Anne-Laure Delatte : «Les impôts des Français financent des activités hautement polluantes» (Libé)

Anne-Laure Delatte : «Les impôts des Français financent des activités hautement polluantes»

Dans un essai, l’économiste montre comment l’Etat français s’est mis au service du marché ces quarante dernières années. Un interventionnisme qui soutient les activités carbonées et fait peser le poids des dépenses publiques sur les citoyens.

RECUEILLI PAR SIMON BLIN ILLUSTRATION JEANNE MACAIGNE

Economiste, chercheuse au CNRS rattachée à l’université de Paris-Dauphine PSL, Anne-Laure Delatte a pris son temps pour écrire son premier livre, trop prise par les publications scientifiques, activité dévorante et cœur de métier de la vie académique. L’Etat droit dans le mur. Rebâtir l’action publique (Fayard) est le fruit de plusieurs années de recherche portant sur le marché international des capitaux et la gouvernance. Cette spécialiste des questions financières, autrice d’une thèse sur la réforme monétaire argentine de 2002 (et ancienne chroniqueuse à Libé), a compilé soixante-dix ans de données sur l’interventionnisme étatique. C’est dire la crédibilité du constat qui s’impose au fil du livre : celui d’un Etat français aux petits soins des entreprises, même les plus polluantes, à contre-courant de l’idée souvent véhiculée d’un Etat «nounou» dont les largesses budgétaires profiteraient comme un robinet ouvert aux seuls citoyens. Critères de sélectivité des aides publiques à l’aune de la transition écologique, contrôle parlementaire de la Banque de France… Des solutions existent pour inverser la tendance, plaide la chercheuse.

Emmanuel Macron a annoncé de nouvelles baisses d’impôts à hauteur de deux milliards d’euros d’ici à 2027 à destination des classes moyennes. Comment interpréter cette promesse ?

On ne sait pas encore comment le chef de l’Etat compte financer ces deux milliards d’euros. Il ne dit pas comment il va trouver cette somme, comment il entend compenser cette baisse d’impôts : par une hausse de la TVA ou en coupant sur une prestation de service public ? Est-ce alors à dire que ces deux milliards de cadeaux fiscaux n’étaient pas si essentiels ? Décréter enlever deux milliards nourrit un récit de dépense publique inutile. Or moins d’impôts, ce sont des services publics qui se dégradent. Dans les propos d’Emmanuel Macron, il n’y a aucune réflexion sur la contribution des hauts revenus qui vivent pourtant mieux la période d’inflation.

Cette annonce s’inscrit dans un contexte inflationniste inédit…

Une inflation plus élevée au cours de la prochaine décennie me semble inéluctable. La raison est que notre économie ne va pas cesser de dysfonctionner sous l’effet des chocs climatiques à venir. Il va falloir y remédier et faire des choix politiques. Premièrement, le niveau d’inflation : on n’a pas de résultats empiriques montrant que l’inflation au-dessus de 2 % par an est un problème. En revanche, un taux qui change tous les mois signifie des augmentations de prix irrégulières et une incapacité pour tous de prendre des décisions d’investissement. Autrement dit, on pourrait vivre avec une inflation à 5 % ou à 8 % sans problème, tant que ce taux est stable. On fait donc le choix politique de ramener l’inflation à 2 % sans dire que pour y arriver, on est en train de freiner l’activité, et par extension l’emploi. Secondement, le problème de l’inflation pour les citoyens et citoyennes, c’est qu’elle ronge leur pouvoir d’achat car leurs revenus ne suivent pas. Le gouvernement s’oppose à une indexation générale des salaires, car il craint alors une spirale inflationniste. Mais rien n’est fait pour faciliter des négociations entre syndicats et patronat pour éviter ces pertes de pouvoir d’achat qui touchent en premier les bas salaires.

Dans votre livre, vous battez en brèche l’idée selon laquelle l’Etat français serait trop dépensier, trop protecteur des personnes et hostile aux entreprises. Qu’en est-il réellement ?

Il y a un grand malentendu. L’Etat intervient aujourd’hui plus qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, époque pendant laquelle s’impose pourtant l’idée de services publics, d’une protection sociale et de la planification économique. Or malgré la fin des Trente Glorieuses, les dépenses publiques n’ont cessé de croître. Sauf que ce surcroît d’intervention profite davantage aux entreprises qu’à l’amélioration de nos services publics et de notre protection sociale. Si l’Etat est plus présent qu’avant, il s’est mis au service du marché en multipliant les subventions, les crédits d’impôts aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales. Dans mon livre, je raconte cette grande transformation de l’action publique au nom de la compétitivité économique. En contrepartie, on assiste au détricotage du contrat social même s’il demeure protecteur. Une partie de la défiance citoyenne envers l’Etat aujourd’hui s’explique, à mon avis, par cette incohérence : l’action publique est désormais moins là pour protéger les personnes que faire fonctionner le marché.

La réforme des retraites illustre-t-elle ce nouvel interventionnisme étatique ?

Oui. L’opposition d’une grande partie de l’opinion contre le projet de réforme des retraites est, à ce titre, exemplaire : les citoyens ont le sentiment d’avoir atteint la limite de ce qu’ils pouvaient donner au marché et, dans le même temps, l’Etat refuse de remettre en question les exonérations sur les cotisations sociales et le taux d’imposition des plus hauts revenus afin de financer le système par répartition. Le pire est à craindre puisque le gouvernement souhaite dorénavant «désendetter» la France en réduisant les dépenses publiques et sans revenir sur les baisses d’impôts pour les plus riches.

En matière d’impôts, comment se traduit ce mode d’action publique ?

En France, les ménages s’acquittent de deux tiers des recettes issues des prélèvements obligatoires, essentiellement la TVA, qui est la même pour tous, et l’impôt sur le revenu. Ce qui signifie que les entreprises ne financent qu’un tiers de l’action publique, essentiellement via les cotisations sociales et peu par l’impôt sur les sociétés. On entend souvent dire que les entreprises sont trop taxées en France, mais on dit moins que ce sont les ménages qui supportent les dépenses publiques. On dit aussi que les entreprises françaises payent plus d’impôts qu’ailleurs. Mais les taux officiels ne veulent pas dire grand-chose étant donné les niches fiscales et sociales qui pavent le système. En 2021, rien que les exonérations d’impôts accordées aux entreprises ont coûté 96 milliards d’euros ! Cet aspect de l’action publique passe totalement sous les radars démocratiques. Pourtant, les grandes entreprises ont tout à leur disposition pour réduire leurs impôts. Par exemple, le régime de société mère et filiales autorise les multinationales à s’exonérer d’impôts sur les dividendes versés par l’intermédiaire de leurs filiales de façon que la société mère ne soit pas doublement imposée. Cette option fiscale tout à fait légale coûte chaque année 36 milliards d’euros…

Il y a aussi les cotisations sociales…

Elles ont baissé de l’équivalent de 2 % du PIB sur les quarante dernières années. Là encore, la raison invoquée est la compétitivité internationale. Il s’agit de baisser le coût du travail, qui serait trop élevé en France du fait des nombreuses cotisations sociales imposées aux entreprises. Rappelons que c’est grâce à ces cotisations que l’on finance la protection sociale, les retraites comme la santé. Or en 2021, les exonérations ont coûté 70 milliards d’euros. Pour rappel, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans avait pour objectif d’économiser 12 milliards d’euros à l’Etat d’ici à 2027.

Ces aides aux entreprises ne bénéficient-elles tout de même pas aux employés et, in fine, aux ménages ?

Au total, si on additionne les subventions et les exonérations, les aides publiques aux entreprises ont coûté 190 milliards d’euros par an en moyenne depuis 2010. Et cela ne fait qu’augmenter depuis. Pour être jugés efficaces, il faudrait que ces 190 milliards génèrent au moins autant d’activité économique. Je ne connais aucune étude qui le démontre. L’exigence de rentabilité sur les dépenses de santé ne s’applique pas du tout aux dépenses en faveur des entreprises.

Vous dites que l’action publique est «climaticide». Comment pouvez-vous l’affirmer ?

Puisque l’Etat a consacré une part croissante de ses dépenses à soutenir l’activité des entreprises, j’ai voulu vérifier l’impact carbone de ces dépenses. Toutes les entreprises ne se valent pas en termes d’émissions carbone, j’ai donc voulu voir à qui lesaidesont été distribuées. Le croisement des données de l’Insee et d’Eurostat m’a permis de montrer qu’au cours des quarante dernières années, les subventions publiques ont été versées en majorité aux branches d’activités les plus polluantes, notamment l’industrie manufacturière qui inclut L’Oréal, Total (pour ses activités de raffinage), Renault, Sanofi, etc. En 1978, le secteur le plus émetteur recevait la moitié des subventions, et le reste se distribuait dans l’économie française. En 2020, alors que les aides avaient augmenté, ce même secteur recevait toujours la moitié des subventions.

Que suggérez-vous pour inverser cette tendance ?

Les impôts des Français financent, par l’intermédiaire d’aides publiques, des activités hautement polluantes. Je ne crois pas que les citoyens et citoyennes soient à l’aise avec cette idée alors que la France est en train de se réchauffer plus vite que prévu. Il faut imposer de nouveaux critères de sélectivité des aides publiques à l’aune de la transition écologique.

Dans sa main gauche, l’Etat a un budget vert de 37 milliards d’euros par an, mais de la main droite, il consacre 190 milliards d’aides par an à des entreprises qui sont en majorité climaticides. Il n’est même pas nécessaire de lever de nouveaux impôts ! De l’argent, on en a déjà. Il est simplement mal redistribué.

Dans une étude remise à Matignon, l’économiste Jean Pisani-Ferry, proche conseiller d’Emmanuel Macron, plaide pour un impôt spécifique sur les hauts patrimoines afin de financer la transition écologique…

Mieux vaut tard que jamais ! On ne peut que saluer ce ralliement de l’ex-chef économique de la campagne d’Emmanuel Macon à une telle mesure. L’idée progresse ! Si cette taxation sur le patrimoine des ménages est indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, le gouvernement pourrait aussi trouver des ressources en remettant en question les nombreuses exonérations fiscales et crédits d’impôt dont bénéficient les entreprises sans condition.

Ça, c’est pour l’action publique budgétaire. Vous proposez aussi d’adapter la politique monétaire aux enjeux climatiques…

C’est, en effet, une branche de l’Etat plus discrète mais qui contribue elle aussi à soutenir l’activité d’entreprises polluantes. Je propose de remettre la Banque de France sous contrôle du Parlement pour remettre son action dans le champ politique. A partir de 1945, cette institution devient publique, son action finance la reconstruction, puis la planification économique sous tutelle du ministère des Finances. Depuis 1993 et l’adoption de l’euro, la Banque de France est sortie du contrôle parlementaire.

Résultat, les citoyens ne savent plus ce qu’elle fait et ce à quoi elle sert. Or, en prêtant des liquidités aux entreprises et au Trésor français, elle fait circuler dans l’économie l’équivalent de 20 % du PIB français, dont une partie finance l’économie carbonée. Je ne pense pas que la Banque de France doive perdre son statut indépendant. Mais les citoyens devraient pouvoir reprendre le contrôle pour débattre de l’orientation de la politique monétaire en faveur de secteurs d’activités neutres en émissions carbone. C’est un enjeu démocratique.

Cette transformation de l’action publique que vous décrivez, est-ce du «néolibéralisme» ?

Oui, c’est très conforme à l’idée que les «nouveaux libéraux» se font de l’Etat : vigilant, actif et au service du marché. Cette doctrine s’est formée dans l’entre-deux-guerres à la suite du constat que le libéralisme économique pur avait nourri l’émergence des régimes nazi et fasciste à force d’injustice. Des intellectuels et des hommes d’affaires regroupés autour de la figure de Walter Lippmann cherchent alors une façon de réparer ce libéralisme et en appellent à l’intervention de l’Etat. Pour eux, cette intervention doit se consacrer à assurer le bon fonctionnement du marché.

La France a épousé cette conception elle aussi mais plus tardivement que les Etats-Unis. Sauf qu’un Etat régisseur du marché me semble incompatible avec l’urgence climatique. Il va falloir résister à la logique du profit pour opérer la transition de notre système économique. Avec un Etat convaincu que le marché sait mieux que lui et que notre salut vient de lui, je ne vois pas comment il peut impulser la bifurcation radicale qui seule pourra nous sauver.

Anne-Laure Delatte L’état droit dans le mur Fayard, 224 pp. 19,50 €.

[CEMPdL] Faites des liens samedi 3 juin au Gavre

Faites des liens – samedi 3 juin 2023

Pour fêter les métiers essentiels du soin et du lien,

rendez-vous pour la 3ème édition, « FAITES DES LIENS »

le samedi 3 juin 2023 à la GENESTRIE AU GÂVRE

de 14H à 00H .

Soyons nombreux et nombreuses à nous rassembler autour des professionnel·le·s des métiers du soin et du lien.

Au programme :

Spectacles, Agora, jeux enfants, concerts … pour une  journée festive et revendicative !

En pièce jointe l’affiche de l’événement.
Plusieurs caisses de grève pour soutenir les salarié·es en grève pour exiger le retrait de la réforme des retraites. Ces caisses permettront d’aider en priorité les personnes qui ont fait grève et qui sont dans une situation de précarité particulière.

Caisse de grève de la CGT Spectacle : https://urlz.fr/kYcj

Caisse de grève des syndicats Nantes Métropole, Ville de Nantes et CCAS ici

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Culture en lutte
Culture en Lutte est le mouvement des professionnel.le.s du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma dans la région Pays de la Loire, qui réunit des syndiqué.e.s de la CGT Spectacle, des non syndiqué.e.s et des adhérent.e.s du SYNAVI.

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En lutte avec la CGT Educ Nantes

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La CGT Éduc’action Nantes avec tous les personnels
Le 30 mai, par la grève, menons la lutte pour défendre les Lycées Pro !
Les mesures annoncées par le Président Macron, le 4 mai, ont eu l’effet d’une bombe. Elles ont été renchéries quelques jours plus tard par les interventions confuses du Ministre Pap Ndiaye qui annonçait une carte des formations fortement revue pour la rentrée 2023 avec des fermetures de « filières » et des reconversions de PLP vers les collèges ou le premier degré. L’ensemble de ces propos ont profondément inquiété, sinon alarmé les PLP notamment de la filière tertiaire encore une fois visée spécifiquement. Ces annonces accélèrent le travail de démantèlement de la voie professionnelle et expriment parfaitement la posture idéologique de Macron qui veut renforcer la mainmise du patronat sur la formation professionnelle. Le fond idéologique est toujours le même : l’entreprise ferait mieux que l’École pour former et insérer. L’objectif d’émancipation des jeunes passe loin derrière celui de mise à disposition d’une main-d’œuvre bon marché. C’est pourquoi La CGT Éduc’action Nantes appelle à la tenue d’heures d’information syndicales. Elle soutient, d’ores et déjà, l’ensemble des initiatives et actions qui se tiendront dans les lycées pro de l’académie. Face à ce projet rétrograde, la CGT Educ’action Nantes appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser par la grève et la manifestation le mardi 30 mai.
 Le 30 mai contre la réforme de la voie professionnelle, et le 6 juin contre la réforme des retraites et le pacte enseignant
L’Éducation nationale, cible de toutes les attaques : toutes les raisons de se mobiliser le 6 juin
AESH – AED : des annonces présidentielles inquiétantes
Rétroactivité de l’indemnité REP+ depuis 2015 : la CGT a gagné ! Lire le communiqué de presse ICI
Les annonces présidentielles concernant les AESH et AED semblent totalement déconnectées de la réalité. Pour en savoir plus, téléchargez le tract ci-dessous
Personnels administratifs : recrutements, salaires et télétravail : tout ce qu’il faut savoir ICI
NON TITULAIRES : évaluation des enseignant·es, CPE, PSYEN, la CGT vous défend . Toutes les informations ICI
Je contacte les élus de la CGT Éduc’action de l’académie de Nantes.
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8 enfants sur 10 n’ont jamais vu de médecin scolaire

Selon le dernier rapport sur la médecine scolaire, 8 enfants sur 10 n’ont jamais vu de médecins scolaires et seulement 20% des élèves ont bénéficié de la visite obligatoire des 6 ans. Robin Reda, député Renaissance auteur du rapport, déplore le manque d’attractivité des métiers de la santé scolaire. Il propose une revalorisation en contrepartie d’un meilleur pilotage de la médecine scolaire. Il répond aux questions du Café pédagogique.

Dans quel état est la médecine scolaire aujourd’hui ?

Rapport après rapport, il est constaté que la médecine scolaire souffre de disparités territoriales, avec des statistiques inégales. Malgré ces disparités, on peut tout de même affirmer que 8 enfants sur 10 n’ont jamais eu affaire à un médecin scolaire. La médecine scolaire – qui regroupe des professionnels tels que les médecins scolaires, infirmiers scolaires, psychologues scolaires et assistantes sociales – est en souffrance car elle est confrontée à un pénurie de personnel médical, avec un déficit estimé entre 300 et 400 médecins par rapport au nombre de postes financés. En souffrance aussi dans son organisation car ces quatre professions, en fonction des territoires, des académies, n’ont pas toujours le même champs d’intervention. Pour résumer, la santé scolaire souffre du manque de valorisation et de sa désorganisation.

Manque de valorisation, c’est-à-dire ?

La médecine scolaire est souvent négligée au sein du ministère de l’Éducation, malgré l’augmentation de son budget. On l’évoque rarement, sauf lors de la publication de rapports, tels que le mien ou celui de la Cour des Comptes en 2020. Elle souffre aussi d’un manque de valorisation, notamment parce qu’il est reconnu que le personnel médical travaillant au sein de l’Éducation nationale est moins bien rémunéré que les autres professionnels médicaux fonctionnaires.

Qu’est ce qui explique l’état de délabrement de la médecine scolaire ?

Je nuance le terme de délabrement. Je souligne, d’ailleurs, dans mon rapport qu’il y a des professionnels médico-sociaux passionnés par leur métier, qui l’exercent avec compétence et qui sont très investis pour, justement, combattre toute idée de délabrement.

En revanche, en effet, il y a, depuis des années, des clivage entre la vision portée par ceux qui veulent un système de santé scolaire à l’image de celui de l’après-guerre, un service unifié au service de la réussite scolaire et ceux qui voit dans la médecine scolaire des professionnels indépendants. Des professionnels qui ont un rattachement fonctionnel différent, des réalités fonctionnelles différentes et qui réfutent l’utilité d’une centralisation de ces métiers autour d’un même service de santé. Ces atermoiements entre ces deux visions – système unifié vs spécificité des métiers – ont conduit à des difficulté dans la clarification des rôles de chacun et dans l’efficacité de ce que doit être un système de santé à l’école.

Les décrets de 2015 ont précisé le rôle des médecins scolaires et des infirmiers. Pour être au service de la réussite scolaire des élèves, il est nécessaire de dépasser les réflexes corporatistes d’un côté, et, du côté des décideurs, d’accepter l’idée d’un revalorisation.

Il faudrait un budget plus important pour la santé scolaire ?

Il faut d’abord que l’on dépense le budget actuellement existant, notamment en recrutant les médecins qui nous manquent. Il faut donc, dans un premier temps, procéder à leur revalorisation– avec une hausse du budget si l’on décide de vraiment accorder une priorité à la médecine scolaire. En retour, il est nécessaire qu’il y ait une meilleure organisation, un meilleur pilotage.

On est donc là encore dans un logique de contrepartie pour mieux rémunérer les personnels… 

J’assume, sans être dans une logique de pacte, l’idée selon laquelle il existe un problème d’organisation lié à la construction ou à la déconstruction de la médecine scolaire. Depuis des décennies, nous avons alterné entre un service unifié de médecine scolaire et la séparation des différents corps de métiers tels que les médecins et les infirmières. À mon sens, il est nécessaire d’unifier le pilotage- je ne parle pas ici du statut des personnels ni de la grille salariale. On voit bien qu’aujourd’hui ça tient beaucoup aux personnes. Cette réorganisation doit être accompagnée d’une attractivité financière. Ce sont donc deux chantiers à mener de concert plutôt qu’une simple contrepartie.

Que préconisez-vous ?

Je recommande vivement d’envoyer immédiatement un signal fort d’attractivité envers la profession de médecin scolaire. C’est celle qui souffre le plus en termes d’effectifs, alors qu’elle joue un rôle crucial dans la coordination des actions. Cela passe donc par une revalorisation rapide, que je préconise d’inclure dans le budget de l’année prochaine. Il est également nécessaire de travailler rapidement sur la réorganisation de la santé scolaire, comme je l’ai expliqué précédemment.

La troisième chose, qui est d’une grande importance, est de briser les barrières entre la médecine scolaire et la médecine générale. La carte des déserts médicaux à l’école correspond généralement à celle des déserts médicaux en ville. Si nous ne faisons pas le lien entre ces efforts, les mailles du filet resteront trop larges. Je préconise donc une meilleure intégration de la médecine scolaire dans un cadre territorial. Il est essentiel de renforcer les liens entre les réseaux pour améliorer la prévention, la détection des troubles et la prise en charge. Cela ne semble pas impossible à réaliser. Nous pouvons rapidement lancer des expérimentations encourageant les professionnels à se parler.

« 2h de sport au collège », dans 700 collèges dès la rentrée

Dans une note de service adressée aux recteurs et DASEN, le ministère confirme sa volonté d’amplifier le dispositif « deux heures hebdomadaires supplémentaires d’activité physique et sportive pour les collégiens ».

Les deux heures, annoncées par le président en avril 2022, seront déployées dans 700 collèges volontaires à partir de la rentrée 2023. Cette mesure vise à soutenir la pratique sportive des élèves âgés de 11 à 14 ans, qui présentent un décrochage significatif dans ce domaine explique le ministère. Un tiers des garçons et seulement un quart des filles pratiquent une heure d’activité physique quotidienne recommandée par l’OMS, selon une étude de la DEPP et de l’INJEP en 2022. Les « deux heures » seront prioritairement « offertes aux élèves les plus éloignés d’une pratique sportive régulière, notamment ceux qui ne sont pas inscrits à une association sportive scolaire ou à une structure sportive… Une attention particulière sera accordée aux filles et aux élèves en situation de handicap » indique la note. Les chefs d’établissement volontaires devront organiser ces deux heures supplémentaires en dehors du temps scolaire, en cohérence avec le projet d’établissement et en concertation avec l’équipe pédagogique d’EPS. Cette offre, gratuite pour les élèves, complétera l’offre sportive existante et sera promue dès septembre auprès des élèves et de leurs familles. Les associations sportives affiliées aux fédérations sportives agréées, ainsi que celles agréées « Sport » ou « Jeunesse Éducation Populaire », pourront participer à cette initiative. Les professeurs d’EPS, munis de la carte professionnelle d’éducateur sportif, pourront intervenir dans les activités physiques et sportives proposées par les clubs et associations, avec l’autorisation du chef d’établissement. Cette expérimentation est chapeautée par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (MSJOP) – qui finance l’opération – et de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ).

« Ce sont 4 heures d’EPS dont ont besoin les élèves »

« Ces deux heures de sport en plus, c’est tout sauf la solution à la sédentarisation de certains élèves » s’agace Coralie Benech, secrétaire générale du Snep-FSU. « Par ailleurs, elles ont plusieurs effets délétères. Le premier, c’est la mise en concurrence avec l’existant. L’utilisation des installations sportive est déjà source de tensions entre les heures d’EPS à l’emploi du temps et l’AS (association sportive du collège). Ces deux heures supplémentaires organisées par le tissu associatif sportif local vont venir rajouter de la difficulté ». Second effet, elles amplifient les inégalités territoriales d’accès aux activités sportives selon la responsable syndicale du syndicat des professeurs d’EPS. « Et pour finir, à l’AS, les élèves doivent payer. Les professeurs se démènent pour monter des projets – ce qui est loin d’être évident – afin de bénéficier de subventions, car il n’y a pas de financement. Là, pour ces deux heures, le gouvernement trouve de l’argent » dénonce-t-elle. Depuis plusieurs années, le syndicat revendique 4 heures d’EPS inscrites à l’emploi du temps de chaque collégien. « 4 heures d’EPS, c’est le seul moyen de lutter contre la sédentarité. Et que l’on ne nous réponde pas qu’il y a pénurie de professeurs. Notre concours est un des rares à être en tension car il y a très peu de places par rapport au nombre de candidats ».

« Ce dispositif n’a aucun sens. Sauf à vouloir éviter de mettre la main à la poche au niveau de l’Éducation nationale. C’est une manœuvre politique de communication. On sait bien que les élèves sédentaires, ceux qui ne font pas d’EPS en dehors des cours obligatoires, ont besoin d’heures de cours en plus et pas d’un dispositif qui viendra se superposer à de l’existant » ajoute Coralie Benech qui déplore qu’aucun bilan de l’expérimentation n’ait eu lieu. « Les retours que nous avons montrent que très peu d’élèves se sont inscrits dans ce dispositif dans les collèges participant à l’expérimentation. Dans l’académie de Lille, certains établissements sont allés jusqu’à organiser des cours de pêche ou d’échecs pour répondre à cette demande. Pas terrible pour lutter contre la sédentarité, non ? » ironise-t-elle.

Découverte des métiers dès la 5ème au BO

Pour le ministère, la découverte des métiers est un élément clé du parcours scolaire et professionnel des élèves. « Cette initiative vise à leur offrir des connaissances et compétences nécessaires pour construire un projet d’orientation » indique-t-il dans une note de service publiée au bulletin officiel du 25 mai. L’objectif affiché est de permettre aux élèves de mieux se connaître, découvrir de nouveaux domaines d’intérêt et se projeter dans le monde professionnel. L’Onisep et les régions sont des partenaires essentiels dans cette démarche, visant à réduire les inégalités sociales et à dynamiser les secteurs d’activité explique la rue de Grenelle. La note de service fixe les modalités de mise en œuvre de la découverte des métiers pour les élèves des classes de 5e, 4e et 3e, dans le cadre du parcours Avenir. L’année scolaire 2023-2024 marquera donc le déploiement généralisé de cette initiative dans tous les établissements malgré les réticences des syndicats enseignants. Les activités prévues comprennent des rencontres avec des professionnels, des expériences d’immersion et la découverte des formations post-collège. « Les équipes pédagogiques et les acteurs régionaux et locaux sont mobilisés pour assurer la réussite de cette démarche, favorisant ainsi l’autonomie des élèves et l’égalité des chances » communique le ministère.

 

Le texte au BO

[sudeduc44] Pacte // réforme des LP // grève du 6 juin

Le pacte, travailler plus pour gagner des miettes.
Cher-es collègues,
Dans un contexte où la souffrance au travail ne cesse de croître, le ministre propose aux enseignant-es « un pacte » qui va conduire à un alourdissement de notre charge de travail sans répondre au problème des salaires. Pour décrypter les enjeux et les pièges de ce dispositif, nous vous invitons à vous réunir en heures d’information syndicale dans vos établissements. Vous trouverez ci-joint le diaporama réalisé par SUD éducation au sujet du pacte. N’hésitez pas à vous en servir pour appuyer vos réunions.
L’intersyndicale éducation appelle à un rassemblement le mardi 27 juin à 18h (Nantes, place Graslin).
Les lycée pro : non à la réforme !
 
Par ailleurs, la réforme des lycées professionnels annoncée par le gouvernement aura de lourdes conséquences. Nous refusons fermement que l’enseignement sous statut scolaire soit réduit à l’employabilitié immédiate de nos élèves, nous nous opposons à la fermeture brutale des filières tertiaires et nous déplorons les conséquences de ces mesures sur les conditions de travail de nos collègues PLP.
Organisons-nous pour gagner !
 
Face à ces politiques publiques qui détruisent petit à petit l’École et l’ensemble des services publics, continuons de nous organiser pour riposter. Pour nos conditions de travail, pour l’avenir de nos élèves et pour la construction d’une société plus juste, rejoignez-nous et battons-nous ensemble !
La grève du mardi 6 juin, contre la réforme des retraites et pour une augmentation des salaires, sera l’occasion de nous mobiliser massivement.
Nantes : RDV au miroir d’eau à 10h30.
Les modalités des autres villes sont à venir. 
Bonne journée,
L’équipe de SUD éducation 44

SUD éducation 44
9 rue Jeanne d’Arc
44000 NANTES
Tél: 02 53 45 46 38
Port: 07 66 53 75 54
Si vous souhaitez vous desabonner de la liste, utilisez l’application http://desabonnement.ac-nantes.fr
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#OnVeutDesProfs, saison 2

Et si la réponse au manque de remplacement résidait dans une action collective contre l’État?  C’est en désespoir de cause que des parents d’un collège parisien se sont adressés à Joyce Pitcher, avocate, connue pour ses actions de masse et l’un de ses confrères, Romain Drosne. Aujourd’hui, l’action #OnVeutdesProfs prend de l’ampleur et les parents membres du collectif s’organisent.

C’est en juin 2022 que Joyce Pitcher a été contactée par un groupe de parents d’un collège du dix-huitième arrondissement. L’avocate, spécialiste des recours de masse, était plutôt habituée des litiges en lien avec les compagnies aériennes. Mais lorsque Sabine et d’autres parents ont franchi la porte de son cabinet, elle a bien compris que le sujet méritait toute son attention. « Cette action, c’est un cri de désespoir » raconte Joyce Pitcher. « Il y a une défaillance du service public, de façon générale, une forme d’abandonOn a un droit constitutionnel à l’éducation. Le code de l’éducation rappelle que c’est une priorité nationale et qu’il est le garant de l’égalité entre tous » justifie l’avocate. « Les absences non remplacées creusent les inégalités. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent. Ceux qui ont les moyens feront prendre des cours particuliers à leurs enfants ».

Pour la défense de l’école publique

Les parents qui ont poussé les portes de son cabinet en juin dernier, Joyce Pitcher les associe a des lanceurs d’alerte. « Ils ne le font pas pour eux seulement. La majorité peut compenser la rupture des apprentissages soit en faisant prendre des cours particuliers à ses enfants, soit tout simplement car ils ont le bagage culturel pour les accompagner ». Une affirmation que confirme Sabine, un des parents qui a sollicité l’avocate. « Notre combat, nous le menons pour défendre l’école publique. Nos enfants sont protégés, on peut « compenser » en partie cette perte d’apprentissage mais les autres, les parents qui ne peuvent ou ne savent pas ? On voit l’école publique s’éteindre à petits feux bien que les professeurs se démènent. On ne peut assister à la longue agonie du système sans rien tenter. Je veux pouvoir dire à mes enfants que j’ai défendu l’école publique, et le service public en général ».

Sabine a découvert les absences non remplacées à l’arrivée de son enfant au collège, « avant on était protégés par l’organisation du système du premier degré » explique-t-elle. « L’enseignante de français de mon fils était absente et là je découvre la règle admise tacitement du « pas de remplacement pour les absences de moins de 15 jours ». Nos enfants n’ont pas eu cours de français pendant huit semaines. On a envoyé des mails, sans réponse. On s’est tournés vers la FCPE, aussi démunie que nous. On s’est épuisés en appels téléphonique, en mails, en courriers, en demande de rendez-vous. En vain. On a fini par se demander si cela valait le coup puisqu’on nous répondait qu’il n’y a tout simplement pas de profs. Notre collège est en éducation prioritaire. En quoi est-on prioritaire si même les cours ne sont pas assurés ? » fustige la maman.

Très vite, Sabine et les parents de son collège se rendent compte que leur situation n’est pas exceptionnelle. Et en effet, elle est loin d’être isolée. À l’image de L, maman d’un élève de première au lycée Ravel de Paris, dont le fils n’a pas eu cours de français pendant sept semaines sans que cela semble poser de souci à l’administration de l’établissements qui tergiverse sur le fait de l’indiquer sur le bulletin des élèves – bulletin consulté dans le cadre de la procédure de sélection ParcourSup.

En 2013, la FCPE révélait qu’un élève de Seine-Saint-Denis perd en moyenne un an de sa scolarité entre le CP et la terminale. En 2012, même la cour des comptes alertait sur le  nombre important d’absences de moins de 15 jours sans remplacement. Le Président s’est d’ailleurs saisi du dossier et annonce depuis maintenant plusieurs mois que toutes les absences seront remplacées dès septembre 2023, comptant sur un nombre important de professeurs qui signeront le pacte. Et le sujet est sensible, pour preuve, la grande opacité qui entoure le nombre d’heures d’absences. Le gouvernement, pourtant si prompt à tenter de chiffrer les absences des élèves le jour de l’Aïd, ne s’est toujours pas saisi de la question…

Faire vivre un droit constitutionnel

Pour Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU, « Cette action a le mérite de visibiliser la question du non-remplacement à l’école. Elle permet de montrer que l’État ne joue pas son rôle. Le Président ne cesse de déclarer qu’à la rentrée tous les remplacements seront assurés, c’est faux. Il n’y a pas assez de personnels. Et lorsque le Ministre est interrogé sur la spécificité du premier degré, il botte en touche en expliquant qu’il n’y a pas de sujet car les enfants sont tous accueillis ». Pour la responsable syndicale, la situation s’est dégradée depuis 2017. « Sur certains territoires, on a utilisé les postes de remplaçants pour compenser la pénurie de professeurs et avoir un professeur devant les élèves à la rentrée. Et puis, les dédoublements de classe se sont faits à moyens constants. L’administration a pioché sur les postes de remplaçants ». Et quand on évoque le recrutement de contractuels, elle rappelle qu’ils sont  « recrutés à la va-vite et démissionnent pour certains au bout de quelques semaines ».

A ce jour, Joyce Pitcher gère des dossiers dans vingt académies. « Il y a des requêtes en indemnisation. On réclame 10 euros par heure de cours dans le second degré, 50 euros la journée dans le premier, 500 euros de dommages et intérêts pour les parents et le remboursement des frais occasionnés par l’emploi d’un professeur particulier quand il y a lieu. On a aussi des actions en référé, des actions d’urgence, auprès des tribunaux administratifs et cela a pas mal fonctionné. Les deux fois, on a eu tout de suite un remplacement ».

L’avocate et les parents se défendent de mener cette action pour de l’argent. « On donne la parole aux parents qui ne savent plus à qui s’adresser. Ils sont venus me voir après avoir tenté en vain de trouver des solutions. L’enjeu n’est pas de gagner de l’argent, mais de changer les choses, de trouver des solutions » précise l’avocate. « On a voulu tenté quelque chose qui n’avait jamais été tenté. On a décidé d’attaquer l’État via le cabinet de Joyce avec qui on s’est entendus pour que les procédures soient portées sans frais pour les familles » complète Sabine.

« C’est écrit dans la constitution, ce n’est pas une lubie de parents gauchos ambassadeurs du vivre ensemble » rappelle Sabine. Et en effet, dans le paragraphe 13 du préambule de la constitution de 1946, il est inscrit que : « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». « Cette action, qui est tout de même judiciaire, permet de mettre en lumière cette problématique. Le droit à l’éducation n’est pas respecté, on demande la mise en jeu de la responsabilité de l’État du fait de sa défaillance » conclut Joyce Pitcher.

Pour plus d’informations,

Le site Justice cool

Pour assister à un Facebook Live sur l’action

Les dépenses d’éducation : des disparités entre les niveaux d’études et les pays

Dans une récente note, la DEPP compare les dépenses d’éducations des pays de l’OCDE. « En 2019, dernière année disponible pour les comparaisons internationales, en France, les dépenses d’éducation au sens des comparaisons internationales de l’OCDE représentent 5,2 % du PIB. Cette part dépasse la moyenne des pays de l’OCDE (4,9 %) mais aussi celles observées en Italie, Espagne et Allemagne. L’effort est plus élevé aux Etats-Unis, Royaume-Uni et Norvège » indiquent les services statistiques du ministère qui pointent les disparités des dépenses françaises en fonction des niveaux d’enseignement.

L’effort d’un pays pour l’éducation ne peut être évalué uniquement en se basant sur la part de son PIB ou de sa dépense publique consacrée à l’éducation. En effet, la part de la population bénéficiaire, c’est-à-dire les élèves et étudiants, diffère considérablement selon les pays. En 2021, la France et l’Irlande sont les seuls pays de l’Union européenne à avoir plus de 30 % de leur population totale âgée de moins de 25 ans. En comparaison, cette part représente moins de 25 % en Allemagne, Espagne et Italie. Ainsi, une approche plus précise consiste à comparer les dépenses moyennes par élève qui prennent en compte les effectifs d’élèves de chaque pays, à partir de l’enseignement élémentaire.

Des disparités significatives entre les pays

Les dépenses par élève en France se situent au-dessus de la moyenne de l’OCDE, avec 13 050 $ PPA contre 11 990 $ PPA. Les disparités entre les pays sont très marquées. Par exemple, en Espagne, le coût moyen est inférieur à la moyenne de l’OCDE (10 690 $ PPA), tout comme en Italie (10 900 $ PPA). En revanche, le coût d’un élève allemand est supérieur de 12 % à celui d’un élève français. Il est important de noter que même si les dépenses par élève sont plus élevées en Norvège, les effectifs d’élèves y sont près de dix fois moins nombreux qu’en France.

Les dépenses d’éducation par niveau d’études en France

Dans l’enseignement élémentaire, les dépenses d’éducation par élève en France sont nettement inférieures à la moyenne de l’OCDE (9 310 $ PPA contre 9 920 $ PPA) et supérieures à celles de l’Espagne (8 580 $ PPA). En revanche, dans l’enseignement secondaire, la France dépense davantage, avec 13 480 $ PPA, se situant bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE (11 400 $ PPA). Cette tendance se confirme dans le second cycle du secondaire, où la France consacre 15 720 $ PPA par élève, légèrement inférieur aux États-Unis, à l’Allemagne et à la Norvège qui investissent plus de 16 300 $ PPA. C’est dans l’enseignement supérieur que le coût moyen est le plus élevé en France, avec 18 140 $ PPA par étudiant, dépassant la moyenne de l’OCDE (17 560 $ PPA).

Facteurs explicatifs des disparités des dépenses par élève

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les disparités des dépenses par élève entre les pays, notamment l’organisation des systèmes éducatifs. Le premier facteur est lié aux dépenses de rémunération du personnel, en particulier des enseignants, qui représentent le premier poste de dépense. D’autres facteurs tels que la taille des classes et le temps d’enseignement peuvent également avoir une influence. Par ailleurs, les dépenses liées aux services auxiliaires tels que les transports scolaires, la restauration ou l’hébergement, ainsi que les investissements dans la recherche et le développement (R&D), expliquent également les différences entre les pays.

Les services auxiliaires et la R&D en France

En France, la part des services auxiliaires dans les dépenses d’éducation est relativement élevée, représentant 12,2 % des dépenses par élève dans l’enseignement scolaire, comparé à une moyenne de 5,6 % dans les pays de l’OCDE. Cette part est similaire à celle de la Finlande et du Royaume-Uni. En revanche, les services auxiliaires représentent moins de 4,2 % des dépenses par élève en Italie, en Norvège et en Allemagne. Dans l’enseignement supérieur, la part des services auxiliaires en France est comparable à la moyenne de l’OCDE. Les dépenses de R&D jouent également un rôle dans les écarts entre les pays. En France, elles représentent 29,8 % des dépenses, tandis qu’en Suède elles en représentent plus de la moitié. En Allemagne et en Finlande, la R&D représente également plus de 40 % des dépenses, contribuant ainsi à des dépenses par élève/étudiant plus élevées.

Évolution des dépenses d’éducation en France

Entre 2012 et 2019, la dépense annuelle moyenne par élève en France a légèrement augmenté, avec une progression de 0,4 % en moyenne chaque année, alors que dans l’OCDE, elle a augmenté en moyenne de 1,8 %. Les dépenses d’éducation dans l’enseignement élémentaire en France ont connu une croissance plus soutenue, avec une augmentation moyenne annuelle de 1,7 % sur la période, en lien avec la priorité accordée au primaire depuis 2017. En revanche, dans l’enseignement supérieur, la France a connu une baisse de dépenses moyennes par étudiant (-0,4 % par an) en raison de l’augmentation rapide des effectifs étudiants. Comparativement, l’Allemagne a légèrement augmenté ses dépenses dans l’enseignement supérieur, mais ses effectifs étudiants ont également augmenté plus rapidement.

Les dépenses d’éducation en France présentent des disparités significatives selon les niveaux d’études. Alors que les dépenses par élève en France sont supérieures à la moyenne de l’OCDE dans le secondaire et le supérieur, elles restent inférieures dans l’élémentaire. Les facteurs tels que les rémunérations des enseignants, la taille des classes, les services auxiliaires et les investissements en R&D contribuent à expliquer ces différences.

Français en lycée : une lettre au Recteur

Les professeurs de français en lycée sont-ils, comme leur discipline elle-même, au bout du rouleau : celui des programmes et du bachotage ? Beaucoup expriment leur épuisement ou leur colère, qui se focalisent en cette fin d’année sur le nombre imposé de textes à présenter à l’oral. Dans l’académie d’Orléans-Tours, à la suite d’un courrier des IA-IPR, un collectif s’est ainsi constitué pour écrire au Recteur : dans cette lettre, fort représentative, ils demandent un assouplissement des prescriptions et témoignent de la perte de sens de leur métier…

Lettre au Recteur EAF 2023

Le français au lycée droit dans le mur

RFVE : « Mixité sociale à l’école : tout ça pour ça… «

« Le fait que le ministre Pap Ndiaye ait identifié la mixité comme une priorité de son ordre du jour a suscité beaucoup d’espoir pour les élues et élus du Réseau, comme pour tous les acteurs de terrain qui se sont beaucoup exprimés dans la période récente » écrit le Réseau français des villes éducatrices dans un communiqué. Le RFVE qui était « dans l’attente d’annonces qui puissent permettre d’imaginer un avenir meilleur pour les enfants des établissements ségrégués » se dit déçu mais pas surpris. « Nous ne pouvons aujourd’hui que constater l’immense gâchis et les espoirs brisés. Les « annonces » faites presque en cachette se résument à une injonction floue faite aux recteurs et ne constituent en aucun cas une politique publique. En tout état de cause, elles sont bien loin de l’ambition qu’il aurait fallu déployer ».

Selon les membres du RFVE, « le sujet de la mixité sociale en éducation ne peut se contenter de petites mesures ou d’incitations… Elle a besoin de plus de moyens, de manière urgente, condition indispensable d’amélioration de la confiance que lui portent les familles. Il faut en accueillir correctement les enfants en situation de handicap, remplacer toutes les absences de professeurs, proposer des parcours culturels et sportifs à tous les enfants, libérer du temps pour les échanges professionnels et pédagogiques. Ce sont des moyens au service des élèves qui pourraient rendre l’école de la République attractive pour toutes les familles ».

« Les collectivités territoriales, à tous les niveaux, ont leur rôle à jouer, et beaucoup ont déjà largement commencé à investir pour la mixité sociale à l’école. Mais comment continuer à avancer si aucun objectif clair n’est identifié au niveau de l’État et de l’Éducation nationale ? Si aucun moyen n’est alloué, aucun interlocuteur clairement identifié ? » interrogent-ils. « Nous redisons notre sentiment d’urgence à ce que la question de la mixité sociale à l’école soit identifiée comme un enjeu prioritaire de notre République ».

[CEMPdL] Casserolade en vue ce jeudi à 8h15 à la Cité des Congrès de Nantes

Comité d’accueil ce matin pour Darrieussecq et El Hairi à la Cité des Congrès à Nantes
Ce jeudi 25 mai, 8h15
Formons un comité d’accueil bruyant ce matin devant la Cité des Congrès à Nantes :
la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq
et la Secrétaire d’État, chargée de la Jeunesse et du Service national universel Sarah El Hairi
y sont attendues au 62e congrès annuel de l’UNAPEI
 

A 11h , elles seront en visite à l’institut médico-éducatif (IME) « La Fleuriaye »

7 rue Thomas Edison – 44470 Carquefou

 Plusieurs caisses de grève pour soutenir les salarié·es en grève pour exiger le retrait de la réforme des retraites. Ces caisses permettront d’aider en priorité les personnes qui ont fait grève et qui sont dans une situation de précarité particulière.

 Caisse de grève de la CGT Spectacle : https://urlz.fr/kYcj

Caisse de grève des syndicats Nantes Métropole, Ville de Nantes et CCAS ici

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Culture en lutte
Culture en Lutte est le mouvement des professionnel.le.s du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma dans la région Pays de la Loire, qui réunit des syndiqué.e.s de la CGT Spectacle, des non syndiqué.e.s et des adhérent.e.s du SYNAVI.

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Lettre d’info CGT Educ’Action – Semaine 21

Les vacances d’été creusent les écarts de performances scolaires

Selon une récente étude récente de la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, les vacances d’été ont des conséquences négatives sur les performances scolaires. Les résultats indiquent que les écarts de performances entre les élèves augmentent à la suite des congés. Les domaines les plus touchés sont les mathématiques et le français, avec des tendances divergentes selon la scolarisation en REP ou hors REP et le sexe des élèves.

Les mathématiques : stagnation et creusement des inégalités

Après les vacances d’été, les performances en mathématiques stagnent ou diminuent dans la plupart des domaines, sauf en résolution de problèmes. De plus, les écarts de performances entre les élèves selon leur secteur de scolarisation augmentent, principalement au détriment de ceux scolarisés en éducation prioritaire (REP+). Cette tendance à l’aggravation des inégalités entre les secteurs se réduit légèrement entre septembre et janvier, mais à la rentrée de CE1, ces écarts sont à nouveau en hausse, effaçant une partie des progrès observés en début d’année de CP. Ainsi, bien que l’année de CP contribue à réduire les écarts entre les secteurs de scolarisation, les vacances d’été entraînent une détérioration des performances en mathématiques, en particulier chez les élèves en REP+.

Le français : progrès mitigés et écarts persistants

En ce qui concerne le français, les résultats sont plus encourageants. Après les vacances d’été, les élèves affichent une amélioration de leur niveau, à l’exception de l’orthographe qui ne progresse pas significativement. Cependant, les écarts de performances entre les secteurs restent stables dans le domaine de la compréhension, tandis qu’ils augmentent en lecture à voix haute et en écriture. Globalement, l’éloignement de l’école pendant les vacances d’été semble accentuer les inégalités de compétences en lecture et en écriture.

Effets différenciés selon le sexe

Les écarts de performances entre les garçons et les filles varient selon les disciplines. En mathématiques, les écarts se creusent pendant les vacances, avec une nette avance des garçons dans tous les domaines, à l’exception du calcul mental. En revanche, en français, ce sont les filles qui affichent de meilleures performances, et l’écart entre les sexes reste presque constant entre juin et septembre.

Cette étude souligne l’impact négatif des vacances d’été sur les performances scolaires des élèves. Les mathématiques semblent être le domaine le plus touché, avec une stagnation voire une baisse du niveau, et une augmentation des inégalités entre les secteurs de scolarisation, en particulier pour les élèves en éducation prioritaire. En français, bien que des progrès soient observés, les écarts entre les secteurs persistent, mettant en évidence l’importance de maintenir un soutien éducatif continu pour lutter contre les inégalités. Ces résultats soulignent l’importance de réfléchir à des mesures visant à atténuer l’impact négatif des vacances d’été sur les acquis scolaires des élèves de milieux populaires. L’éducation populaire a un rôle central à jouer, encore faut-il qu’elle en ait les moyens.

Des enseignants « noirs de colère » à Vaulx-en-Velin

Les enseignants du lycée Doisneau de Vaulx-en-Velin sont dans « noirs de colère » et ils ont décidés de le faire savoir. Mardi 23 mai, une trentaine d’entre eux se sont mobilisés devant leur établissement pour manifester leur mécontentement. En février dernier, ils avaient déjà adressé un courrier au recteur pour dénoncer la Dotation Horaire Globale (DHG) pour l’année scolaire 2023-2024. « Nous n’avons été reçus en audience qu’au mois de mars » expliquent-ils, déçus de ne pas avoir reçu de promesses concrète lors de cette rencontre. Ils demandent :

  • Trois postes supplémentaires d’AED
  • Un troisième poste ce CPE (conseiller principal d’éducation) à temps plein
  • Un poste supplémentaire de personnel administratif
  • Une trentaine d’heures de DHG pour pouvoir assurer les cours en demi-groupe, les projets et le soutien des élèves

« Il est urgent que le Rectorat accorde les moyens nécessaires à nos lycées et reconnaissent la spécificité du public accueilli : une majorité d’élèves issus des catégories « défavorisées » et « très défavorisées » et scolarisés dans des collèges REP+ » soulignent-ils. « Dans sa lettre de rentrée, le Ministre Pap Ndiaye affichait son souci de lutter contre l’inégalité des chances. Sur le terrain, nous constatons un manque d’ambition récurrent du Rectorat pour nos élèves qui méritent beaucoup mieux qu’une éducation au rabais, entassés à 35 élèves comme c’est le cas pour plusieurs classes de première et terminale ».

Ce mardi 30 mai, ils espèrent avoir été entendus par le Rectorat et annoncent d’ores et déjà un nouveau rassemblement pour la semaine prochaine, cette fois-ci en compagnie des élèves.

Un film pour donner à voir les conséquences de la fermeture d’une classe

Depuis plusieurs mois, le Café pédagogique se fait l’écho des fermetures massives de classes à la prochaine rentrée. Fermer une classe n’est pas anodin. C’est toute la vie d’une école qui s’en trouve bouleversée.

À l’école de Couret, petit village de basse montagne en Haute-Garonne, une classe fermera en septembre prochain. Les parents et professeurs ont réalisé une courte vidéo, de grande qualité, qui met en avant les avantages d’un effectif réduit dans une école de campagne isolée de toutes infrastructures sportives et culturelles. Une vidéo qui cherche aussi à refléter le désarrois dans lequel ils se retrouvent – ainsi que les professeurs – depuis l’annonce de la fermeture de la classe.

La vidéo est à visualiser ici

 

Le courrier des parents et enseignants :

Décision de fermeture de classe du RPI HG-25 Couret/Ganties/Estadens, 

Commune de Couret (31160)

La classe de GS/CP de Couret (31160), petit village de campagne dans le piémont pyrénéen, va fermer ses portes à la rentrée 2023, décision arbitraire basée sur des quotas nationaux, ne prenant pas en compte la réalité du terrain.

Les parents d’élèves du se mobilisent, avec les professeurs, pour tenter de faire annuler cette décision totalement arbitraire.

Vous trouverez ci-dessous, les conséquences d’une fermeture de classe au sein du RPI de Couret-Estadens-Ganties, comprenant 3 petites écoles dans le Comminges (liste non-exhaustive).

Effectif surchargé

L’effectif de la classe pour la rentrée 2023, identique à l’année précédente, serait de 27 élèves en maternelle multi-niveaux de la très petite section à la grande section (22 si la directrice décide de ne plus accueillir les TPS). Nous aurions donc, dans notre petite école de campagne, l’équivalent d’un simple niveau en ville. Il suffit de 2 ou 3 inscrits en cours d’année pour que nous dépassions les 30 élèves en multi-niveaux de maternelle !

Rappelons que ce sont exactement les mêmes conditions qui ont motivé l’ouverture d’une classe dans cette école en 2010.

Salle de classe inadaptée

Le deuxième souci, et pas des moindres, serait celui de la superficie de la classe : elle fait moins de 40m² ! Le Ministère de l’Éducation Nationale préconise pourtant des salles de classe de plus de 60m².

Avec moins de 1,5m² par enfant, l’aménagement de la classe selon les recommandations de la Direction des services départementaux de l’Éducation Nationale de la Haute-Garonne, est irréalisable. Comment envisager d’aménager une classe moins de 40m²  avec un coin regroupement pour plus de 25 élèves, et des espaces répondant aux « besoins de mouvement, de manipulation, d’exploration et de construction, de repos et de repli, de jeu à quelques-uns et de jeu solitaire des 2/4 ans« , ainsi qu’un « coin « livres », un coin « écriture », un coin « arts-visuels et graphisme », un coin « construction », un coin « jeux numériques », un coin « exploration du monde », un coin « musique et écoute », etc… dans lesquels les enfants retrouvent pour une utilisation libre des supports et des outils pédagogiques déjà expérimentés » répondants aux besoins des 4/6ans ?

Cela va à l’encontre de toutes les études et recommandations officielles.

De plus, le caractère exigu des locaux rend impossible le maintien d’une quelconque distanciation sociale. Et pourtant, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle pandémie.

RPI en perdition

Enfin, ce n’est pas une école qui subira les conséquences de la fermeture de classe, mais les 3 écoles du RPI HG-25 Couret/Ganties/Estadens qui seront impactées par une hausse des effectifs et des classes triple niveaux. Les conditions d’apprentissage des élèves et de travail des professeurs seront dégradées dans les 3 écoles. Quelques soient les scénarios, au moins une classe d’école élémentaire aurait un effectif de plus de 25 élèves en triple niveau.

En plus d’un professeur qui s’en va, c’est aussi une ATSEM que nous perdons; une personne supplémentaire qui devra chercher du travail à la fin de l’année scolaire. Nous avons demandé à ce que le poste soit maintenu en maternelle afin de pallier au manque évident de moyens mis à la disposition de l’enseignant. Mais nous avons peu d’espoir sur ce point; la réponse des élus locaux ayant été très évasive à ce sujet.

Échec scolaire pour tous ?

Le fondement de l’école publique, c’est l’égalité des chances pour tous. Cette décision politique va considérablement appauvrir le niveau d’enseignement dans les écoles du RPI Couret/Estadens/Ganties.

Y-a-t-il vraiment une volonté politique de réussite scolaire pour tous les enfants? Le déterminisme social est déjà un défaut majeur de l’éducation publique en France. Cette politique de fermetures de classes vient directement le renforcer.

De plus, de récentes études ont montré que la réduction des effectifs a un impact significatif sur la réussite scolaire dans les écoles primaires.

Rappelons que le rapport de la DEPP publié en décembre 2022 classe la France parmi les plus mauvais en termes de taux d’encadrement en maternelle et en primaire ( plus de 22 élèves par classe) et de niveau salarial.

Incapacité à accueillir tous les élèves alors que les services d’accueil petite enfance sont saturés

Comme les conditions d’accueil des élèves seraient mauvaises, l’arrêt de l’accueil des TPS est envisagé. Une telle situation engendrera très certainement une saturation des services d’accueil petite enfance dans notre territoire. Il est déjà extrêmement compliqué pour les parents de trouver un accueil aujourd’hui, donc si les plus grands ne vont pas à l’école, cela le sera encore plus demain.

De plus, nous assisterions à une terrible injustice sociale : l’école propose un espace de socialisation et d’apprentissage nécessaire pour les plus jeunes enfants, surtout dans notre territoire, dépourvu d’espaces d’accueil et de rencontre indispensables à l’épanouissement des familles.

Dans un contexte de crise économique telle que nous la connaissons aujourd’hui, il paraît aberrant de sacrifier le bien-être et la sécurité (physique et affective) de nos enfants. Nous voyons ici les preuves d’une politique à économies court-termistes.

Pauvreté du territoire, pauvreté de l’enseignement

L’école de Couret se trouve en zone rurale isolée, zone de Montagne et zone de revitalisation rurale. Une situation exceptionnelle qui devrait légitimer un traitement spécifique de l’éducation qui ne soit pas basé sur des données quantitatives globales.

L’aménagement de notre territoire est tel que l’accès à la culture ou à des équipements sportifs pour les écoles est quasi-impossible. Le seul avantage d’un petit territoire comme le nôtre c’est la qualité d’accueil des écoles grâce aux effectifs réduits dans les classes. Si l’on surcharge les classes dans de petits espaces, les professeurs ne seront plus en mesure de pallier à ce manquement.

Pourquoi les familles qui font le choix de rester ou de venir habiter en campagne, supportant des temps de trajet plus longs pour aller travailler, ou sacrifiant leur vie professionnelle pour une meilleure qualité de vie, paieraient-elles les conséquences d’une politique mettant à mal le service public? Ces familles feront vite le choix de continuer à déserter les campagnes si la qualité d’éducation de leurs enfants n’est pas satisfaisante.

Désert médical, désert scolaire

Les services de soin sont saturés, les enfants doivent attendre plus d’un an pour un bilan chez l’orthophoniste ou l’ergothérapeute. Comment prendre en charge les enfants à besoins particuliers dans une école inclusive qui ne peut pas l’être lorsque les élèves en difficulté sont trop nombreux et dans des locaux inadaptés ?

Les chiffres 

Au niveau national, c’est la suppression de 2000 postes adoptée lors de la loi de Finance du 4 novembre 2022 et 4944 fermetures de classes dont 2259 ne rouvriront pas.

Les fermetures de classe en Haute-Garonne ont été décidées début février, et c’est l’hécatombe : 98 fermetures de classes pour seulement 54 ouvertures pour le département, 6 fermetures pour 1 seule ouverture de classe dans notre circonscription Haut-Comminges ! C’est 42 postes de professeurs des écoles en moins sur l’académie, 6 pour la Haute-Garonne.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le collectif de parents d’élèves du RPI Couret/Ganties/Estadens demandent le maintien de la classe de GS/CP à Couret pour la rentrée 2023 et les suivantes.

Une pétition est en lignehttps://chng.it/HYVxWz42mP 

No Ghetto : une table ronde pour parler mixité

L’association No Ghetto organise une table ronde sur la mixité sociale « Le collège, la carte et la métropole ou comment lutter contre la ségrégation sociale dans les collèges ». Elle aura lieu le 31 mai à 18h30 au Tuba à Lyon.

La table ronde sera animée par un journaliste de Médiacités et « sera l’occasion d’écouter le sociologue Hugo Botton qui a démontré comment la carte scolaire pouvait avoir un rôle dans l’amplification ou la réduction de la ségrégation sociale dans les collèges ».

Pour plus d’informations et inscription, c’est par ici

« Les conditions de travail se dégradent depuis les années 1990 »

23.05.2023, par

© Paul Bradbury, KOTO / stock.adobe.com

Les actifs français font face à un cocktail de contraintes – contraintes physiques, contraintes psychiques et contraintes psycho-sociales –, qui s’accumulent et placent la France en queue de peloton sur la question des conditions de travail en Europe.
Intensification du travail, alourdissement des contraintes physiques et psychologiques, manque d’autonomie…, conduisent un tiers des actifs français à juger aujourd’hui leur travail « insoutenable ». Pour Dominique Méda, sociologue du travail, les enquêtes françaises et européennes sur les conditions de travail disent depuis de nombreuses années la crise majeure du travail en France. Entretien.

Vous dirigez l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales1. Avant cela, vous avez travaillé durant douze ans à la Dares, le service de recherche et de statistiques du ministère du Travail. Que vous inspire la dernière enquête sur les conditions de travail divulguée en mars par ce service 2?
Dominique Méda. Le résultat majeur de cette enquête menée en 2019, et publiée en mars dernier, tient en un chiffre : 37 % des actifs occupés disent ne pas se sentir capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite, et considèrent que ce travail n’est pas « soutenable » − le terme exact employé dans l’enquête. C’est très important de voir que ce jugement concerne toutes les catégories professionnelles : 39 % des ouvriers et des employés jugent leur travail insoutenable, mais aussi 32 % des cadres. Autre élément intéressant : les femmes, et notamment les femmes avec enfants, sont plus nombreuses que les hommes à dire qu’elles ne tiendront pas jusqu’à la retraite, puisqu’elles sont 41 % à le dire, contre 34 % pour les hommes.

Ces résultats sont tout sauf une surprise : depuis des années, les enquêtes sur les conditions de travail documentent la crise majeure du travail en France. Que ce soit l’enquête menée par le ministère du Travail depuis 1978 auprès de 25 000 actifs occupés, que nous venons d’évoquer, ou l’enquête européenne Eurofound3, conduite auprès de 71 000 actifs dans 36 pays européens, dont les derniers résultats viennent tout juste d’être dévoilés.

Manifestation à Rennes, en mai 2021. A l’hôpital, un tiers des soignants disent ne pas être fiers de leur travail, faute de temps pour l’effectuer correctement.

 

Depuis quand les conditions de travail se dégradent-elles en France ?
D. M. Il y a une tendance générale à l’intensification du travail en France, qui a commencé dans les années 1990 et joue un rôle majeur dans la dégradation des conditions de travail. Le phénomène a connu une courte pause sur la période 1998-2005, lors de la mise en place des 35 heures, pour mieux repartir ensuite. Cette intensification, qui rime avec délais courts et rythme de travail plus élevé, donne aux actifs le sentiment d’être empêchés de fournir un travail de qualité.

Le « travail pressé » s’est imposé dans tous les secteurs professionnels. Aujourd’hui, plus de la moitié des actifs travaillent dans des délais courts.

Lors de l’enquête française de 2013, nous avions été alertés sur les conditions de travail à l’hôpital, où plus d’un tiers des personnes interrogées disaient ne pas être fières de leur travail, et être obligées de faire moins bien leur travail. Mais ce modèle de la hâte, que les chercheurs Corinne Gaudart et Serge Volkoff nomment « le travail pressé 4», s’est imposé dans tous les secteurs professionnels : aujourd’hui, plus de la moitié des actifs occupés indiquent devoir travailler toujours ou souvent dans des délais très stricts et très courts.

Que recouvre plus précisément la dégradation des conditions de travail ?
D. M. On est face à un cocktail de contraintes – contraintes physiques, contraintes psychiques et contraintes psycho-sociales –, qui s’accumulent et placent la France en queue de peloton sur la question des conditions de travail en Europe. Notre pays est particulièrement mal classé sur les contraintes physiques. Ainsi, selon l’enquête Conditions de travail d’Eurofound, 33,9 % des actifs occupés français subissent des postures de travail douloureuses et 25,4 % portent des charges lourdes, tandis que 17,7 % sont exposés à des produits toxiques. Pour rappel, il s’agit là de trois des quatre critères de pénibilité supprimés par les ordonnances travail de septembre 2017 (sur les dix risques professionnels reconnus auparavant).

Les postures douloureuses, le port de charges lourdes et l’exposition à des produits toxiques font partie, avec l’exposition aux vibrations mécaniques, des 4 critères de pénibilité sur les 10 existants supprimés par les ordonnances travail de septembre 2017.

 

Aux contraintes physiques, qui ont peu diminué ces vingt dernières années, s’ajoutent des contraintes émotionnelles particulièrement fortes. Ainsi, un quart des actifs français déclarent être confrontés à des situations perturbantes sur le plan émotionnel, et ce alors qu’ils sont seulement 36,7 % à pouvoir compter sur l’aide et le soutien de leurs collègues. Il faut noter que sur tous les critères étudiés par l’enquête européenne, la France se situe systématiquement derrière l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas, mais aussi derrière la moyenne de l’Europe des vingt-sept. Dans l’index de qualité de l’emploi qui synthétise ces résultats, et qui met en regard les exigences imposées aux travailleurs et les ressources et soutiens dont ils disposent pour y faire face, la France figure parmi les trois derniers avec la Slovaquie et la Pologne, avec une proportion de 39 % de Français se trouvant dans un emploi « tendu » – contre 22 % au Danemark, 22,7 % aux Pays-Bas, 23,9 % en Allemagne et 30,3 % dans l’Europe des vingt-sept.

Une caractéristique intéressante, relevée par les enquêtes, est le manque de consultation des actifs français dans leur vie professionnelle…
D. M. Cela fait partie intégrante de la dégradation des conditions de travail que j’évoquais. La moitié des actifs français disent ne pas être consultés avant que des objectifs de travail leur soient fixés, et considèrent ne pas pouvoir influencer les décisions importantes pour leur travail. C’est très caractéristique du manque d’autonomie dont se plaignent en général les Français, et ce alors même que les exigences auxquelles ils font face sont élevées.

La moitié des actifs français disent ne pas être consultés avant que des objectifs de travail leur soient fixés.

Mais le plus grand des paradoxes, tout du moins en apparence, c’est que la France, malgré des conditions de travail difficiles, est l’un des pays européens où les attentes par rapport au travail sont les plus élevées : au-delà du salaire, les Français attendent de leur travail qu’il soit intéressant et leur fournisse un cadre fort de sociabilité. Ces attentes, plus élevées qu’ailleurs, se fracassent sur la réalité des conditions de travail.

Qu’est-ce que ces résultats disent de l’organisation du travail en France ?
D. M. Des exigences élevées, couplées à une faible autonomie, sont la caractéristique des organisations en lean-management massivement adoptées par la France depuis les années 1980. Thomas Coutrot et un certain nombre d’autres chercheurs l’expliquent bien : dans les années 1980, on a voulu sortir du Taylorisme – c’est-à-dire, du travail prescrit – et importer les méthodes japonaises déployées notamment par des industriels comme Toyota. Le principe du toyotisme, c’est de fixer des objectifs aux équipes et de les laisser les atteindre par leurs propres moyens. Mais cela a dérapé. Au lieu d’un bon management par objectifs, tout s’est rigidifié : ont été mis en place des indicateurs de performance, du reporting permanent, qui ont signé la fin de l’autonomie et compliqué à l’envi la vie des salariés. C’est vrai dans le privé comme dans le public, où l’on voit des actifs passer plus de temps à effectuer des tâches administratives de reporting qu’à se concentrer sur leur cœur de métier.

Adopté massivement en France à partir des années 1980, le modèle du lean-management a dérapé : indicateurs de performance, reporting permanent, ont signé la fin de l’autonomie des salariés du privé comme du public, selon Dominique Méda.

 

C’est tout l’inverse des organisations dites « apprenantes » déployées dans les pays du nord de l’Europe, avec le succès que l’on sait puisque les salariés de ces pays, on l’a vu, sont majoritairement satisfaits de leurs conditions de travail.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces organisations apprenantes qui expliqueraient les bons résultats de l’Europe du Nord ?
D. M. Une organisation apprenante, c’est une organisation dans laquelle les salariés participent activement à l’élaboration des objectifs avec la hiérarchie, apprennent en continu et disposent de l’autonomie qui leur permet de réellement déployer leurs compétences, au lieu que tout leur soit dicté de l’extérieur. C’est un mode d’organisation associé à plus de bien-être au travail. Ce que l’on constate, c’est que ces organisations apprenantes sont systématiquement associées à une présence forte des syndicats dans l’entreprise. C’est le cas en Allemagne, où le taux de syndicalisation tourne autour de 18 %, et c’est surtout le cas au Danemark et aux Pays-Bas, notamment, où il flirte avec les 70 % et où les syndicats sont étroitement associés à la prise des décisions qui concernent les travailleurs.

En Allemagne, comme ici chez Volkswagen, les salariés sont présents dans les conseils d’entreprise, mais aussi dans les conseils de surveillance où ils comptent pour un tiers des membres au minimum.

 

Quelles sont, selon vous, les pistes pour sortir de cette crise du travail en France ?
D. M. La priorité est de s’occuper des conditions de travail. Il faut prendre la question à bras le corps et lancer un grand plan, en mettant à contribution l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), qui avait accompagné les entreprises et l’ensemble des acteurs lors de la mise en place de la réduction du temps de travail. Avant cela, il est nécessaire de redonner la parole aux salariés, en établissant des diagnostics partagés dans l’entreprise.

L’entreprise étant constituée de deux parties – les apporteurs de capital (les actionnaires) et les investisseurs en travail (les salariés) −, il faut que les deux puissent avoir voix au chapitre. La meilleure chose à faire est de s’engager résolument sur la voie de la codétermination, comme cela se passe en Allemagne et dans les pays du nord de l’Europe.

D’une manière générale, il me paraît important de redonner du pouvoir aux salariés, et de faire plus de place à leurs représentants. Ce que nous proposons, avec mes collègues Isabelle Ferreras et Julie Battilana dans notre manifeste Travail. Démocratiser. Démarchandiser. Dépolluer – qui rassemble les contributions de douze chercheuses internationales – c’est de tendre vers le bicaméralisme. L’entreprise étant constituée de deux parties – les apporteurs de capital (les actionnaires) et les investisseurs en travail (les salariés) −, il faut que les deux puissent avoir voix au chapitre. La meilleure chose à faire, selon nous, est de s’engager résolument sur la voie de la codétermination, comme cela se passe en Allemagne et dans les pays du nord de l’Europe. Là-bas, les salariés sont présents dans les conseils d’entreprise, mais aussi dans les conseils de surveillance où au moins un tiers des membres sont des salariés ou des représentants de salariés. Tout le monde y gagnera.

Et dans l’immédiat, que peut-on faire ?
D. M. Plusieurs décisions issues des ordonnances travail de 2017 ont eu des conséquences néfastes pour les conditions de travail, et sont à remettre d’urgence sur le métier. C’est le cas de la suppression des Comités hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT), qui a affaibli le dialogue social dans l’entreprise. Il me paraît essentiel également de revenir sur la suppression des quatre critères de pénibilité évoqués plus haut. Il faut sortir d’une approche individuelle de la pénibilité et faire une liste exhaustive des métiers pénibles, avec une idée simple : que le temps passé dans ces métiers fasse gagner des trimestres de retraite. Ces ordonnances avaient également supprimé une petite cotisation payée par les entreprises et destinée à la prévention, qu’il serait judicieux de rétablir. Plus généralement, il faut conditionner les aides publiques accordées aux entreprises – elles représentent près de 200 milliards d’euros chaque année, contre 30 milliards à peine dans les années 1980 – à leurs pratiques sociales et environnementales. On ne peut plus distribuer cet argent sans exiger de contreparties. ♦

Notes

Réforme du RSA : le gouvernement pose ses conditions

Sanctions automatiques, «modules» d’activité, nouveau contrat d’engagement… «Libé» a pu consulter le projet de loi pour le «plein-emploi» qui sera présenté en Conseil des ministres début juin, alors que les expérimentations sur la réforme du revenu de solidarité active viennent de commencer dans 11 des 18 départements pilotes.

par Anne-Sophie Lechevallier et Frantz Durupt

publié le 23 mai 2023 à 20h48

Un seul pouvoir, mais deux discours. L’idée de conditionner le revenu de solidarité active (RSA) à quinze à vingt heures d’activité par semaine, défendue par Emmanuel Macron pendant sa dernière campagne présidentielle et contestée par plusieurs syndicats, associations et départements, a donné lieu à des prises de parole contradictoires de l’exécutif ces dernières semaines. Une «ambiguïté» dénoncée par le concepteur du RSA en 2009, Martin Hirsch. Lui aussi s’inquiète de cette réforme, inscrite dans le projet de loi pour le «plein-emploi». Ce texte, duquel doit naître France Travail, le nouveau «guichet unique» de l’accès à l’emploi, sera présenté en Conseil des ministres au début du mois de juin alors que les expérimentations sur le RSA viennent de commencer dans 11 des 18 départements pilotes.

D’un côté, des propos fleurent bon la lutte contre un supposé «assistanat». Souvent, c’est Emmanuel Macron qui s’en charge. Comme lorsque le chef de l’Etat évoquait le «sentiment d’injustice» de certains salariés, qui serait nourri par le fait que d’autres «ne travaillent jamais», le 22 mars, à la veille de la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, dans un entretien à TF1 et France 2. De l’autre, un discours bien plus modéré, qui met en avant l’urgence de tenir une promesse jamais concrétisée depuis la création du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988 : assurer un vrai accompagnement aux allocataires.

C’est celui tenu par la Première ministre, Elisabeth Borne, à la Réunion le 13 mai : «On mobilise toutes nos forces pour accompagner au mieux les bénéficiaires du RSA.» Mais aussi par Olivier Dussopt, le ministre du Travail, qui remarquait devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 2 mai que «18 % des allocataires [soit 340 000 personnes, ndlr] ne font l’objet d’un suivi par aucune structure», ce taux pouvant monter à 30 % dans certains départements. Ou encore par Thibaut Guilluy, le haut-commissaire à l’emploi, auteur du rapport censé préfigurer France Travail, qui déplore : «Aujourd’hui, le système ne permet pas de bien accompagner les gens au RSA, il a conduit depuis des années à leur relégation, se contentant de trois contacts par an, mail compris.»

«Assiduité et participation active»

La version du projet de loi transmise à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle le 16 mai et que Libération a pu consulter contient dix articles. Le deuxième crée le «nouveau contrat d’engagement de tous les demandeurs d’emploi inscrits auprès de France Travail», ce qui comprendra les personnes au RSA. Sont prévues parmi les engagements «l’assiduité et la participation active à l’ensemble des actions de formation, d’accompagnement et d’appui prévues dans le plan d’action», lui-même «élaboré en fonction des besoins de la personne, il précise les objectifs d’insertion sociale ou professionnelle et, le cas échéant, le niveau d’intensité de l’accompagnement». Nulle part dans ce texte ne sont mentionnées les quinze à vingt heures d’activité.

En revanche, les sanctions en cas de non-respect de ce contrat sont, elles, bien spécifiées. Le contrôle des engagements revient au président du conseil départemental ou à France Travail, avec des propositions faites au premier, qui aura donc bien le dernier mot. Pour la «suspension remobilisation», cette sanction qui interrompt rapidement le versement du RSA en cas, par exemple, de manquement aux premiers rendez-vous d’accompagnement, il est précisé que le versement reprend «à compter de l’élaboration ou de l’actualisation du contrat ou de la réalisation des actions correspondant aux engagements du bénéficiaire. En cas de suspension, la reprise du versement donne lieu à la régularisation des sommes retenues».

La possibilité de radiation n’est certes pas nouvelle, les conseils départementaux ayant déjà ce pouvoir. Mais elle est rarement mise en œuvre. En Ille-et-Vilaine, l’une des trois collectivités participant à l’expérimentation et qui ont voulu avertir le gouvernement contre une dérive du projet, le président socialiste du conseil départemental, Jean-Luc Chenut, explique : «En temps normal, c’est 2 ou 3 % des situations, pour cause de reprise d’activité complète ou partielle non déclarée, ou des personnes qui après X relances ne répondent à aucune des invitations, sans que ce soit un problème de circonstances.» Avec deux autres élus de gauche, Bruno Bernard, le président de la métropole de Lyon, et Michel Ménard, président du conseil départemental de la Loire-Atlantique, ils ont posé plusieurs critères «non négociables», faute de quoi leurs collectivités «se retireraient sans délai de l’expérimentation», comme l’a déjà fait le président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel. Il est pour eux, par exemple, hors de question de créer un «RSA sous condition» et de se livrer à «tout chantage à l’allocation à travers un pointage des heures d’activité». A Pôle Emploi, Guillaume Bourdic, représentant CGT, constate pour sa part que «depuis la mise en œuvre du contrôle sur la recherche d’emploi généralisé en 2015, répondant à une logique purement administrative, le nombre de radiations sanctions n’a eu de cesse de se développer». Mais Thibaut Guilluy assure au contraire que «la prise en compte des manquements sera moins automatique pour mieux tenir compte de la situation des personnes pour appliquer les sanctions».

«Prestation plus stigmatisante»

La multiplication des sanctions plus petites que la radiation aurait par ailleurs, selon le chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques Guillaume Allègre, des effets «pernicieux» : «Cela romprait la logique actuelle de présomption de confiance, avec des radiations possibles dans certains cas. Les sanctions ont des effets très hétérogènes, qui aggravent les inégalités dans les publics visés, les plus proches de l’emploi accélèrent leur retour à l’emploi et les plus éloignés sombrent dans la grande pauvreté. Rentrer dans une logique de sanction à la moindre faute serait inefficace. La littérature scientifique le montre : plus il y a de sanctions, moins il y a de recours à la prestation. Cela accroît le non-recours [déjà estimé à plus de 30 % pour le RSA], car la prestation est plus stigmatisante.» La lutte contre le non-recours, ce «versement à la source» également un engagement de la campagne présidentielle, fera l’objet d’expérimentations à la rentrée. En attendant, le Secours catholique lance une initiative dans plusieurs territoires pour aller vers les personnes qui ont le droit à des prestations et ne les demandent pas.

L’autre sujet brûlant, c’est le contenu de ces quinze à vingt heures hebdomadaires, citées dans les discours et expérimentées dans les départements. Il ne s’agira «ni de travail gratuit ni de bénévolat obligatoire, assure Olivier Dussopt. Ce sont des activités d’accompagnement, d’insertion, des activités de remobilisation». De fait, le rapport de Thibaut Guilluy n’évoque jamais l’idée d’aller contribuer à l’activité d’une entreprise au même titre qu’un salarié. Il liste une cinquantaine de «modules» qui vont de «venir à un échange avec l’accompagnant» à «créer son entreprise», en passant par un «diagnostic des compétences», «lever les freins sociaux», des expériences de bénévolat, la «découverte des métiers», une «découverte des techniques de recherche d’emploi»… Le haut-commissaire précise : «Le RSA correspond à une telle diversité de situations qu’il n’est pas question d’appliquer ces quinze à vingt heures de manière dogmatique à tout le monde, mais en fonction des besoins.»

«Plein-emploi précaire et imposé»

Alors, rassurées, les associations qui accompagnent les précaires ? Pas vraiment. «On revient toujours à un problème majeur, qui est qu’on pense qu’une personne au chômage serait quelqu’un pour qui tout va bien, il a une famille, un logement, et tout d’un coup il n’a plus d’emploi. Et ce serait son seul problème… Mais ce sont des vies entières, des situations globales», explique Pierre-Edouard Magnan, le président du Mouvement national des chômeurs et précaires. L’économiste Guillaume Allègre pointe les mêmes entraves : «Cette évolution vers un durcissement de la conditionnalité des aides et de la politique sociale, au nom du bien des allocataires, sous-entend que ces derniers cèdent à la paresse et à la fainéantise. Mais les études montrent que les principaux problèmes ce sont la mobilité, la garde d’enfant, le logement, la santé… Ils doivent être résolus en premier.»

Il a par ailleurs calculé que si les quinze à vingt heures étaient appliquées à l’ensemble des quelque 3 millions de bénéficiaires, à raison de quarante-cinq semaines par an, cela représenterait plus d’un milliard d’heures : «Cette mesure d’accompagnement intensif coûterait donc entre 10 et 20 milliards d’euros !» Pour l’instant, le budget des expérimentations représente «25 millions d’euros pour 40 000 bénéficiaires en année pleine, ce sera peut-être étendu l’an prochain avec une rallonge dans le prochain budget», précise Thibaut Guilluy. Dans son rapport, il chiffrait le coût du dispositif entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros de 2024 à 2026 en cumulé. Dans cet accompagnement intensif, Guillaume Bourdic de la CGT Pôle Emploi s’inquiète du rôle accru promis aux acteurs privés : «Les opérateurs privés de placement deviennent des partenaires privilégiés avec la mise en place de France Travail. Cela pose le problème de l’externalisation des missions de service public, mais aussi des effets de la rémunération au résultat de ces opérateurs.»

Quand le gouvernement espère que cette réforme du RSA créera un «choc de l’insertion», selon la formule de Thibaut Guilluy, les syndicats, comme la CGT, redoutent un «plein-emploi précaire et imposé», selon Guillaume Bourdic. La rhétorique du chef de l’Etat «oppose la figure du travailleur pauvre à celle de l’assisté, constate Guillaume Allègre. Cette logique conduit à une impasse. Mettre des règles qui impliquent que les conditions de vie de ceux qui reçoivent un revenu d’assistance doivent être moins bonnes que celles des travailleurs pauvres, cela a été fait au XIXe siècle en Angleterre et cela aboutit à ce que tous voient leurs conditions de vie dégradées».

Pacte : « une relation contractuelle dans une logique de valorisation de la performance »

Christian Maroy, sociologue qui suit depuis des années l’évolution du métier enseignant, analyse l’impact du pacte. Pour le chercheur, « le pacte enseignant se présente comme une façon de répondre aux besoins – de revalorisation – de la profession enseignante, mais il est tout autant un moyen managérial de gérer les problèmes auxquels se heurtent le système et les établissements ». Il fait le lien entre la contractualisation à l’œuvre au sein des institutions et ce qu’implique la signature du pacte pour les enseignants.

Le statut enseignant est-il fragilisé par la mise en place du pacte ?

Oui de façon assez évidente dans la mesure où le gouvernement français choisit de proposer des « contrats aux volontaires » pour mener des tâches diverses et parfois nécessaires, en sus de leur service statutaire. Cette logique de contrat se surajoute et entame à la fois une logique de fonction statutaire, qui se décline différemment selon les diverses fonctions. D’où évidemment, un rejet syndical qui cherche à éviter des mesures qui tendent à différencier les salariés ou fonctionnaires au sein d’une même fonction. D’autant plus, que le côté « modulable » des diverses missions accentuera une forme d’individualisation de la relation contractuelle.

Est-ce que ce type de mesure est significatif du New Management Public ?

Oui. Partiellement et indirectement. Le New Management Public est originellement un discours normatif sur la gouvernance entre l’État et ses administrations, qui touche surtout les logiques organisationnelles. L’État fait des contrats avec les organisations locales – académies ou établissements – précisant des objectifs quantifiés à poursuivre avec une autonomie relative de moyens. Ces contrats mènent à une logique d’évaluation des performances, de valorisation de l’efficacité et de l’efficience, qui peut parfois être associée à des formes « de primes » – sous formes matérielles ou symboliques – mais aussi à des sanctions. La logique du « pacte enseignant » reprend cette logique contractuelle – du salaire contre des missions à remplir, parfois choisies, mais aussi une logique de valorisation de la « performance » sous forme de bonus salarial individuel. Mais, ici, le contrat ou le pacte se fait surtout avec l’individu enseignant et ne concerne pas d’abord l’organisation.

Cependant cela pourra, indirectement, contribuer à la logique managériale des établissements du fait que ce seront les chefs d’établissement qui pourront recourir ou bénéficier de ces « pactes  » et donc de « temps enseignants » supplémentaires pour gérer les problèmes de leur école – les remplacements des enseignants, les suivis des élèves en difficulté, etc. Autrement dit, les ressources ne sont plus données de façon linéaire et générales à l’ensemble des enseignants – qui se plaignent à raison de leurs conditions salariales et de travail – mais sont conditionnées à des engagements contractuels sur des missions ou tâches jugées relativement clés par l’autorité publique.

En quoi ce mode de gouvernance est-il dangereux pour l’école et les services publics en général ? 

En France, peut-être encore plus qu’ailleurs, le travail enseignant s’est alourdi et complexifié, du fait de beaucoup d’évolutions de l’école et de la société – nouvelles missions et attentes accrues de la société vis-à-vis de la réussite de tous les élèves, inégalités sociales toujours présentes, individualisation des parcours et des rapports à l’école, politique d’inclusion scolaire etc. Partout, on reconnait dès lors un « malaise enseignant » qui se traduit par des demandes de revalorisation salariale ou symbolique des enseignants, mais on cherche aussi à contrer les problèmes de pénurie de nouveaux candidats et de désaffection vis-à-vis de l’évolution du métier. C’est d’ailleurs aussi vrai pour d’autres métiers de la relation dans d’autres secteurs comme la santé ou le social.

Or dans ce « pacte enseignant« , la revalorisation salariale générale qui avait été promise aux enseignants n’est que partielle et devient pour partie « conditionnelle » à leur engagement supplémentaire… comme s’ils ne donnaient pas beaucoup déjà.

Du point de vue des enseignants, c’est évidemment une forme de déni de leur réalité : on suppose qu’ils ont du temps de travail « en réserve » et qu’ils pourraient travailler plus s’ils le voulaient. De plus, il repose sur une vision assez utilitariste des enseignants, qui s’engagerait surtout dans le travail éducatif en raison de leurs intérêts monétaires, sans parier justement sur un engagement plus « vocationnel » qui existe plus qu’on ne le pense.

En bref, le déni des difficultés assez généralisées de leur travail risque d’être vécu par les enseignants, comme une forme de non reconnaissance supplémentaire. Cela pourrait accentuer encore la perte d’attractivité du métier ou les formes de retrait ou de désenchantement des personnels.

En définitive, le pacte enseignant se présente comme une façon de rencontrer les besoins – de revalorisation – de la profession enseignante, mais il est tout autant un moyen managérial pour gérer les problèmes auxquels se heurtent le système et les établissements – difficultés d’apprentissage, inégalités de réussite, décrochages, qualité de la formation professionnelle et de l’insertion etc.

Les problèmes à résoudre sont évidemment bien réels, mais la stratégie pour les résoudre risque d’entrainer beaucoup d’effets négatifs sur le rapport des enseignants à leur métier et à l’institution éducative. Par contre, à ce stade, rien ne dit que cette politique va effectivement produire des effets positifs sur les problèmes à résoudre.

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