alors que le calme a toujours caractérisé le mouvement, l’intersyndicale déplore le nombre de blessés.
Depuis des semaines, nos organisations ont fait preuve d’une grande responsabilité. Aujourd’hui encore,
nous demandons au gouvernement de prendre la sienne.
L’intersyndicale soutient les mobilisations, manifestations, les actions intersyndicales et grèves qui
perdurent depuis janvier. Elle appelle les millions de travailleurs et travailleuses, les jeunes et les
retraité.es à continuer de se mobiliser.
Elle appelle à des rassemblements syndicaux de proximité définis localement et à une nouvelle grande
journée de grève et de manifestations le jeudi 6 avril partout dans le pays.
L’intersyndicale se réunira prochainement.
Le 28 mars 2023

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Au congrès de Clermont-Ferrand, une CGT plus désunie que jamais. Médiapart

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).– « On est la CGT, vous êtes la CGT », chantent en chœur des centaines de syndiqué·es, reprenant un slogan devenu très populaire depuis son apparition sur TikTok. Ils viennent de Pantin, de Saint-Étienne, du Gers, de la Meuse ou de la Côte d’Azur, et, ce mardi matin, ils se sont absentés du 53e congrès de la confédération qui a lieu dans l’agglomération de Clermont-Ferrand pour grossir les rangs de la manifestation, en cette dixième journée de mobilisation intersyndicale et interprofessionnelle contre la réforme des retraites.

La CGT y est unie comme un bloc. En tout cas, le temps du cortège. Pourtant, depuis la veille, les congressistes s’écharpent. Quelques heures plus tard, chose rare, les délégué·es voteront même contre le rapport d’activité présentée par la direction.

Il est bientôt 10 heures, ce mardi 28 mars, et la centrale pousse Marie Buisson, successeure désignée de Philippe Martinez, devant les nombreuses caméras. Or, c’est le secrétaire général qui est largement interrogé lors de la conférence de presse. « Comme on l’a décidé en intersyndicale, on a proposé une nouvelle fois au président de suspendre son projet, de mener une médiation, déclare Philippe Martinez. Comme dans tous les conflits sociaux qui durent, on essaye de trouver une solution. Nous allons écrire au président pour faire cette proposition par écrit. » Reprenant presque mot pour mot la proposition de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT… Sans que cela ait été débattu au sein de la CGT, ni au sein de l’intersyndicale, qui devait se réunir de nouveau mardi soir.

La dauphine désignée de Philippe Martinez, Marie Buisson, affiche, elle aussi, un sourire serein dans le carré de tête de la manifestation et préfère répondre aux questions sur la réforme des retraites qu’à celles concernant le congrès de la CGT : « C’est un congrès de la CGT en fait, avec des militantes et des militants qui ne sont pas d’accord sur tout mais qui sont capables de venir à mille ce matin manifester contre la réforme. »

La décision de reporter les débats du matin pour se rendre en manifestation ce mardi 28 mars est d’ailleurs bien la seule décision consensuelle de ce début de congrès.

Les retraites avant le congrès

La dissension que vit la CGT est au cœur de toutes les discussions des congressistes, mais du côté des syndiqué·es du Puy-de-Dôme, l’urgence est plutôt au retrait de la réforme. Pascal, salarié de la direction des travaux de l’hôpital de Clermont-Ferrand et Alain, ambulancier, eux, n’ont pas regardé les débats. Ce matin, ils manifestent ici, ce soir, ils manifesteront à Issoire, à quelques kilomètres de là. Elle est là leur priorité. « J’ai mal partout, on force pendant des années, je suis cassé. Moi, j’irai jusqu’au bout pour que la réforme soit retirée », assure l’ambulancier, qui a enchaîné les dix journées de mobilisation.

Les deux sont syndiqués depuis plusieurs dizaines d’années à la CGT. Ils se préoccupent peu des débats animant le congrès mais souhaitent surtout que la centrale ne se fonde pas dans l’intersyndicale et « reste un syndicat de lutte de classes, qu’elle garde son âme de défense des salariés », comme le dit Pascal. « Nous, on n’a pas à être des réformistes. La lutte des classes, ce n’est pas dépassé. »

Théa et Éva, 18 ans et étudiantes en première année d’un cursus de tourisme, manifestent pour la première fois contre la réforme des retraites. Hier soir, elles ont fabriqué des pancartes reprenant des références populaires sur Internet. « C’est ça qu’on appelle le multiverse », lit-on sur l’une d’entre elles. « Ce qui se passe est aberrant, débute Théa. Le multiverse c’est un monde parallèle et là on a l’impression d’être dans un monde parallèle. Je pense à mes parents, mon père est facteur et ma mère est à la Banque postale. Ils n’ont même pas 50 ans et ils ont déjà mal partout. Mal au dos, mal au cou. Ma mère passe sa journée debout à piétiner, elle n’en peut plus. »

Elles sont prêtes à bloquer leur fac, à manifester une nouvelle fois, pour la retraite de leurs parents mais aussi pour la leur. Elles discutent, suivent les prises de parole, heureuses d’en « faire partie ».

Les chasubles rouges déferlent dans la ville, visiblement plus nombreux que ceux de la CFDT ou de la FSU, encore plus que d’habitude. 35 000 Clermontois·es ont manifesté selon les syndicats, 11 000 selon la police. Dont Régine, un sticker CGT sur le cœur. Elle chante, le poing levé, les couplets de L’Internationale. Ancienne salariée de Michelin, elle est partie à la retraite à 60 ans, il y a quatre ans, et se souvient de la joie qui fut la sienne le jour de son pot de départ.

« Depuis, je voyage avec les copains, je m’occupe des petits-enfants, je pêche, je fais des randonnées, des repas. On est un groupe de retraités très gais, explique-t-elle, montrant du doigt ses amies. Mais on est aussi très en colère contre le coup de force de Macron. Alors on est là pour la retraite de nos enfants, de nos petits-enfants. » En fin de course, elle confie dans un sourire ne jamais avoir été syndiquée à la CGT. Si elle manifeste aux couleurs de la confédération, c’est parce qu’elle s’estime proche de la CGT, « c’est un syndicat qui défend les travailleurs ». Et de filer vers la buvette où ses « camarades » l’attendent.

Un congrès à l’ambiance électrique

L’ambiance est beaucoup moins enjouée au congrès de la CGT, mardi après-midi. Dans les bus de retour de la manifestation, les congressistes rangent les drapeaux et se préparent à une autre confrontation.

De retour dans la Grande Halle d’Auvergne à Cournon-d’Auvergne, où se déroulent les débats, la confédération se montre profondément désunie, presque disloquée. La direction a été mise en minorité sur le rapport d’activité qui vient solder quatre années de mandature : 50,32 % des délégués ont voté contre le bilan porté par la confédération, « du jamais-vu ». D’habitude, ces rapports sont votés à 70 % ou plus, même en temps de tempête interne.

Le désaveu n’est pas seulement celui de la moitié des congressistes mais aussi des milliers de syndiqué·es dont ils ont le mandat. C’est près de la moitié des syndicats composant la CGT qui ont opposé une fin de non-recevoir à la direction sortante.

L’après-midi, comme la veille, s’affrontent les soutiens de Marie Buisson, soutenue par la direction sortante, et ceux de Céline Verzeletti, qui assume désormais être candidate, et ceux d’Olivier Mateu, charismatique représentant de l’union départementale des Bouches-du-Rhône, qui a cependant peu de chance d’accéder au poste de secrétaire général. Au vu de la tournure des débats, la désignation de Céline Verzeletti, en forme de motion de synthèse, paraît de plus en plus probable.

Au-delà des personnes, c’est surtout des lignes politiques différentes qui s’affrontent, avec des points de fracture nombreux : le rapport du syndicat aux ONG écolos, les décisions prises par la commission violences sexistes et sexuelles de la confédération, les modalités de la poursuite du mouvement des retraites et surtout le fonctionnement de la CGT, jugé par beaucoup peu démocratique.

Depuis deux jours, les vociférations fusent, toujours accompagnées de précautions linguistiques du type « cher camarade », les décisions sont prises à de très courtes majorités, sous les huées ou les applaudissements, quand la tribune n’est pas carrément envahie par des mécontents.

N’arrangeant rien aux affaires de la direction sortante, l’opposant Olivier Mateu pourra finalement se présenter sur la liste de la commission exécutive confédérale (CEC), direction d’une soixantaine de personnes parmi lesquelles seront désignés les dix membres du bureau confédéral, dont le ou la secrétaire générale. Et cela, bien que son organisation, l’union départementale des Bouches-du-Rhône, n’ait pas présenté un binôme fait d’une femme et d’un homme. Ce qui paraissait impossible avant le début du congrès l’est devenu, sur décision de la majorité des congressistes.

Dès 14 heures, à la reprise des débats sur le rapport d’activité, le Syndicat national des journalistes de la CGT s’est approprié le micro, mettant fin à des débats qui n’ont pas encore commencé. Il s’insurge du sort réservé à Ludovic, l’un des rédacteurs du journal de la CGT, Le Peuple. « Ludovic a été congédié hier, explique Pablo Aiquel, du SNJ-CGT. On lui a demandé de rentrer à Montreuil parce qu’il avait le discours de Marie Buisson et il l’a donné à un collègue de l’Humanité pour qu’il puisse commencer à faire son travail [avant que ce discours n’ait été prononcé – ndlr]. Quelqu’un a pris en photo l’ordinateur du directeur de l’Huma. Et on a dit à Ludovic qu’il n’avait pas à donner ce discours à un autre journaliste. Pour nous, c’est inacceptable. » Une dizaine de journalistes de la CGT sont ensuite descendu de la tribune, qu’ils avaient momentanément occupée, sous les applaudissements nourris de la salle.

L’incident peut paraître anecdotique, mais les accrocs de ce type ont été nombreux en seulement deux journées de congrès, démontrant un très haut niveau de tension.

Par la suite, c’est la proposition formulée par le tandem phare de l’intersyndicale (Martinez-Berger) qui a mis en émoi les congressistes. « Camarade Philippe Martinez, qui t’a donné mandat pour parler de médiation alors que les travailleurs sont la rue ? », interroge, sous les applaudissements, Murielle Morand, de la Fédération nationale des industries chimiques. Plusieurs autres poseront la même question. Le ton est donné pour tout le reste de l’après-midi.

C’est dans cette ambiance que les débats avaient débuté au premier jour du congrès, le 27 mars. « C’est le bordel », est peut-être l’expression la plus entendue dans les allées du Zénith.

De nombreux incidents

En effet, la journée a été rythmée par les huées, les discours sifflés comme les applaudissements, quelques coups ont même été échangés. Bien loin du « moment de sororité, de fraternité, de débat » que présentait Marie Buisson en introduction.

Avant même le début des discussions, une dizaine de militants de la fédération commerce distribuaient un tract à l’entrée de la salle, contestant le choix des délégués les représentant. Pour rappel, lors de ce congrès, mille délégués représentent quelque six cent mille syndiqués et sont désignés à la fois par les fédérations professionnelles et les unions départementales.

Sauf qu’entre l’union départementale de Paris et la fédération du commerce, aucune entente n’a été trouvée… Jusqu’à aller devant le tribunal judiciaire de Paris qui, dans une ordonnance de référé rendue le 23 mars, a déclaré irrecevables les demandes de la fédération du commerce.

Ce sont donc les neuf délégués défendus par l’union départementale qui obtiennent le sésame, le badge bleu des congressistes. Les délégués alternatifs, au nombre de huit et défendus par la fédération commerce, restent à la porte, littéralement. Une affaire picrocholine qui a, pourtant, animé la première heure du congrès.

Les syndiqués privés de débats ont tenté de forcer l’entrée, alors qu’une prestation artistique était donnée. Une salle, deux ambiances. Les organisateurs les en ont empêchés, avec vigueur.

« Se bagarrer comme ça, c’est une honte pour la CGT », souffle, émue, celle qui s’est pris le premier coup, Ratiba Hammache, secrétaire de l’Union syndicale du commerce et des services du Rhône. En face d’elle, celui qui les lui a donnés. « Il n’a pas fait exprès, assure la militante. Mais les règles démocratiques n’ont pas été respectées par la confédération. Magouille et compagnie, on se bat pour les huit exclus. » 

« C’est un sketch tout ça, commente un fin connaisseur de la CGT présent sur place. Ça fait vingt ans qu’il y a des conflits dans cette fédération. » D’autres estiment, en « off », que cette « mise en scène » serait aussi le fait des opposants à la direction sortante, profitant de chaque conflit pour se jauger, se compter, avant le vote désignant la commission exécutive confédérale (CEC).

Un autre délégué est resté à la porte, celui de la toute petite fédération de la police. La commission a aussi dû s’expliquer sur son exclusion du congrès, mais a fini par lui en autoriser l’accès, en tant qu’observateur.

L’opposition se compte

Sur chaque point, même les plus anecdotiques, l’opposition à la direction sortante s’est fait bruyamment entendre, une opposition faite à la fois des soutiens de Céline Verzeletti et d’Olivier Mateu. Les fédérations des cheminots, des électriciens et des gaziers, de la pétrochimie, ainsi qu’une partie de la fédération commerce, de celle des services publics ou de la santé ont été les plus remuantes.

C’est à seulement huit voix d’écart que la commission « mandats et vote » a été élue par le congrès, lundi 27 mars. D’ailleurs, deux votes ont dû être organisés puisque, visiblement, la confédération s’est permis, la première fois, de compter les votants comme elle compte les manifestants : à la louche. Le deuxième vote, compté, fut très serré. Parmi ceux qui ont voté contre, le dirigeant de la puissante fédération de la chimie, Emmanuel Lépine, n’a pas caché ses motivations : « On est bien dans un coup d’État au sein de la CGT… La commission est arrangée avant le début du congrès donc on peut soupçonner toute magouille qui peut se passer derrière, au niveau des votes. Ils vont les fausser. »

La direction sortante, qui avait débuté le congrès avec assurance, a ainsi de quoi s’inquiéter. Mardi soir, le congrès a pris fin à 18 heures. Une fois les lumières éteintes, un rectangle rouge continuait de faire défiler des mots clés : « Reconquête »« Fédéralisme »  ou encore « Rupture ».

Khedidja Zerouali  

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Un smartphone à soi, à quel âge ? Comment nos enfants abordent le numérique de plus en plus tôt

Une récente enquête révèle que les parents, bien que conscients de l’importance de l’accès à Internet pour leurs enfants, restent préoccupés par les risques qui y sont associés.

Alors qu’ils étaient enfants, les millennials ont connu l’arrivée d’Internet dans leurs foyers et sa généralisation rapide. Si son utilisation leur est désormais « presque » indispensable maintenant qu’ils sont adultes, c’est aussi de plus en plus le cas pour leurs progénitures. Cependant, que ce soit dans les années 90 ou dans la décennie actuelle, le temps passé devant les écrans par les plus jeunes reste un sujet de débat, et même d’inquiétude, pour la société.

Les parents, sensibles aux enjeux liés aux smartphones

Une étude menée par Harris Interactive a révélé que 70 % des 6 à 11 ans possèdent leur propre smartphone, un chiffre qui a considérablement augmenté depuis la démocratisation de ces appareils, et ce, sur toutes les tranches d’âge de la population. Paradoxalement, 84 % des parents pensent que leurs enfants ne devraient pas en avoir avant l’âge de 12 ans.

En effet, l’utilisation de ces appareils par ceux-ci est une source d’inquiétude. Les parents craignent qu’ils soient exposés à des contenus inappropriés, au cyberharcèlement ou à la désinformation. De plus, s’ils redoutent les conséquences potentielles de l’utilisation d’Internet, en général, sur la santé physique et mentale des jeunes, c’est aussi le temps passé devant les écrans qui est mis en avant. D’ailleurs, aussi interrogés, les plus jeunes expriment des difficultés à s’arrêter une fois lancés sur le web.

Cependant, malgré ces inquiétudes, de nombreux parents sont conscients des avantages de l’utilisation des smartphones. Un peu comme les jeux vidéo, ils peuvent aider leurs enfants à développer des compétences. En particulier, ici, en matière de communication et de résolution de problèmes. Ils peuvent également constituer un outil pédagogique, en permettant d’accéder à des ressources éducatives en ligne. Les confinements sont passés par là.

Smartphones : principale fenêtre sur Internet

Les enfants, quant à eux, se montrent généralement très enthousiastes à l’idée d’utiliser un smartphone. Ils y voient un moyen de rester en contact avec leurs amis et de s’informer sur ce qui se passe dans le monde. Pour eux, c’est aussi la possibilité de s’amuser, en regardant des vidéos, en jouant à des jeux en ligne ou en utilisant les réseaux sociaux.

Cependant, ils restent conscients des risques. Ils savent que certaines applications peuvent être dangereuses et qu’il est important de faire attention à ce qu’ils partagent en ligne. De nombreux enfants ont également exprimé le souhait que leurs parents soient plus présents pour les aider à comprendre les enjeux liés à l’utilisation des smartphones.

En réponse, ces derniers abordent souvent la question de deux manières différentes. D’une part, certains imposent une surveillance constante de leur enfant, tandis que d’autres adoptent une attitude plus souple et une complicité mutuelle, malheureusement très souvent mise à mal au fil du temps. De quoi rappeler les heures passées sous la couette, la nuit, sur une Game Boy avec une lampe de poche comme seule source d’éclairage.

Le déploiement d’une action au niveau national, pour quand ?

Les services de contrôle parental sont toujours aussi populaires. En effet, 73 % des parents déclarent y recourir, principalement pour bloquer des applications, filtrer certains types de contenus ou limiter le temps passé devant l’écran. Cependant, certains vont un peu plus loin, en activant notamment la géolocalisation des appareils ou le contrôle des SMS.

Si ces outils, accompagnés d’une bonne communication entre parents et enfants, semblent répondre aux attentes, ils n’offrent qu’une protection limitée. Nombreux sont ceux qui demandent le déploiement d’une action collective pour répondre à ces enjeux impliquant familles, pouvoirs publics et système éducatif. D’autant que, face à ce sujet, tout le monde n’est pas sur un pied d’égalité, et certains parents restent dépassés par ces nouveaux défis, en particulier dans les familles monoparentales.

Cependant, l’État semble se pencher sérieusement sur les problèmes liés à Internet chez les plus jeunes, et pourrait répondre à ces problématiques plus rapidement qu’on ne le pense.

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Condamnation de la répression policière par plusieurs organisations syndicales

Dans un communiqué, les organisations CGT Éduc’action FNEC-FP-FO, FSU, SUD éducation, UNSA Éducation « condamnent avec force les exactions policières qui ont eu cours lors de la manifestation du 23 mars en particulier à Rouen, à l’appel de l’intersyndicale nationale ».

« Les organisations CGT Éduc’action, FNEC-FP-FO, FSU, SUD éducation, UNSA Éducation condamnent la stratégie présidentielle qui consiste à passer en force avec le 49.3 une réforme dont personne ne veut et à utiliser la violence et la répression contre les jeunes, les salarié·es, les retraité·es. Dans les actes, comme dans les paroles, le président de la République use et abuse de provocations et continue ainsi de souffler sur les braises de la crise sociale et démocratique. Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle : son attitude irresponsable a nourri une immense colère.

Emmanuel Macron est le seul responsable de cette situation. En maintenant sa réforme contre l’immense majorité́ de la population, il piétine la démocratie. La seule solution c’est qu’il retire immédiatement sa réforme des retraites.

Les organisations CGT Éduc’action FNEC-FP-FO, FSU, SUD éducation, UNSA Éducation apportent tout leur soutien à l’ensemble des victimes de la répression policière, qu’elles soient ou non de l’éducation, et réaffirment leur détermination à lutter pour gagner le retrait de la réforme des retraites ».

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Réforme des retraites : Jour 10

Des centaines de milliers, voire des millions de manifestants, sont attendus aujourd’hui à travers la France à l’appel de l’intersyndicale. La manifestation du 24 mars ainsi que celle des méga-bassines de Saint-Soline ont marqué par leur violence. Interpellations, blessures de manifestants – parfois graves comme pour le manifestant de Saint-Soline dont le pronostic vital est engagé, ou encore pour cette manifestante AESH qui a perdu son pouce le 24 mars. Autant dire que les manifestations du jour vont être scrutés pour leur nombre de manifestants mais aussi pour le climat qui y règnera.

Chez les enseignants, 30% de grévistes sont prévus dans le premier degré selon le SNUipp-FSU. « Nous n’avons que des remontées partielles pour le moment comme il fallait se déclarer avant samedi minuit » explique Guislaine David, porte-parole du syndicat. «  Les journées se succèdent et cela devient un sacrifice financier pour les collègues. On sait aussi qu’ils n’aiment pas prévenir les parents au dernier moment ». Dans le second degré, les syndicats n’ont pas de visibilité. Pourtant, Sophie Vénétitay se déclare confiante. « Je ne suis pas inquiète car les cortèges enseignants sont toujours très fournis, c’est une des bonnes surprises de ces dernières semaines » observe la secrétaire générale du SNES-FSU. « La résignation ne domine pas, même si aujourd’hui les chiffres de grévistes seront sans doute plus bas que la semaine passée. L’exaspération à l’encontre d’Emmanuel Macron est à son paroxysme, mais beaucoup de collègues nous confient que cela devient compliqué financièrement ».

Les jeunes mobilisés

Les lycéens seront aussi des manifestations. Les syndicats appellent à se mobiliser toute la semaine en bloquant les lycées. Lundi, 200 ont été bloqués selon la Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne (FIDL). « On s’attend à une mobilisation historique » nous confie Gwen Thomas-Alves de la FIDL. « Les renseignements parlent d’un doublement voire d’un triplement du nombre de jeunes en manifestation. Ça confirme bel et bien que nous sommes totalement concernés ».

Du côté étudiant, ça bouge aussi. La 3ème Coordination nationale étudiante réunie le 25 et 26 mars 2023 à Grenoble explique ne rien attendre « des perspectives institutionnelles ni des pseudo “négociations”, qui servent de portes de sorties potentielles au gouvernement. La vraie démocratie est dans la rue et dans nos assemblées à la base ». Pour les étudiants, « il faut aller au-delà des journées de 24h, contrairement à ce que propose l’intersyndicale, il faut construire la grève générale illimitée ». Ils appellent donc à se mobiliser massivement le mardi 28 mais aussi à « « à faire du jeudi 30 mars une journée de mobilisation et de manifestation en direction des lycées visant à les aider à bloquer, à débrayer, à organiser des AG et à manifester. Nous invitons les travailleurs et les travailleuses à nous rejoindre lors de cette journée ».

Des violences dénoncées unanimement

Par ailleurs, la coordination étudiante qui réunit des délégations de 31 établissements différents dénonce les « tabassages, gazages, agressions sexuelles, violences racistes, mutilations… Cette semaine a été marquée par un bond révoltant dans la répression des manifestations qui a atteint un pic à Saint-Soline. Celle-ci s’inscrit dans la ligne de plus en plus autoritaire du gouvernement que nous combattons ». Un constat partage par les professeurs selon Sophie Vénétitay. « Les violences policières qui ont eu lieu après la manifestation du 24 mars sont le symbole d’un pouvoir aux abois, c’est la preuve qu’ils sont fébriles » résume-t-elle « Les collègues nous disent que ce qui est en jeu, c’est l’état de droit et qu’on ne peut pas laisser passer cela ».

Ces inquiétudes sont partagées par plusieurs associations et organismes de défense des droits qui ont interpellé le gouvernement quant à l’usage excessif de la force par la police française. La défenseure des droits s’est dit « préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, de nombreux articles de presse, des témoignages et saisines reçus par l’institution sur de possibles manquements déontologiques dans le maintien de l’ordre au cours des évènements des jours derniers ».

Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, s’est lui aussi montré inquiet. « Je suis de très près les manifestations en cours et rappelle que les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger. Les agents des forces de l’ordre doivent les faciliter et éviter tout usage excessive de la force » a-t-il indiqué sur Twitter.

À la LDH – Ligue des Droits de l’Homme, on ne cache pas son agacement, « après l’annonce du passage en force de sa réforme, le gouvernement met à mal le droit de contestation des citoyen-nes en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique. La LDH s’inquiète de ce tournant anti-démocratique ».

L’intersyndicale se réunira mardi 28 mars au soir pour décider de la poursuite de la mobilisation et de la forme de celle-ci.

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Grand-Est : fermeture de 9 lycées à la rentrée 2023

Dans la région Grand-Est, ce n’est rien de moins que neuf lycées qui fermeront leur porte à la prochaine rentrée, rapporte le journal 20 minutes, « un choix démographique, économique et écologique selon les élus qui ont pris la décision » malgré l’opposition des élus des territoires concernés. La région compte 181 lycées, neuf lycées de moins, c’est une offre de formation réduite et, pour les élèves, des kilomètres importants pour rejoindre leur établissements

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Une loi sur le harcèlement au Sénat

La sénatrice Les Républicains Marie Mercier fait une proposition de loi pour lutter contre le harcèlement scolaire, « un fléau » en France. « En France, près d’un million d’élèves seraient victimes de harcèlement, soit environ 10 % d’entre eux » indique l’élue. « Ces violences perdurent bien souvent en dehors du cadre éducatif par le biais des nouvelles technologies et des réseaux sociaux… Ses conséquences sont graves tant elles portent atteinte à l’intégrité de ces enfants. Elles peuvent parfois virer au drame puisqu’elles conduisent de jeunes victimes à mettre fin à leurs jours. Tout doit être mis en œuvre pour remédier à cela ».

Pour la Sénatrice, une des solutions pour lutter contre le harcèlement est de « prendre une mesure d’éloignement du harceleur, sans oublier qu’il a lui-même besoin d’un accompagnement pour comprendre ses actes ». « Trop souvent la victime de harcèlement scolaire doit être déscolarisée. La situation est alors vécue comme une double peine : c’est à la victime de quitter l’établissement et son environnement pour échapper à son harceleur. Les parents de la victime sont ceux qui doivent s’adapter à ce changement ».

Pour l’élue, il s’agit d’adjoindre les établissements à utiliser les procédures disciplinaires existantes. « Il s’agit donc bien d’affirmer une position de principe, de guider et de soutenir les établissements dans leur prise de décision dans la mesure où de trop nombreux témoignages démontrent des situations contraires » conclut-elle.

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Retraites : Macron et Borne en quête d’issues de recours

A la veille d’une dixième journée de mobilisation ce mardi, l’exécutif se dit serein et prêt à parler avec les syndicats. L’Elysée et Matignon multiplient les réunions et misent sur le Conseil constitutionnel et sa décision dans trois semaines pour leur fournir une porte de sortie.

par Jean-Baptiste Daoulas et Laure Equy

publié le 27 mars 2023 à 21h10

Un jour sans fin, au sommet de l’Etat comme dans la rue. A la veille de la dixième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, les berlines ont tourné en rond lundi 27 mars dans la cour de l’Elysée, opportunément ouverte aux caméras pour l’occasion. Décidé à ne rien lâcher sur sa réforme, Emmanuel Macron ne veut pas donner l’image d’un exécutif claquemuré. Il a longuement reçu sa Première ministre et les dirigeants de sa majorité pour marquer le départ de trois semaines de réunionite entre l’exécutif, les partis d’opposition et les partenaires sociaux. «Il faut continuer à tendre la main aux forces syndicales», a-t-il intimé, selon des propos rapportés.

Sans plan de sortie de crise, l’exécutif s’en remet à l’agenda : mi-avril, le Conseil constitutionnel, saisi par Elisabeth Borne et une partie des oppositions, devrait se prononcer sur la réforme des retraites. D’une validation des «sages» – ou même d’une éventuelle censure – viendra la délivrance. Il faut tenir jusque-là. «La décision du Conseil constitutionnel mettra le processus derrière nous, elle cadre cette séquence. Ces trois prochaines semaines, on doit trouver une voie qui ne soit ni l’immobilisme, ni la suractivité ou l’agitation», résume un responsable de la majorité. Durant ce temps suspendu, le Président a ordonné à ses troupes de consulter pour «apaiser, continuer à mettre en œuvre les réformes et réparer les services publics» : école, santé – avec une alerte sur la fermeture de classes et de maternités – et la demande de reprendre fissa la main sur l’immigration.

«Mon carnet de bal va se remplir»

C’est encore sur les épaules d’une Première ministre, très fragilisée depuis le recours à l’article 49.3, que repose ce pari aux airs de «ça passe ou ça casse». Chargée par le Président d’«élargir la majorité», Borne repart pour un énième round de consultations. Lundi soir, elle recevait les présidents de commissions parlementaires avant de rencontrer mardi la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat, Gérard Larcher. L’objectif étant de nettoyer le planning parlementaire de tout objet urticant. «On va prioriser, raccourcir, on resserre sur les priorités, on revoit de fond en comble l’agenda», prévoit-on à Matignon. Sur le futur projet de loi sur l’industrie verte, l’éducation (réforme du lycée professionnel, remplacement des enseignants absents) ou les freins à l’emploi, des ministres et parlementaires de la majorité seront aussi conviés dans la semaine. Suivront les patrons des partis de la majorité puis les représentants des élus locaux et les présidents de groupes parlementaires. Lesquels connaissent le chemin. «Mon carnet de bal va se remplir. Si je comprends bien, la mission de Madame Borne, c’est la même que quand elle a été nommée», ironise le chef de file des sénateurs centristes, Hervé Marseille. Toute ressemblance avec les déboires de la Première ministre post-gadin aux législatives de juin 2022 n’est pas fortuite. Cet été, elle promettait déjà «esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture» pour aborder chaque texte.

Ce lundi, elle a proposé un nouveau «contrat de méthode». Pourquoi les oppositions achèteraient-elles davantage ? «Tout ça est très flou. Même si des gens sont tentés individuellement de travailler au gouvernement, ça ne fait pas un élargissement», reprend Marseille. Abonné aux entrevues avec Borne, le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, s’y rend par principe. Sans conviction. «Je lui dirai qu’on ne rentre pas dans la co-construction, on ne fait pas son marché avec nous. Que la droite se retrouve avec la droite», coupe-t-il. Avant d’ajouter cruellement : «Tout ça sent le Titanic, ils ont frappé l’iceberg et naviguent à vue avant de couler.» Même si le disque est rayé, les macronistes veulent croire qu’une concertation en mars, et ça repart. «Le Parlement n’est pas bloqué. On revient à la situation qui prévaut depuis huit mois. Cela peut fonctionner si les textes sont courts et s’ils clivent une partie mais pas l’ensemble de l’hémicycle», estime le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian. «On est prêts à ouvrir, à co-construire. Nous, on tend la main, le blocage n’est pas de notre côté», ajoute la patronne des députés Renaissance, Aurore Bergé.

«Condamner les violences de manière très très ferme»

Outre les oppositions, Borne doit retrouver le numéro des partenaires sociaux. En gage d’«apaisement», elle se donne comme «objectif» de ne plus recourir au 49.3 hormis sur les textes budgétaires. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, n’ira s’asseoir à la table que si le gouvernement marque une «pause» en «mettant de côté pour l’instant la réforme».

Le pouvoir peut-il concerter pendant trois semaines sans rien lâcher sur les retraites ? Une source policière citée par l’AFP prévoit «un doublement, voire un triplement» de la présence des jeunes dans les cortèges ce mardi. «Il faut qu’on ait une action, on ne peut pas dire que les retraites sont derrière nous», exhorte le député Renaissance Patrick Vignal, plusieurs fois interpellé dans sa circonscription montpelliéraine ce week-end sur le recours au 49.3. «Le statu quo n’avantage personne, redoute un autre député Renaissance. Je ne vois pas le Président laisser les choses pourrir longtemps comme ça.»

A moins qu’Emmanuel Macron ne cherche justement à camper l’ordre face à la multiplication des débordements, sur les retraites ou contre les méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ? «Dimanche, on m’a très peu parlé des retraites et beaucoup des images inacceptables dans les Deux-Sèvres», pointe le député Renaissance Karl Olive après une sortie sur un marché des Yvelines. Lundi, le chef de l’Etat a enjoint la Première ministre et ses troupes de «condamner les violences de manière très très ferme», sans craindre les raccourcis discutables. Selon lui, elles n’auraient «rien à voir avec les retraites» et leur «seul point commun c’est de s’en prendre à nos institutions et aux forces de l’ordre». Jean-Luc Mélenchon et son mouvement sont agités comme un épouvantail par le chef de l’Etat. «Il y a un réel projet politique mené par La France insoumise qui tente de délégitimer l’ordre raisonnable, nos institutions, ses outils», a-t-il accusé, faisant le pari que «la délégitimation du Conseil constitutionnel» serait «la prochaine étape» de LFI. Cynisme ou tentative de capitaliser sur une lassitude de l’opinion face aux blocages et aux débordements ? Un proche du Président s’en défend : «Que peut faire un gouvernement légitimement élu si ce n’est être du côté de l’ordre ?»

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Violences policières : les vidéos et témoignages qui mettent en cause les Brav-M

Constituée par des membres de compagnies d’intervention qui opèrent en maintien de l’ordre, à moto et en binôme, la Brigade de répression des actions violentes motorisées est impliquée depuis une dizaine de jours dans de nombreuses scènes de violences documentées.

par Jacques Pezet et Anaïs Condomines

publié le 27 mars 2023 à 19h47

Elle est au centre de la polémique sur les violences policières. Depuis le début du mouvement de contestation contre la réforme des retraites, la Brav-M (Brigade de répression de l’action violente motorisée) est impliquée dans plusieurs scènes de violences documentées à l’égard des manifestants à Paris.

Ces membres de compagnies d’intervention qui opèrent en maintien de l’ordre, de façon mobile, à moto et en binôme, sont visés par une pétition réclamant leur dissolution. Signée par plus de 80 000 personnes ce lundi 27 mars, elle déclencherait un débat en séance publique à l’Assemblée nationale dès lors que le seuil de 500 000 signatures est atteint. Certaines séquences, parmi les suivantes, ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes confiées à l’IGPN, la police des polices. Invitée sur BFM TV dimanche soir, Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’Inspection générale de la police nationale, n’a pas souhaité indiquer combien, des 17 enquêtes confiées à son service depuis le 19 janvier, concernent la Brav-M. «Ce serait prématuré», a-t-elle expliqué, indiquant qu’il est nécessaire d’identifier d’abord les policiers mis en cause. En attendant, de nombreuses vidéos et témoignages circulent depuis dix jours, mettant en cause les policiers à moto.

Samedi 18 mars, 23 h 30, place d’Italie (XIIIe arrondissement)

Une vidéo filmée par le média indépendant la Luciole accuse la Brav-M de «tabasser» une femme «à l’abri des regards» au niveau de la place d’Italie. «Ils sont à 10 sur une femme», commente un homme qui assiste à la scène, où l’on peut voir un groupe de policiers casqués frapper une personne. Sur Twitter, le média ajoute que «ce n’est pas visible sur [leurs] images, mais ils lui ont violemment cogné la tête contre la vitre du bar».

Lundi 20 mars, rues des Minimes et rue du Béarn (IIIe arrondissement)

De nombreuses scènes de violences ont été documentées à cette date, qui marque le rejet par l’Assemblée nationale de la motion de censure déposée contre le gouvernement, à neuf voix près. Un premier rassemblement place Vauban est rapidement dispersé. Des cortèges spontanés s’éparpillent alors dans plusieurs quartiers de Paris.

Un enregistrement sonore, réalisé ce soir-là à l’angle des rues des Minimes et du Béarn, dévoilé par plusieurs médias dont le Monde et Loopsider, vendredi 26 mars, révèle les menaces, intimidations et insultes proférées par un groupe de policiers de la Brav-M contre sept manifestants. «T’as tellement de chance d’être assis là, maintenant qu’on t’a interpellé, je te jure, je te pétais les jambes, au sens propre… Je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules», peut-on entendre. Vendredi soir, confronté à ce document sur France 5, le préfet de police, Laurent Nuñez s’est dit «extrêmement choqué». Un sentiment partagé par Agnès Thibault-Lecuivre qui évoquera, sur BFM TV suite à la diffusion de la séquence, des «propos inacceptables». Ce lundi, l’AFP rapporte que les policiers ont été identifiés comme étant membres de la 21e compagnie d’intervention en formation Brav-M, sans que leur suspension ne soit pour le moment décidée. Deux personnes ont annoncé leur intention de porter plainte pour «violence en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique et complicité», «violences à caractère raciste», «agression sexuelle» et «faux en écriture publique». L’association SOS Racisme a décidé de se joindre à leur plainte.

Lundi 20 mars, 21 h 35, quartier Châtelet (IVe arrondissement)

En milieu de soirée, des manifestants se retrouvent dans les rues du quartier Châtelet. Les images du reporter indépendant Jules Ravel révèlent une charge de la Brav-M contre une petite dizaine de jeunes alignés le long d’une terrasse de restaurant, les mains en l’air ou sur la tête. Parmi eux, Rémi qui, dans une interview au Parisien, confie s’en être tiré avec quatre points de suture à la base du crâne : «Je me suis dit, il va bien voir que je ne suis pas une menace, mais ça n’a pas du tout été le cas.» Nos confrères de Politis identifient formellement sur ces images un membre de la compagnie 12CI, constituée ce soir-là en Brav-M. Les mêmes qui, deux heures plus tard, brutaliseront un autre jeune homme vers Bastille.

Lundi 20 mars, 23 h 40, rue Saint-Antoine (IVe arrondissement)

Rue Saint-Antoine, une scène, filmée par les caméras de plusieurs médias indépendants, dévoile les images d’un jeune homme en train de courir, s’arrêter au niveau de deux autres personnes, faisant face à des policiers, près d’un kiosque à journaux. Au moins l’un des deux manifestants tient dans sa main un long bâton. Le jeune homme semble écarter les deux autres de la scène et se fait pousser une première fois par un policier de la Brav-M, casque de moto blanc sur la tête. Il demeure sur le côté lorsque, quelques secondes plus tard, un policier court vers lui et lui assène un violent coup.

Sur BFM TV, le préfet Nuñez annonce avoir accès aux premiers éléments d’un rapport qu’il a commandité. Il précise : «Un kiosque se trouve juste à côté, un individu qui dégrade ce kiosque est en cours d’interpellation et plusieurs individus s’opposent à cette interpellation, dont l’individu qui reçoit ce coup.»

Auprès de CheckNews, la préfecture de police de Paris indique que le jeune homme est reparti libre, sans blessures apparentes. Plus tard dans la journée, le parquet annoncera qu’une enquête préliminaire a été confiée à l’IGPN, les faits étant «susceptibles d’être qualifiés de violences commises par personne dépositaire de l’autorité publique».

Lundi 20 mars, 23 h 40, rue Saint-Antoine (IVe arrondissement)

Même heure, même endroit. La situation est très tendue dans le secteur Saint-Antoine où les Brav-M remontent la rue face aux manifestants. Le journaliste Justin Davis capte vingt secondes d’images où l’on peut voir un policier en tenue de motard se diriger vers un jeune homme qui marche devant lui, avant de lui adresser un violent coup de poing sur la tête. Le jeune s’écroule, sonné. La raison de ce coup demeure, à cette heure, inconnue.

Mardi 21 mars, 23 heures, avenue Daumesnil (XIIe arrondissement)

Des images révélées par le site Révolution Permanente montrent un manifestant poursuivi par un policier de la 32e CI et deux motards de la Division régionale motocycliste, dont un qui lui roule dessus. Il s’agit bien de forces de l’ordre qui agissent ici en formation Brav-M. Joint par CheckNews, Valentin, l’étudiant victime de l’attaque, confirme qu’un des véhicules lui a roulé sur la jambe gauche et assure avoir pris «des coups de tous les côtés» sans pour autant être interpellé. Après un passage aux urgences, mercredi, le jeune homme présentait plusieurs lésions «entraînant une incapacité temporaire totale de travail (ITT) de huit jours».

Jeudi 23 mars, 21 heures, boulevard Beaumarchais (Paris centre)

Paul Boyer, journaliste indépendant témoigne dans Libération avoir subi une agression de la part d’un policier de la Brav-M, alors qu’il était en reportage et clairement identifiable en tant que journaliste. Une agression qui lui a ouvert le crâne et fracturé la main gauche et pour laquelle il s’est vu signifier une ITT de quatorze jours. Les policiers descendus de moto, dit-il, se sont mis «à taper tout le monde», «à matraquer les gens», «sans qu’il n’y ait eu aucune explication». Il annonce vouloir porter plainte auprès de l’IGPN.

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