1 536 professeurs des écoles manqueront à l’appel

Sur 7917 postes offerts aux concours externes de professeurs des écoles, seulement 6 813 ont été pourvus (sans l’académie de Mayotte). Soit une perte de 1 104 postes pour le premier degré dès la prochaine rentrée. Si on y ajoute les concours internes, ce sont 1 536 enseignant·es qui manqueront à l’appel le 2 septembre. Ces pertes, qui se concentrent  sur trois académies – Créteil, Versailles et la Guyane, laissent présager une rentrée sous tension. À l’image des deux dernières années…

Si les différent·es locataires de la rue de Grenelle avaient promis un choc d’attractivité les années précédentes, on notera que les deux derniers – Gabriel Attal et Nicole Belloubet se sont faits plus discrets. Et pour cause, ils se doutaient que cette année encore, les concours ne feraient pas le plein. Jeudi 9 mai, la ministre reconnaissait d’ailleurs des « difficultés de recrutement dans certaines académies« . Elle promettait « une réponse à long terme, qui sera à l’oeuvre dès la rentrée prochaine » faisant référence à la formation initiale que son gouvernement est en passe de modifier – malgré l’opposition de tous les syndicats et le Conseil National des Universités.

Toujours est-il que la rentrée se fera, cette année aussi, dans des conditions plus que dégradées. Le 16 mai dernier, le Café pédagogique alertait sur le nombre de postes perdus aux différents concours du professorat. Avant même le passage des candidats admissibles devant les examinateurs, le premier degré perdait au moins 851 enseignants du premier degré.

C’est dans les académies de Créteil, Versailles et la Guyane que l’hémorragie est la plus forte (à l’heure où nous publions cet article, les résultats de l’admission à Mayotte ne sont pas encore tombés). L’académie de Créteil perd 406 postes sur le concours externe et 161 sur les internes. En Guyane, c’est 119, soit près de 70% des postes ouverts au concours non pourvus. 174 si on y ajoute les pertes sur les concours internes. Dans l’académie de Versailles, ce sont un peu plus de 50% des postes qui sont perdus sur le concours interne et 102 sur l’externe. Ces trois académies, déficitaires depuis de longues années, bénéficient du concours interne exceptionnel (ouvert aux contractuels) et du concours supplémentaires pour Versailles et Créteil. Si le dernier a fait les plein – il y a 595 admissibles dans chacune des deux académies (pour 700 postes ouverts), le second est un échec, seulement 134 admissibles pour un total de 370 postes.

Pas de surprise pour les syndicats

Pour les syndicats, ces résultats sont loin d’être étonnants. « Deux ans après les déclarations du ministre Pap Ndiaye, force est de constater que « le choc d’attractivité » n’a toujours pas eu lieu ! » ironise Guislaine David. « Le nombre de postes perdus au CRPE s’accroît de nouveau« . Pour la porte-parole du premier syndicat des professeurs des écoles, la FSU-SNUipp, « la politique actuelle du gouvernement est responsable de cette érosion massive ». « La perte du pouvoir d’achat des enseignants du premier degré ajouté aux conditions de travail dégradées renforcent le manque d’attractivité« . Et contrairement à la ministre de l’Éducation nationale, Guislaine David estime que ce n’est pas « la réforme de la formation initiale engagée par le gouvernement qui aura un effet sur l’attractivité, notamment avec une année de Master 1 après concours rétribuée à 900€ par mois« . « Déqualifier le métier de professeur des écoles et rabaisser le niveau d’exigences des futurs concours au niveau 3ème – comme le montrent les sujets zéro qui ont fuité sur les réseaux sociaux – ne permettra pas de revaloriser le métier. C’est l’ensemble de la politique éducative, mais également la politique salariale qu’il faut revoir« .

« Si le nombre de postes pourvus s’annonce, légèrement meilleur que l’année dernière, la réalité sera toujours aussi difficile pour la rentrée » alerte Élisabeth Allan-Moreno. « Les rentrées successives de ces dernières années se sont tellement déroulées en déficit de personnels que le contexte n’a cessé de s’aggraver, et qu’il est aujourd’hui difficile d’envisager une préparation sereine et avec moins de tensions. La réalité des besoins des écoles maternelles et élémentaires nécessite une situation bien plus à l’équilibre« . Sur les postes des CRPE supplémentaires, qui devraient faire le plein, la secrétaire générale du SE-Unsa rappelle qu’il « revient au ministère d’assurer à ces futurs enseignants une entrée dans le métier des plus sereines dès le départ pour éviter tout départ ou intention de départ trop rapidement« . Et si, au contraire, les concours internes exceptionnels sont en berne, elle estime que l’explication se trouve dans les conditions d’exercice que connaissent les candidats déjà en fonction d’enseignement. » En école ou en établissement avant de passer le concours, ils ont pu voir que cette année encore, et malgré un discours sur la nécessité de retrouver de l’attractivité, aucune amélioration n’avait pu être observée. C’est sans doute même le contraire lorsqu’on regarde une par une les conséquences sur le climat scolaire ou la charge de travail des consignes relatives à l’idéologie Choc des savoirs  – uniforme, manuels, évaluations…« .  « De façon générale, la problématique de l’attractivité des métiers enseignants, CPE, et PsyEN se retrouve à nouveau cette année alors qu’elle était la première des priorités de Gabriel ATTAL lorsqu’il est arrivé au ministère l’été dernier » ajoute la responsable syndicale. « Aucune mesure n’aura été actée de l’année entière sur le sujet. C’est même bien l’inverse, les restrictions budgétaires, l’absence de perspectives de revalorisation, l’absence de prise en compte des difficultés de l’école inclusive et, de façon non négligeable, le retard conséquent pris sur la réforme de la formation devant ramener à bac+3 l’année de recrutement.
Mises à part les mesures du plan Choc des savoirs, cette année aura été une année blanche au ministère de l’Éducation nationale, alors on ne pouvait envisager de réelles améliorations sur le nombre de postes pourvus aux concours ».

Les résultats des concours du second degré ne devraient pas tarder à tomber. Là aussi, il manquera des enseignants. Avant même le passage des épreuves d’admission, les résultats n’étaient pas encourageants.

 

Résultats du CRPE 2024

Postes Admis Postes en + ou – Liste complémentaire
Aix 385 385 40
Amiens 220 220 50
Besançon 134 134 35
Bordeaux 246 285 32
Clermont 78 85 +7 15
Corse 20 24 + 4 1
Créteil 1037 631 – 406
Dijon 154 154 40
Grenoble 338 375 56
Guadeloupe 24 24
Guyane 152 33 -119  + 11* = -108
Lille 515 515 36
Limoges 72 72 2
Lyon 435 435 45
Martinique 19 19
Mayotte 114
Montpellier 271 275 75
Nancy 264 264 22
Nantes 173 175 70
Nice 274 275 8
Normandie 318 318 46
Orléans-Tours 266 266 62
Paris 215 236 +21 16
Polynésie 15 15
Poitiers 131 131 39
Reims 129 129 35
Rennes 112 131 54
Réunion 133 133 20
Strasbourg 135 164 40
Toulouse 313 318 98
Versailles 1230 640 -590

*Guyane, concours interne exceptionnel, 11 admis

Lorsque le nombre d’admis est supérieur au nombres de postes ouverts au concours, c’est qu’ils ont été pris sur les concours internes.

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