Pourquoi augmenter les salaires des enseignants

L’augmentation de salaire des enseignants est-elle justifiée ? Méritent-ils un traitement à part des autres fonctionnaires ? La question peut être posée alors que le gouvernement vient de faire connaitre ses propositions dans le cadre du PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations). Car si la question de la revalorisation semble commune avec les autres fonctionnaires, en réalité la situation est nettement plus détériorée à l’éducation nationale que dans les autres ministères. Mais pourquoi ?

Les enseignants sont-ils mal payés ? Autant partir des études officielles pour le savoir. En octobre 2015, la Depp, division des études du ministère, a publié une Note sur les salaires enseignants.

Un salaire qui n’a pas évolué comme celui des autres fonctionnaires

Comme les autres fonctionnaires, les enseignants ont vu le « point fonction publique » , c’ets à dire la valeur de l’indice salarial, bloqué de 2010 à 2016 alors que l’inflation et les charges continuaient d’augmenter. En clair le pouvoir d’achat s’est réduit et, en plus, le bulletin de paye a baissé en net. Ainsi le salaire net d’un professeur des écoles débutant est passé de 1649 € en 2013 à 1634 en 2015.

Mais comment évolue le salaire enseignant par rapport à celui des autres fonctionnaires ? Les autres fonctionnaires ont-ils été touchés également par le gel du point Fonction publique ? Une étude Insee publiée en août 2015 montre que ce n’est pas le cas. Les salaires des fonctionnaires ont globalement diminué de 0,7% en 2013. Mais chez les enseignants la baisse a été trois fois plus rapide :  -0,4 pour les non enseignants, – 1,1% pour les enseignants. Cela en euros constants. Les enseignants sont donc bien les champions de la baisse. L’écart s’explique par le fait que dans les autres ministères, le gel du point FP a été partiellement compensé par des primes, ce qui n’est pas le cas à l’Education nationale. Avant c’était pire : en 2012 les salaires enseignants avaient diminué 15 fois plus vite que ceux des autres fonctionnaires…

Un salaire inférieur à celui des autres pays

Comment cela se passe-t-il ailleurs ?  Exprimé en euros, 14 pays européens versent un salaire de débutant supérieur au salaire français. Alors que le salaire moyen annuel du professeur des écoles est de 24 724 €, on, est à 42 891 en Allemagne, 25123 en Angleterre; 27 754 en Espagne, 30 335 en Belgique, 32 225 aux Pays Bas, 48 360 en Norvège, 31 699 en Finlande, selon Eurostat. Il atteint même 70 450 € au Luxembourg. Exprimé par rapport au PIB national ce n’est pas mieux. Le salaire du professeur des écoles français débutant représente 79% du PIB national. Or chez la plupart de nos voisins, il est supérieur au PIB. C’est le cas en Allemagne (126%), en Angleterre (100%), en Espagne (124%) ou au Portugal (138%).

Est-ce du au fait que les enseignants français travaillent moins que les autres ? C’est un argument que l’on entend à droite où on promet d’augmenter les enseignants en les faisant travailler plus pour en diminuer leur nombre. L’argument ne vaut pas si l’on s’en tient aux heures effectuées devant élèves. En France, les enseignants du primaire sont, en moyenne et par an, 924 heures devant les élèves, soit 142 heures de plus que la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 782 heures ». La France est d’ailleurs aussi mal placée pour le nombre d’élèves par classe au primaire : 22.8 élèves en France contre 21.4 dans l’OCDE. Le Royaume Uni et le Japon sont les seuls grands pays développés à avoir davantage d’élèves par classe que la France. Dans la majorité des pays européens on en compte 17 à 19.

Avec le PPCR, le ministère promet de rattraper le retard et de mettre en 2020 la France dans les pays de tête du salaire enseignant dans l’OCDE. On verra bien…

Comment augmenter la dépense d’éducation sans augmenter les enseignants ?

C’est peut-être la coupe qui fait déborder le vase pour les enseignants. Ils n’ont cessé de voir leur employeur engager de nouvelles dépenses… mais pas pour eux. Ils ont vu les cadres de l’Education nationale obtenir une revalorisation. L’épisode des 10 000 euros versés aux recteurs il y a un an n’a pas été oublié. Au début de l’année scolaire 2015-2016, c’était une catégorie d’inspecteurs qui obtenait un nouveau grade de fin de carrière repoussant plus loin leur échelle indiciaire.

Ensuite il y a eu les milliards déversés autour d’eux. Il ont vu l’Etat donner un milliard aux collectivités pour les activités périscolaires. Un autre milliard est annoncé pour le plan numérique. Et au début de l’année scolaire c’est un troisième milliard que F Hollande a promis pour le service civique, dont on voit bien qu’il a une finalité éducative. Le pays dépensait de plus en plus en éducation mais pas pour eux. Le milliard du PPCR (à terme) s’inscrit en dans ce contexte.

Il y a pourtant intérêt à augmenter les salaires des enseignants


Augmenter le salaire des enseignants a-t-il un effet sur les résultats scolaires ? Pour l’OCDE, augmenter le salaire des professeurs est un levier d’amélioration des systèmes éducatifs dans les pays riches. Elle a montré qu’il y a bien, chez les pays riches (plus de 20 000 $ de PIB) une tendance entre l’importance du salaire enseignant et le niveau de performance des élèves. La France où le salaire, relativement au PIB du pays, est plus faible que celui des enseignants coréens ou canadiens, performe moins bien qu’eux. La tendance est nette.

L’OCDE arrive à expliquer cette situation. Pour elle, avoir des salaires élevés permet d’attirer vers les métiers de l’enseignement les meilleurs étudiants. Quand les salaires sont faibles, on se retrouve en manque d’enseignants ou avec des candidats médiocres qu’il faut bien accepter pour remplir les places. Et finalement la société paye la note….

Laisser un commentaire